Les collégiens habitant le douar Ouled Frachih, distant de 8 km de Nekmarya, le chef-lieu de commune, dans la région accidentée du Dahra, sont de véritables parias. Obligés de parcourir à pied un chemin sinueux avec des pentes pouvant parfois frôler les 70%, ces adolescents ne peuvent faire autrement que de prendre le risque de traverser des bosquets pour réduire un peu les distances entre leurs domiciles et le collège. Des raccourcis qui deviennent impraticables par jour de pluie, mais qui rendent de précieux services lorsque le sol redevient sec. Ainsi, deux fois par jour, ces fils de paysans fortement attachés à leurs terres empruntent cette route en pente pour aller acquérir du savoir. Qu'il fasse chaud, qu'il pleuve ou qu'il vente, ce chemin escarpé est le seul lien qui les rattache un peu à la cité de Nekmarya, la première et souvent la dernière étape vers une vie meilleure. Car ceux qui parviennent à poursuivre des études secondaires, voire universitaires, ne se comptent que par décades. Affronter ces pentes raides Dans de pareilles conditions, le métier de berger devient la panacée. Car il faut vraiment avoir une sacrée dose de courage et d'opiniâtreté pour affronter ces pentes raides. C'est pourquoi sur toute la longueur du trajet, ils se répartissent souvent par petits groupes, selon l'âge et le sexe, voire selon l'emploi du temps et la classe d'enseignement, pour rejoindre qui le collège, qui le douar familial. A midi, lorsqu'ils quittent les salles de cours, ils se regroupent sous les arbres qui bordent la rue principale où ils peuvent, en fonction de leurs moyens, s'offrir un quelconque coupe-faim. On ose à peine imaginer les jours de pluie et de froid qui rendent la vie de collégiens parfaitement insupportable. Le soir venu, alors qu'ils entament péniblement le chemin, ils se relayent par grappes successives sur le pont qui enjambe Oued Errouh, se trouvant pratiquement à mi-chemin entre l'école et le douar. Ce passage obligé est également l'un des rares endroits où ils se reposent avant d'entamer la pénible remontée vers le douar. On peut aisément imaginer que tous les matins, ce point le plus bas du circuit sert également de halte avant de rejoindre le collège. Avec un parcours aussi ardu, c'est vraiment un miracle lorsque plus de 10% des enfants de Douar Frachih parviennent à s'inscrire dans un lycée. Pourtant, il suffirait d'un minibus pour que l'espoir retrouve ses droits. Car manifestement, les faibles ressources de la commune ne suffisent pas à colmater toutes les brèches d'un sous-développement endémique.