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La pupille pauvre de l'Etat
Commune de Rahmania
Publié dans El Watan le 05 - 03 - 2006

Rahmania, sur le Sahel algérois, est probablement l'une des communes les plus pauvres du pays. Sans ressources, à cause de l'absence d'activités économiques notables, la collectivité vit des seules subventions que lui accorde l'Etat. Le budget alloué à la commune, qui compte près de 7000 habitants, ne dépasse pas les 7 millions de dinars.
Ce n'est que cette année, nous indique-t-on, qu'il a été porté à 11 millions. Une somme qui reste modeste mais qui assure tant bien que mal la paie des employés communaux, l'acquittement des factures de Sonelgaz et d'Algérie Télécom ainsi que les frais d'assurance et de maintenance du parc roulant. « Nous n'avons aucune dette envers nos prestataires de service », dit avec fierté le président de l'APC. Il ajoute, cependant, que « tout cela n'a pu se faire que grâce à une gestion rigoureuse de toutes les dépenses incompressibles, et aucune fantaisie n'est permise, pas même l'achat de mobilier neuf pour les bureaux ». Il n'est pas non plus question d'acquérir un véhicule pour remplacer le tacot qui tient lieu de véhicule de service au maire. Née du découpage administratif de 1984, l'ancienne Sainte Amélie coloniale n'a pas beaucoup changé
Le maire et les 7 enfants
Trois lotissements relativement récents sont venus se greffer aux deux rangées de maisons qui constituaient l'ancien centre de vie et à l'immonde cité de recasement construite en 1958. C'est dans cette dernière qu'habite le maire avec ses 7 enfants et ses frères. Chaque famille, ici, se partage au mieux deux pièces et une cuisine. Les familles, de plus en plus nombreuses, on été contraintes de construire sur les courettes pour abriter leur progéniture. Le terrain occupé par 52 baraques - lesquelles abritent au bas mot quelque 250 familles - est immense, et le maire compte les raser pour ériger aux lieu et place des petits immeubles pouvant abriter toutes les familles de la cité. Mais les moyens manquent, et il faut bien recaser les occupants quelque part en attendant la réalisation du projet. On projette également de meilleures conditions de vie pour les habitants des 500 bidonvilles recensés à travers les quatre agglomérations de la commune. Là aussi, l'argent fait terriblement défaut et, surtout, il n'y a plus d'assiettes de terrain pouvant servir à une éventuelle extension du tissu urbain. Car, il faut le noter, toutes les terres de la commune, notamment celles entourant le chef-lieu de commune, sont la propriété de l'ANSA, l'agence chargée de l'aménagement de la ville nouvelle de Sidi Abdellah. Même les projets d'utilité publique sont bloqués à cause de cet état de fait. « Pour toute construction, il faut non seulement recevoir l'aval de l'ANSA mais aussi lui payer les terrains au prix que vous savez, chose que nous ne pouvons nous permettre. » Aussi, l'APC s'est-elle rabattu sur l'unique exploitation agricole individuelle (EAI) qui a échappé miraculeusement aux appétits de l'ANSA pour construire une cinquantaine de logements participatifs et un collège d'enseignement moyen. Il a fallu du temps pour convaincre l'exploitant de l'utilité de la chose et que son expropriation est décidée pour le bien de la collectivité. Pour la construction du CEM en particulier qui évitera aux élèves de la commune de se déplacer jusqu'à Mahelma ou, le cas échéant, à Douéra. L'établissement est aujourd'hui presque achevé, il sera fonctionnel dès la prochaine rentrée scolaire. Le maire en est tout fier et pense que cet édifice marquera à jamais son passage à la tête de l'APC. L'inscription de ce projet n'a pas été facile : là aussi, il a fallu développer des arguments forts pour forcer la main à l'assemblée populaire de la wilaya d'Alger. « Il faut dire que le président de l'APW a été très sensible à notre argumentaire, et nous l'en remercions vivement », tient à préciser le président de l'APC qui pense que les critères économétriques pour la construction des structures éducatives ne doivent pas être appliquées machinalement. « Il faut à mon sens les étudier au cas par cas parce que les conditions diffèrent d'une commune à l'autre. » Dans le cas de Rahmania, beaucoup de choses la différencient des communes alentour. De création relativement récente, elle n'a pas eu la chance d'évoluer au même rythme que sa voisine Douéra qui a prospéré ces dix dernières années. Outre les erreurs commises par les APC précédentes, Rahmania a, en plus, vécu de façon dramatique les terribles années de terrorisme. Le président de l'APC nous rappelle que la première victime des terroristes islamistes à Rahmania a été son propre neveu. Lui-même menacé de mort pour le poste qu'il occupait à l'Office national des substances explosives (ONEX), il a dû prendre les armes pour défendre son honneur et celui de sa famille. Cinquante autres citoyens l'ont suivi, car la région est devenue un enfer : la mairie a été brûlée, le centre culturel dévasté, et les groupes islamiques armés faisaient régner la terreur dans toute la région du Sahel. Cette situation n'a pas été sans conséquence sur la dégradation des conditions de vie de la population, compliquée du reste par les agissements de la précédente APC qui a joué un rôle non négligeable dans la dépossession des agriculteurs de la commune. « Les responsables de l'époque, nous dit Hadj B., me harcelaient chaque jour pour que je cède mes terres à l'ANSA pour la ridicule somme de 400 000 DA. Ils me disaient que, de toutes les façons, l'Etat va me prendre mes terres de force et qu'il valait mieux que j'accepte l'offre de l'ANSA. » D'autres, nombreux, sont tombés dans le piège et, aujourd'hui, il ne leur reste qu'à engager leur force de travail dans des métiers pénibles et mal rémunérés. Quelques éleveurs bravent encore leur triste sort, en dépit de l'interdiction formelle de faire paître les troupeaux de vaches sur les terres agricoles en friche acquises par l'ANSA. « De toute façon, nous rappelle un jeune berger, il n'est pas possible d'y accéder à cause des grillages qu'on a installés partout. » Le maire est toutefois optimiste, lui qui avoue avoir trouvé une oreille attentive auprès de la wilaya déléguée de Zéralda dont dépend sa commune. Il dit ne pas avoir de soucis concernant les travaux d'assainissement et de raccordement d'eau potable ou de réfection des voies qui sont totalement pris en charge par l'Etat. Il en est de même pour ce qui a trait à l'éducation et au transport scolaire. De plus, avec la reprise des chantiers de l'ANSA - dont beaucoup connaissent un taux d'avancement appréciable, comme le cyberparc ou les usines de produits pharmaceutiques -, beaucoup de ses concitoyens ont trouvé du travail. Et c'est tant mieux, car le chômage ici a atteint des proportions inquiétantes. Comme, d'ailleurs, dans toutes ces petites localités disséminées à travers le pays.


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