En effet, Kofi Annan a salué jeudi cette initiative qui a permis de réunir autour d'une table les différents partis libanais et exprimé l'espoir que «cela contribuera à la stabilité politique du pays». Il relève que le mérite revient au président du Parlement libanais, Nabih Berri, tout en qualifiant cette initiative de «cruciale et opportune». En elle-même, l'initiative est tout simplement historique, car elle marque une rupture avec le passé quand le règlement des problèmes politiques passait pas la rue, et plus simplement la guerre civile. Un dialogue national, premier du genre depuis la guerre au Liban (1975-1990), a été lancé jeudi dernier à Beyrouth entre leaders chrétiens et musulmans, anti et prosyriens, pour tenter de sortir le pays de la crise politique. Quatorze personnalités ont participé à la table ronde organisée au Parlement à l'invitation de Nabih Berri, également chef du mouvement chiite Amal, proche de Damas. Parmi elles, figurent le druze Walid Joumblatt, le sunnite Saâd Hariri, les chrétiens maronites Michel Aoun et Samir Geagea et le chef du Hezbollah, le chiite Hassan Nasrallah. Le Premier ministre Fouad Siniora participe aux travaux, mais pas le chef de l'Etat Emile Lahoud, dont la démission est exigée par la majorité antisyrienne. Son mandat avait été prorogé de trois ans en septembre 2004, sous la pression de la Syrie. M. Lahoud, qui a rejeté les multiples appels à sa démission, à laquelle s'oppose notamment le Hezbollah, a souhaité, dans un communiqué, «le succès du dialogue national entre les Libanais, seule voie pour résoudre les problèmes intérieurs». Les travaux entourés de mesures de sécurité draconiennes doivent durer une semaine environ. Le débat a été qualifié de «serein et démocratique» par le général Aoun. Au menu des discussions, les questions épineuses qui divisent la classe politique libanaise. Les participants se sont ainsi penchés jeudi sur les travaux de la commission d'enquête internationale sur l'assassinat le 14 février 2005 de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. L'enquête de l'ONU a mis en cause les services de renseignements libanais et syriens dans l'attentat. Ils ont également discuté dans la soirée la question de la présidence, de même que du désarmement du Hezbollah, selon des participants. Ils doivent aussi s'entretenir dans les prochains jours de l'assainissement des relations avec Damas, dégradées depuis le retrait des troupes syriennes le 26 avril après quelque 30 ans de présence au Liban et l'arrivée au pouvoir d'une majorité antisyrienne. Selon M. Berri, tous les participants ont accepté la constitution d'un tribunal à caractère international sur l'assassinat de Rafic Hariri et le principe de l'élargissement de l'enquête de l'ONU à tous les attentats commis depuis octobre 2004 contre des personnalités libanaises. C'est la première fois depuis 1975 qu'un dialogue national s'engage sans parrainage international et même arabe. Pour mettre fin à la guerre, des leaders libanais s'étaient réunis en 1989 à Taef (Arabie Saoudite) sous l'égide d'un triumvirat arabe présidé alors par le diplomate algérien Lakhdar Brahimi. Les relations entre Beyrouth et Damas demeurent une pomme de discorde entre Libanais, divisés entre pro et antisyriens. MM. Joumblatt et Hariri accusent Damas de continuer à s'ingérer dans les affaires libanaises, exigent l'établissement de relations diplomatiques et un tracé des frontières encore indéfinies par endroits, comme preuve de la reconnaissance d'un Liban souverain. M. Joumblatt exige le désarmement du Hezbollah, et la récupération par voie diplomatique des fermes de Chebaâ (sud) occupées par Israël que ce parti veut libérer par les armes. Pour leur part, MM. Nasrallah et Berri souhaitent dissocier l'enquête de l'ONU sur la mort de Rafic Hariri de la question de l'assainissement des relations libano-syriennes. Le Hezbollah, qui s'est récemment allié au leader chrétien Michel Aoun, refuse de désarmer. Il accuse en outre la majorité parlementaire de laisser s'ingérer le tandem franco-américain dans les affaires intérieures. Ces dernières années, des alliances se sont nouées, et d'autres ont été défaites. Des rapprochements se sont opérés comme l'engagement qui lie le Hezbollah et le général Aoun présenté aujourd'hui comme un présidentiable. Mais dans tous les cas, ou très rarement, certains chefs politiques n'échappent pas à la pire des accusations, celle de se mettre au service de puissances extérieures. C'est le chemin emprunté la semaine dernière par le chef de l'Etat libanais Emile Lahoud qui fait de la résistance et accuse ses opposants d'être «des laquais de l'étranger et des porteurs d'argent sale».