Inscrits dans le cadre d'une série de débats organisés dans le sillage de la célébration de la Journée mondiale de la femme, cette table ronde a regroupé cinq politiciennes, juristes et chercheuses pour exposer les deux expériences espagnole et algérienne dans la quête des droits par les femmes. Evoquant la situation des femmes en Espagne du franquisme à nos jours, Carmen Romero, députée socialiste espagnole et présidente de l'association Cercle méditerranéen, explique que l'Espagnole a pu imposer le principe de la parité et arracher ses droits en s'impliquant comme protagoniste à la fois sur la scène politique et sociale. « Si au temps de la dictature de Franco, les femmes n'avaient pas droits au chapitre et avaient à peine le droit de vote dont elles ne jouissaient même pas, aujourd'hui, elles représentent pas moins de 42% des voix au Parlement. C'est une avancée considérable que nous avons acquise grâce à notre implication dans le travail politique », indique Mme Romero, en notant que dans les pays du sud de la Méditerranée où la transition démocratique est un défi à relever, les femmes sont tenues de constituer un poids politique. « Il faut avoir confiance dans les partis représentatifs capables d'apporter un changement. Il faut une stratégie à inscrire sur le long terme, où tous les citoyens prendront en main leur destinée », dit-elle. Et d'ajouter qu'il existe, certes, le poids de la charia dans les pays du Sud, mais qu'« il faut profiter du fait que l'interprétation de la charia est différente suivant les pays. Tout dépend en fait de la lutte des féministes dans chaque pays », note Mme Romero. « Du temps du franquisme en Espagne, trois pouvoirs empêchaient les femmes d'acquérir leurs droits : l'église, l'armée et le pouvoir financier, c'est-à-dire ceux qui étaient contre la démocratie. Ce qui nous a aidées pour le changement des mentalités, ça a été le tourisme et la vague d'émigrants espagnols qui sont partis vers d'autres pays d'Europe. C'est le changement culturel qui a permis à l'Espagne de s'ouvrir », explique-t-elle. « On dénie le droit à la femme algérienne d'être un individu à part entière » Pour le cas de l'Algérie, la juriste et féministe Wassila Tamzali a dénoncé le statut de mineure dans lequel la législation continue de confiner la femme algérienne. « Malgré notre savoir, nos compétences, notre travail, nous sommes des mineures. Le code de la famille est une humiliation pour la femme. C'est une violence symbolique que la loi impose aux femmes et qui crée des traumatismes effrayants », indique-t-elle. Evoquant une rencontre qu'elle a eue avec des étudiants et étudiantes à Boumerdès, la juriste estime que « les préoccupations des jeunes gens se focalisent sur les rapports sexuels. Leurs préoccupations vont du harcèlement sexuel au viol, ce n'est pas parce que ce pays connaît un taux de perversion plus important qu'ailleurs, mais parce que les femmes sont démunies devant la loi. C'est une résultante du système patriarcal basé sur une morale sexuelle où les femmes sont dominées ». Cela et de considérer qu'à la fois femmes et jeunes gens sont prisonniers d'une société de tabous : « Il y a une construction politique du rapport des sexes qui entretient cette situation. Il faut repolitiser ce rapport non pas en se basant uniquement sur la laïcité, mais en construisant un rapport social entre les différents membres de la société à travers un contrat garantissant les intérêts de tous. » Mme Tamzali estime, en outre, la notion de tuteur pèse sur la condition de la femme algérienne comme une chape de plomb : « Nous ne sommes pas encore arrivés à nous débarrasser de la notion de tuteur. On n'ose pas reconnaître aux femmes le droit d'être des individus à part entière. Si l'on ne veut pas toucher aux lois dans ce pays, c'est parce qu'on ne veut pas remettre en cause ce rapport de domination de l'homme sur la femme. D'où l'importance de poser la question de la femme sur le plan politique. La condition de la femme est au cœur d'un changement épistémologique à faire. » Nadia Aït Zaï, directrice du Centre d'information et de documentation de l'enfant et de la femme (CIDDEF), prendra le relais pour fustiger le double discours sur la notion d'égalité : « Nous avons le droit de vote, le droit d'être élue, le droit à la santé, à l'éducation. Mais cela ne veut pas dire que nous avons acquis pleinement nos droits », indique-t-elle.