(Oh, pourquoi ne peux-tu demeurer comme cela pour toujours ?), elle est loin d'imaginer que son innocente -et tout à fait simple somme toute- réflexion est un souhait tout à fait contradictoire, mais si compréhensible, car tout le monde sait combien toutes les mères du monde sont pressées de voir leurs enfants grandir ! Grandir, en gardant un cœur d'enfant, si Dieu veut bien. Cette déclaration sera le départ d'une histoire aussi extraordinaire qu'extravagante. Mrs Darling voyage dans l'esprit de sa petite fille et de ses deux frères, John et Michaël. Neverland (never : jamais, land : terre), le pays de leurs rêves secrets visités secrètement par Peter Pan, ce petit garçon qui refuse de grandir, ne lui est pas inconnu. Une nuit, Peter Pan pénètre dans leur chambre par la fenêtre et entraîne les trois petits enfants dans ce pays de nulle part et qui, comme son nom l'indique, n'existera jamais. Wendy, John et Michaël vivent des aventures très agitées dans ce Neverland, centrées sur le Capitaine Hook, un chef pirate et sa bande. Hook (Crochet) a perdu l'un de ses bras – arraché par Peter Pan – durant un combat homérique et donné à manger à un crocodile qui ne cesse de le (Hook) poursuivre en produisant un bruit de tic-tac (ticking). Le chef pirate s'empare des enfants qui, vite délivrés par PP après un long combat tout aussi homérique, finissent par rentrer à la maison, laissant leur «petit» ami à sa jeunesse éternelle et à l'oubli du temps. Le conte, qui est un regard en arrière nostalgique sur l'enfance, est en même temps, le temps d'une lecture, un temps éducatif, une initiation à grandir. Les enfants doivent accomplir le voyage de la tentation dans l'imaginaire pour faire leur éducation. Par le rêve, PP initie les enfants à un passage par la confrontation avec le père. Ce père aussi féroce que redoutable, rusé mais prestigieux, tout en demeurant grotesque, est vaincu dans le rêve. Dans la réalité, en fait, il n'est vaincu que par sa propre sottise. C'est un hurluberlu ridicule. Lorsque Wendy revient à la réalité, elle accepte enfin de grandir, de vieillir et de mourir, car n'est-ce pas là la fatale étape de toute vie. Une histoire fascinante qui ne doit pas nous faire oublier le pourquoi et le comment du choix de ce nom : Peter Pan. Peter, Pierre : une pierre, et l'on sait ce que cet élément de la nature représente en symbole, en exemple, en image, tout ce qu'il peut chuchoter à notre imagination. Pan : voilà un nom bien trouvé pour un Peter aussi petit que le pan chinois (20 cm), cet instrument en bois très dur qui sert aux veilleurs de nuit et qui produit un son qui s'entend de loin lorsque frappé par un autre morceau de bois dur. Pan (du latin pannus, morceau d'étoffe) est devenu, par extension, cette partie flottante d'un vêtement auquel, par exemple, un enfant peut s'accrocher pour ne pas perdre le parent qu'il suit. La maman en général. Pan, c'est encore ce premier élément (tiré du grec pan, pantos, «Tout» ) et qui entre dans la composition de nombreux mots, tels que : panacée, panarabisme, panaméricain, panathénées, pancarte, panchromatique, panthère, pantomime, panoplie, Panthéon… La liste est longue. Pan ! comme on joue aux gendarmes et aux voleurs ou aux Indiens. On fait «pan !» aussi, lorsqu'on fait mine de tuer quelqu'un, ou … et là, on peut aller très loin. Pan, n'est-ce pas aussi, et surtout, ce dieu de la Mythologie grecque qui a donné son nom à «terreurs de panique» ? Protecteur des bergers et des troupeaux, des pâturages aussi verts que le vert uni et impérissable du costume de Peter Pan. Ce dieu qui passe pour être l'inventeur de la flûte et qui deviendra, par la grâce des Stoïciens et des Orphiques, le dieu de la vie universelle et le «Grand-Tout». Peter Pan, un nom aussi génial que son inventeur, un nom aussi révélateur que ses symboles : initiation, ambivalence, nostalgie, musique, «terreurs de panique», innocence, candeur… Jeunesse éternelle qui se joue de l'amnésie du temps.