La composante de l'état-major, dans la version actuelle du syndicat, est responsable de la détérioration de l'image et de l'aura de l'UGTA de Aïssat Idir. Elle a toujours justifié les compromis qu'elle a l'habitude de conclure dans toutes les négociations en mettant en avant de fallacieux arguments d'intérêt national (de quel intérêt s'agit-il, quand la CEN a cautionné la loi sur les hydrocarbures, mettant en péril le patrimoine de la collectivité nationale ?) ou de position rationnelle de conjoncture. La CEN a sombré dans les exigences de la nouvelle vocation qu'elle s'est trouvée, celle d'une fonction idéologique qui justifie l'ordre établi et au service d'un système outranciérement rentier et prédateur en contrepartie d'un vil embourgeoisement de ses membres. Son statut sociologique et son histoire révolutionnaire ont servi paradoxalement à domestiquer la classe ouvrière et, partant, toute la force de travail potentiel, donc toute la société au lieu de les affranchir. Son pouvoir symbolique a été utilisé comme a si bien décrit P. Bourdieu un tel rôle, à amener les dominés à percevoir et à décrire les choses comme ceux qui occupent des positions dominantes ont intérêt à ce qu'il les voient et les décrivent. Ainsi, les dominés sont devenus, pour leur propre ruine, les porte-voix des dominants. Il est étrange que la CEN ne veuille pas prendre de positions courageuses par rapport aux réformes, à la question de la démocratie et vis-à-vis de tout ce qui vise l'épanouissement de la citoyenneté. L'UGTA est devenu le porte-parole du libéralisme au moment où le patronat privé émet des réserves, même si c'est pour défendre leurs étroits intérêts, quant aux accords d'association avec l'Union européenne et l'éventuelle adhésion de l'Algérie à l'OMC. L'état-major refuse de dire la vérité aux travailleurs sur les conséquences fâcheuses de la loi sur les hydrocarbures, des accords avec l'OMC et l' UE, sur le partenariat, sur les éventuelles délocalisations des opérateurs étrangers. Il refuse de se démarquer du pouvoir ultra-libéral dont il est devenu le fidèle syndicat. Le malaise au sein de l'UGTA ne pourrait se résumer à un problème de prérogatives entre les structures horizontales et verticales. Par contre, le non-respect des textes fondamentaux qui régissent l'organisation (voir statut de l'UGTA), le déficit démocratique ont rendu la structure inefficace et source de blocages, voire de paralysie, de la revendication ouvrière. Le non- renouvellement des mandats et l'acte inaugural de l'arbitraire et de la compromission ! C'est sur cette lancée que la CEN persiste. La légitimité offerte par les pouvoirs publics, en tolérant la prolongation des mandats en violation des lois de la République est un moyen d'assujettir les syndicalistes qui ont accepté l'illégitimité et de les mettre au pas. On se pose la question sur les motivations qui peuvent pousser un syndicaliste à accepter l'opprobre de prolonger un mandat uniquement toléré d'en haut. Les différentes injonctions des instances monétaires internationales ne pouvaient se concrétiser sans le verrouillage de toute forme de syndicalisme revendicatif et sans bâillonnement des voix discordantes. La compromission s'est faite par des syndicalistes carriéristes et véreux, sponsorisés par les différents clans du pouvoir, en contrepartie de honteux privilèges. Au moment où à travers le monde entier des mouvements de résistance, contre le libéralisme inhumain, se tissent, on assiste en Algérie, à une capitulation totale des hauts cadres syndicaux de la CEN qui laissent la société livrée sans armes à des tiraillements féroce de l'exploitation, de l'exclusion et de la misère. L'abandon de la condition ouvrière par ses syndicalistes ne s'explique que par le fait que ceux-ci ont oublié, par la léthargie qu'occasionne la digestion, qu'ils ont été un jour ouvriers. Malgré les graves faiblesses et les dysfonctionnements qui caractérisent l'UGTA, cette organisation doit être réappropriée par les travailleurs et ceux-ci ont le devoir historique de lui rendre sa noble vocation d'avant-garde pour les combats ouvriers et démocratiques et contre l'option néolibérale. L'UGTA a connu des moments de gloire que nul ne peut nier, à des moments historiques différents relativement courts. Celle-ci que nous avons le devoir sacré d'éterniser a été l'œuvre de Aïssat Idir, Boualem Bourouiba, Lakhdar Kaïdi, Abdelhak Benhamouda et tant d'autres valeureux syndicalistes anonymes, qui ont servi cette organisation par conviction et amour de la justice sociale et non par cupidité et reniement des valeurs fondatrices des sociétés humaines. Le salut de l'UGTA ne passera que par la démocratisation de ses structures, aujourd'hui verrouillées. Les restructurations subies par les entreprises algériennes, et l'économie nationale, en général, nécessite une reconfiguration du paysage syndical dans le sens de l'indépendance et de l'autonomie vis-à-vis des appareils politiques du pouvoir et par l'émergence de syndicalistes combatifs et convaincus des idéaux de justice sociale. Ce syndicat a besoin d'un nouveau projet alternatif, crédible, incarnant les aspirations réelles et profondes de tant de potentiels ouvriers livrés à la déchéance, fondée sur la justice sociale, les libertés démocratiques, la résistance à l'offensive libérale. L'UGTA a besoin d'une nouvelle synthèse qui sera capable de surmonter et de dépasser les divergences internes dans lesquelles veulent l'embourber des volontés qui ne reflètent que la lutte des clans au pouvoir, afin de lui transposer la lutte des projets de société. Le syndicalisme n'existe que pour défendre la classe ouvrière et les démunis. C'est à ceux-là qu'appartient l'UGTA. «Il faut continuer à dénoncer et à combattre l'injustice sociale. Le monde ne guérira pas tout seul».