Le directeur général de la Sûreté nationale, M. Ali Tounsi, a levé le voile dimanche à l'Institut national de la police criminelle sur une facette hideuse du système policier mis au service du régime en place que l'on cherche à débarrasser de ses oripeaux par des actions de réhabilitation de l'Etat et de respect de la dignité de la personne humaine. M. Tounsi a révélé devant de nombreux invités représentant des organisations nationales de défense des droits de l'homme et de la société civile que dans le cadre des enquêtes d'habilitation des cadres de l'Etat des éléments furent injustement victimes de rapports tendancieux pour les marginaliser. A titre symbolique, un autodafé a été organisé à l'occasion où des cartons de dossiers de purges dans les rangs des cadres jugés trop rebelles au goût du système et des hommes qui le composent dans ses différents échelons ont été voués aux flammes. Les cadres ont longtemps souffert de ce système qui a fait le lit de la médiocrité dans le pourvoi des postes de responsabilité. L'Algérie était devenue le pays par excellence où les étiquettes et les casseroles s'attribuent avec une légèreté déconcertante. Communiste », « berbériste », « islamiste », agent de l'étranger et de l'impérialisme, « contre-révolutionnaire »... La liste est longue des « tares » ou de ce qui est considéré comme telles par le système, lesquelles pouvaient valoir, sans autre forme de procès, aux personnes incriminées, sur la simple foi de leur langue, ou de leurs lectures, dans le meilleur des cas, un déchaînement du système contre leur propre personne et leurs familles. Les règlements de comptes se soldaient au niveau professionnel, social... Beaucoup échouèrent en prison après un simulacre de procès. Il est donc heureux que l'on ait décidé de décréter hors la loi de telles pratiques qui ont causé un grave préjudice aussi bien au pays qu'aux citoyens d'une manière générale. Car si le directeur général de la Sûreté nationale n'a évoqué que le cas des cadres, c'est en réalité toute la société qui a souffert de ce pouvoir discrétionnaire de ficher la société que se sont octroyés des responsables, quel que soit le secteur d'activité, pas nécessairement les services des renseignements généraux qui sont la partie visible de l'iceberg. La fin d'une époque ? Quelle parade a aujourd'hui le travailleur ou le cadre qui est arbitrairement licencié de son travail sur la foi d'un dossier fictif ? Des projets de création de nouveaux partis et associations furent bloqués parce que non conformes aux lois en vigueur au regard de l'administration. Le refus est dans certains cas justifié par la composante humaine qui n'a pas reçu l'onction des services concernés. C'est dire que les réformes évoquées par M. Tounsi pour son secteur n'auront une signification et une portée réelles que si elles s'inscrivent dans une démarche politique globale visant à promouvoir un nouveau système politique fondé sur les principes démocratiques de l'Etat de droit qui implique le respect des libertés et la saine compétition dans tous les domaines de la vie publique. Pour frapper les consciences, un ex-pays de l'Europe de l'Est, l'ancienne République démocratique allemande (RDA), avait innové en la matière pour montrer la face hideuse de son système policier en ouvrant les archives de la Stasi (police politique) au public. Des membres d'une même famille, des voisins, des collègues de travail ont découvert l'étendue de la pratique de la délation érigée en sport national. Il est clair que le directeur général de la Sûreté nationale n'a pas décidé tout seul de nettoyer les écuries d'Augias de son secteur et de médiatiser cette initiative qui revêt avant tout une dimension politique s'il n'avait pas eu le feu vert des autorités politiques. Il reste à savoir si les cadres et les citoyens injustement incriminés sur la foi de dossiers montés de toutes pièces et qui avaient payés qui de leurs carrières, qui de leurs foyers brisés ou de leur santé seront réhabilités et obtiendront de l'Etat les réparations pour les préjudices causés.