Parmi les invités de Franz-Olivier Giesbert figuraient des écrivains français et algériens, dont l'ancien Premier ministre socialiste, Michel Rocard, pour son ouvrage Parlons vrai : entretiens avec Georges-Marc-Benamou, Henri Alleg pour Mémoire algérienne, Alain Finkrielkraut pour Nous autres modernes, Alain Gérard Salma pour Le siècle de monsieur Pétain, Yasmina Khadra pour L'Attentat, Boualem Sansal pour Harraga, Nina Bouraoui pour Mes mauvaises pensées. Henri Alleg, Alain Finkrielkraut, Alain Gérard Salma et Michel Rocard ont exprimé des points de vue brillants et précis à l'endroit de la modernité. Leur opinion sur ce sujet se complétaient très bien. Alain Finkrielkraut, comme à son habitude, a donné son éclairage avec un intérêt très vif pour Israël. Pour ce philosophe juif, la civilisation matérielle, la consommation, la méditation, en un mot, tout ce qui peut servir à donner vie à la modernité s'entendent de la représentation que les dominants et les dominés se font des rapports entre eux et l'histoire à laquelle ils participent. Vint le tour de l'écrivain algérien, Boualem Sansal, de donner son opinion sur le sujet. Celui-ci marqua un temps pour répondre. Puis, il brusqua sa réponse par cette phrase cruelle : «L'Algérie, dit-il, est en régression irréversible.» Yasmina Khadra, stupéfait comme tous les invités du magazine, dénonça la gravité de ces propos avec la plus extrême fermeté : «On n'a pas le droit, dit-il, de porter un tel jugement sur tout un pays, sur tout un peuple.» Franz Olivier Giesbert déplora la légèreté des propos de Boualem Sansal et regretta l'emploi de l'adjectif «irréversible». Faut-il dresser un bilan, même sommaire, de tout ce qui a été entrepris de grand et de beau en Algérie, et que tout le monde sait, durant les six dernières années ? Si dans un pays en voie de développement, une métamorphose s'est produite, c'est bien en Algérie, au point que depuis avril 1999, l'Algérie tient une place honorable et solidement assise dans le monde entier. Que l'on m'entende bien, tout n'est pas parfait dans notre pays. En effet, il y a encore la plaie du chômage, la crise du logement et certains besoins sociaux et culturels. Néanmoins, ces problèmes aussi communs aux pays sous-développés qu'aux pays extrêmement développés n'ont pas la fatalité que d'aucuns voudraient leur donner. C'est incontestablement avec le temps que tous ces besoins du pays seront satisfaits. Ce qu'il faut reprocher précisément à Boualem Sansal, ce n'est pas son manque de patriotisme, chacun a sa conception et ses préjugés, mais son complexe de frustration voire d'infirmité. Cet homme avait un besoin éperdu de se rendre intéressant. Cela se voyait sur son visage. Mais son projet a raté, car ceux qui parlent de régression à propos de l'Algérie sont ceux auxquels on peut retourner ce mot. * L'auteur est Avocat et Historien à Oran.