Plus loin, ce sont des logements de l'AADL qui émergent du sol. A proximité de Rahmania, la commune voisine, le cyberparc prend forme… Les chantiers sont nombreux, certains avancent assez vite, comme c'est le cas de l'usine pharmaceutique jordanienne, d'autres piétinent, à l'exemple des infrastructures socioéducatives et des industries de pointe que l'on projette d'y implanter, et pour lesquelles, l'Agence étatique chargée de l'aménagement de la ville nouvelle de Sidi Abdellah (ANSA), a réquisitionné l'essentiel des terres de la commune. Sidi Abdellah, tout comme Sidi Bennour, Zaâtria et Haddadou sont autant d'agglomérations secondaires qui formeront avec le chef-lieu Mahelma – et une partie de la commune de Rahmania – cette future ville dont les contours ont commencé à prendre forme ces cinq dernières années. L'Etat mise beaucoup sur cet immense projet urbain et, déjà, l'on n'hésite pas à parler d'aubaine pour le développement harmonieux de la région et de retombées positives sur la population… Toutefois, l'euphorie n'est pas partagée par les habitants de la région, en particulier les agriculteurs qui forment l'essentiel de la population. Eux sont d'un autre avis, tout comme les élus locaux qui considèrent que l'animation très particulière que connaissent les chantiers de l'ANSA traduit mal l'état réel de Mahelma. «Nous vivons un sous-développement chronique entretenu depuis l'indépendance», nous avoue franchement Ahmed Arkat, le président de l'APC. Natif de Mahelma, le maire déclare d'emblée ne pas comprendre pourquoi a-t-on voulu faire croire que les terres de la région n'avaient pas de valeur agricole. «C'est un non-sens, sinon qu'est-ce qui a bien pu attirer les colons dans cette région et la création de la commune de Mahelma dès 1844 ? Depuis les premières années de la colonisation jusqu'en 1990, les agriculteurs, à cause de l'ampleur des travaux champêtres, faisaient appel à la main-d'œuvre saisonnière qui se recrutait souvent dans les wilayas limitrophes d'Alger. On y venait aussi bien des hautes montagnes de Médéa que des zones rurales de Aïn Defla, Bouira, voire Djelfa… Mahelma était également réputée pour son élevage bovin, ses cultures céréalières et fourragères et ses généreux vergers.» Plus aujourd'hui, puisque l'activité agricole a fini par agoniser depuis que l'Etat a décidé d'en faire une zone urbaine d'excellence, sous prétexte que son potentiel agricole est quasi nul. L'ANSA a forcé la main aux propriétaires terriens pour les déposséder à vil prix de leurs terres. En conséquence, on a tout abandonné, les éleveurs leur bétail, les cultivateurs leurs vergers et beaucoup de paysans se sont convertis en ouvriers du bâtiment. Le déclin de l'agriculture, explique le maire, est à l'origine du fort taux de chômage que connaît sa commune dont la vocation, répète-t-il, est essentiellement agricole. Le maire, ses adjoints, de même que le secrétaire général de l'APC reconnaissent que la commune souffre depuis des lustres de problèmes épineux qui, fort heureusement, commencent à trouver un début de solution. Engagement solennel «Depuis l'arrivée du nouveau wali délégué de Zéralda, nos doléances sont prises en considération, en particulier en matière de réalisations socioéconomiques et culturelles», précise le maire. Ainsi, la commune bénéficiera l'année prochaine d'un lycée et d'un centre culturel… «Je peux dire que 60% des filles scolarisées abandonnent leurs études une fois qu'il leur faut aller au lycée, à Douéra ou à Zéralda», admet un adjoint au maire qui impute cette interruption de scolarité au fait que le transport rural fait cruellement défaut à Mahelma. Par la même occasion, il lance cet appel : «Nous disons à tous les transporteurs qu'ils peuvent obtenir l'autorisation d'exploiter les lignes qui les intéressent ; toutes les facilités leur seront accordées par les autorités. C'est un engagement solennel de notre part.» Autre réalisation attendue l'année prochaine, la conduite de gaz naturel dont on voudrait d'ailleurs croire qu'elle ne vient pas seulement dans le sillage de la ville nouvelle. En fait, si Mahelma a toujours vécu en marge, c'est tout simplement parce que la commune n'a aucune ressource qui lui permette d'échapper à la tutelle de la wilaya. «Le budget qu'on nous accorde ne suffit pas à payer 6 mois de salaire aux employés de la voierie», précise le maire qui ajoute que depuis la création de l'ANSA, la commune ne joue pratiquement aucun rôle majeur. «Nous nous contentons de transmettre les doléances de la population à la tutelle et d'attendre leur réponse.» Ainsi en est-il à propos de la question cruciale du logement. Les membres de l'exécutif communal nous apprennent qu'un intérêt particulier est accordé, depuis l'année dernière, à l'atténuation de la crise qui frappe de plein fouet la population. Amer, le président de l'APC nous révèle que, depuis l'indépendance, la commune n'a bénéficié d'aucun logement social. «Les 80 logements sociaux qui devaient être distribués à la population en 1995 ont finalement profité aux sinistrés du séisme qui a frappé Aïn Benian. Les 50 logements de l'OPGI, réalisés à la fin des années 1980, ont été attribués à des gens qu'on ne connaît pas et, enfin, les 44 derniers logements sociaux ont été affectés aux sinistrés de Dar El Beïda. Il nous reste, Dieu merci, un quota de 84 logements participatifs qui, je l'espère, profitera cette fois-ci aux gens de Mahelma», nous dit M. Arkat. Les chiffres sont alarmants sur les énormes besoins de la population. A ce jour, il est recensé près de 16 000 demandes de logements sociaux, tandis que 2000 citoyens vivent les affres de la misère totale. «En dehors du village colonial, pratiquement toutes les constructions sont illicites parce que érigées à l'intérieur des domaines agricoles.» Un fonctionnaire de la mairie, nous dit, moqueur, que si le ministre de l'Habitat déclare vraiment la guerre aux constructions illicites, «c'est tout Mahelma qui va être démolie».