Quatorze dirigeants libanais, divisés entre proches de Damas et hostiles à la Syrie, sont en conclave depuis le 2 mars au Parlement pour débattre de leurs différends. Suspendue à plusieurs reprises, la réunion devait reprendre hier mais la presse libanaise ne se fait pas d'illusion. Pour elle, la classe politique n'arrête pas de s'enfoncer dans ses errements. Le nœud de ses divergences sont des sujets qui posent la problématique même du Liban : le départ du président Emile Lahoud, proche de Damas, le désarmement des combattants palestiniens et du Hezbollah libanais et les relations libano-syriennes dont il faut retracer le cadre avec le départ des forces syriennes du pays du Cèdre. Les deux premiers points sont contenus dans la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'Onu, adoptée en 2004 sous l'instigation de Paris et Washington, dans le but déclaré d'empêcher la reconduction du mandat de Lahoud, instaurée par Damas alors maître du pays. Or, Lahoud, dont le mandat a été prorogé jusqu'en 2007, refuse de lâcher le fauteuil, le Hezbollah de désarmer et la refonte des relations avec Damas continue de poser problème. Sur ce fond, les acteurs politiques libanais surfent chacun selon sa propre lucarne. Les alliés de Damas, toujours en force, sont représentés par le président Lahoud et les chefs des deux mouvements chiites (Nabih Berri d'Amal président du Parlement et le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah). À mi-chemin entre Damas et Washington, le général chrétien Michel Aoun, rentré de Paris pour briguer la place de Lahoud et qui a même conclu une alliance avec le Hezbollah, inscrit auparavant à la tête de la liste de ses ennemis. En face de ce bloc hétéroclite, les chefs de la majorité parlementaire, Saâd Hariri, fils de l'ancien dirigeant assassiné Rafic Hariri, Walid Joumblatt, député et leader druze, devenu le plus farouche adversaire de la Syrie, et Samir Geagea, chef des Forces libanaises alliées d'Israël. Avec de tels antagonismes, le dialogue interlibanais risque plutôt de se transformer en dialogue des dupes, comme l'écrit l'hebdomadaire de Beyrouth Magazine, estimant qu'il en sera ainsi tant que les politiques obéiront à des impératifs régionaux et internationaux. Outre les pressions de Paris et Washington, via l'Onu, les pays arabes ont eux aussi leur part de responsabilité. Ryad, proche des Hariri, tente de peser dans le Liban même si le roi Abdallah veut sauver le dialogue interlibanais pour désamorcer les dissensions entre sunnites et chiites. D. Bouatta