En l'espace de tout juste quelques heures, le chef de l'Etat malgache a fait preuve d'humour, de retenue, et enfin de responsabilité en mettant fin à un drame qui se déroule depuis des mois dans son pays. Il a tout simplement démissionné, hier, mais apparemment après avoir conclu un accord avec l'armée à laquelle il a remis le pouvoir. Peu auparavant, et alors même que son sort semblait scellé par le comportement de cette armée qui s'est mise du côté de l'opposition, tout en donnant l'impression de ne pas trop s'impliquer, il avait fait preuve d'une rare délicatesse dans un continent marqué par les putschs. Ainsi, le président Marc Ravalomanana qui se trouvait, hier, dans son palais présidentiel d'Iavoloha à Antananarivo, a jugé « disproportionnée » la prise, la veille, de ses bureaux par des militaires. Voilà donc deux éléments en un, un cas unique dans des situations identiques de coup d'Etat, puisque c'en est un. « Le président est toujours à Iavoloha (à une douzaine de km du centre-ville). Il est triste par rapport à ce qui se passe », a affirmé Andry Ralijaona, porte-parole de la présidence malgache. Le chef de l'Etat a jugé que « ce qui se passe est disproportionné par rapport au problème (...) et que ce problème pourrait être résolu s'il y avait une volonté des deux côtés » (camp présidentiel et opposition), a ajouté le porte-parole. Selon M. Ralijaona, la prise des bureaux de la présidence par l'armée « provoque une réaction exacerbée de la population par rapport aux forces de l'ordre. C'est la confusion totale », a-t-il déploré. Le porte-parole a déclaré qu' aucune décision d'intervention armée n'avait été prise pour le moment par le chef de l'Etat. Mais aucun mot ni même la moindre allusion à l'endroit de son pire adversaire, Andry Rajoelina, entré, hier, dans les bureaux de la présidence, suivi de milliers de partisans et salué par les militaires qui ont pris le bâtiment. Venu avec ses partisans de la place du 13 Mai où il avait, lors d'un rassemblement, « remercié » l'armée d'avoir pris les bureaux de la présidence, Rajoelina est entré dans l'enceinte du bâtiment gardé par des militaires qui ont levé leurs fusils en guise de signe de victoire. L'armée avait investi, lundi, les bureaux de la présidence pour « précipiter le départ » de Marc Ravalomanana, dont l'opposition réclame désormais l'arrestation. Dimanche soir, la présidence avait affirmé que « toute la garde présidentielle (était) présente et bien renforcée » autour du palais où se trouve Marc Ravalomanana. Selon un scénario bien rodé, Andry Rajoelina a, pour sa part, encore accru sa pression, lundi, sur le Président lors d'un rassemblement devant des milliers de partisans place du 13 Mai, au cœur de la capitale. Il a demandé « aux forces de l'ordre d'exécuter sans retard » un « mandat d'arrêt » pour « haute trahison » visant le Président. Ce « mandat » avait été auparavant annoncé par la « ministre de la Justice » nommée par l'opposant, Christine Razanamahasoa. « Les procureurs du territoire et les forces de l'ordre sont destinataires du mandat d'arrêt », a-t-elle affirmé. Le commandant de la gendarmerie a toutefois déclaré n'avoir « pas encore été informé » d'un tel mandat. Cela s'appelle une autorité de fait quand celle-ci vient à se diluer ou à être accaparée par la force. Voilà donc ce que vit la Grande île depuis trois mois. Un nouveau putsch dont Madagascar aurait tant voulu faire l'économie. Une situation préparée depuis longtemps, selon certains analystes, mais liée, selon d'autres, à une querelle entre le chef de l'Etat et son jeune opposant, pour une histoire de station de radio. Mais est-ce réellement cela ? Trop peu, dira-t-on. N'y a-t-il pas réellement autre chose ?