Tout un arsenal juridique hérité de l'époque socialiste et que nos dirigeants politiques n'ont, pour diverses raisons, jamais voulu abroger, existe à cet effet. Un arsenal dont on peut se servir à volonté dès lors que le dirigeant de l'établissement bancaire ne bénéficie plus des solides protections qui permettaient de commuer des fautes passibles d'une sanction pénale en simples erreurs de gestion n'impliquant que la responsabilité civile du gestionnaire, n'entraînant que des sanctions administratives (mise à pied, licenciement). Le traitement des fautes de gestion sous l'angle du droit civil plutôt que du droit pénal est souvent présenté comme un coup de pousse aux gestionnaires, mais en réalité il s'agit là d'une procédure tout à fait normale, les banques publiques algériennes étant régies par le code de commerce qui place les actes de gestion des dirigeants de sociétés par actions sous le régime de la responsabilité civile. Les banques publiques algériennes étant des sociétés par actions, seuls les détournements et les abus de biens sociaux sont effectivement passibles de poursuites pénales lorsqu'ils sont évidemment portés à la connaissance du procureur de la République par le commissaire aux comptes de l'établissement bancaire. Le code de commerce interdit à tout organe autres que ceux qui sont habilités (PDG, conseil d'administration, assemblée générale des actionnaires et commissaire aux comptes) de s'immiscer dans la gestion courante de la société ou d'y effectuer des contrôles. Seuls ces organes sont habilités à qualifier une erreur ou une faute de gestion et à saisir la justice en cas de malversation flagrante d'un ou plusieurs gestionnaires de l'entreprise. Le contrôle des sociétés par actions doit nécessairement être effectué a posteriori pour donner un maximum de liberté de gestion aux managers qui sont, faut-il le rappeler, jugés sur les résultats économiques et financiers qu'ils ont réalisés. deux approches Mais alors pourquoi permettre à deux approches, l'une à caractère pénal et l'autre à portée civile, de coexister et d'être instrumentées au gré des conjonctures et des rapports de force qui prévalent dans le pays ? Pour ce directeur d'une agence bancaire domiciliée à Annaba qui vient à peine de retrouver sa liberté après plus d'une année d'une injuste détention préventive, «la pénalisation de l'acte de gestion est préméditée sinon comment expliquer que les autorités politiques n'aient pas songé à abroger les lois scélérates héritées des années 80, lorsque le code pénal a été modifié en juin 2001. La coexistence de deux législations, l'une moderne (code commerce) et l'autre archaïque (code pénal), permet à ceux qui ont réellement le pouvoir de vous affliger la sanction de leur choix». Un patron de banque publique auquel nous reprochions l'état de surliquidité qui caractérise l'entité qu'il dirige en raison, dit-on, de l'excès de prudence qui prévaut dans l'octroi de crédits à l'économie, ce dernier a rétorqué qu'«au regard des conséquences pénales que nous encourrons, je peux vous affirmer que nos banquiers prennent trop de risques. A la moindre présomption de culpabilité, un magistrat ne connaissant rien à la gestion des banques peut transformer leur vie en cauchemar. Pour que les banques publiques algériennes soient plus performantes en termes d'octroi de crédits commençons d'abord par dépénaliser le risque qui est, comme vous le savez, un élément indissociable du management courant des banques commerciales». Notre interlocuteur sait évidemment de quoi il parle, échaudé qu'il est par les mésaventures judiciaires dont ont souffert souvent à tort nombre de ses confrères. Personne n'est à l'abri des emballements périodiques de la machine judiciaire, l'exemple le plus récent étant l'épreuve subie par l'ex-PDG de la BADR dont la compétence professionnelle avérée lui avait valu de nombreuses distinctions internationales et nationales parmi lesquelles le très convoité trophée du meilleur manager que lui avait décerné le Club Excellence Management en juillet 2004. Dans ce que l'on désigne désormais sous le nom d'«affaire Tonic emballage-BADR», tous ceux qui sont au fait du droit commercial cherche à savoir si c'est le commissaire aux comptes de la BADR qui a saisi la justice, et dans ce cas il faut considérer la procédure comme tout à fait normale, ou si c'est la justice qui s'est autosaisie sur la base d'informations externes à la banque, et dans ce cas le doute sur la sincérité et les objectifs de l'affaire serait permis. sanctions Les dirigeants des entreprises publiques économiques mais encore plus ceux des banques dont la fonction consiste précisément à prendre des risques sont tétanisés par cette épée de Damoclès, le code pénal en l'occurrence, qu'on fait pendre au-dessus de leurs têtes inhibant leurs actions en faisant perdre au bout du compte les performance attendues de nos entreprises et banques. Hormis les malversations dûment constatées par les commissaires aux comptes que la code de commerce soumet à un traitement judiciaire, tous les autres actes de gestion ne devraient en principe relever que de la compétence des organes de gestion habilités (CA, CAC, AG). Ne devront être opposées aux erreurs de gestion que des sanctions administratives, le pénal étant laissé aux seules affaires criminelles (détournement, corruption, abus de biens sociaux, etc.) portées à la connaissance du procureur de la République par le commissaire aux comptes de l'entreprise ou de la banque concernée.