Le paysage confrérique algérien est riche d'une myriade de zaouïas au point que le néophyte y perdrait le nord ou plutôt…la « qibla », entre la Qadiriya, la Chadhiliya, la Tidjaniya, la Rahmania, la Aïsaouia et que sait-on encore ? Le commun des croyants s'en emmêlerait les rosaires, et c'est au sens littéral de l'expression que « l'on ne sait plus à quel saint se vouer ». Concernant la zaouïa Alawiya, basée à Mostaganem, c'est à tort qu'on lui trouve des liens avec les Alaouites du Maroc ou de Syrie. Elle doit son nom à son fondateur, le cheikh Ahmed Ben Alioua alias Sidi Ahmed Ben Mostafa El Alawi. Tous les chefs de zaouïa se revendiquent d'une chaîne initiatique censée remonter à la personne du Prophète. Cette filiation spirituelle repose sur la transmission d'un savoir ésotérique qui donne toute sa raison d'être à la voie soufie. De fait, les confréries religieuses renvoient toutes au « tassawouf », autrement dit la dimension mystique de l'Islam. « On peut dire que si l'Islam est un corps, le soufisme en est le cœur », explique cheikh Khaled Bentounès. Pour ne pas trop se perdre, il faut considérer le soufisme comme un style de vie par lequel le croyant, le mourid, voue son existence entière à réaliser l'unicité avec Dieu. Son moyen le plus imparable pour cela est le « dhikr », l'évocation permanente de Dieu. Le soufisme n'est pas un Islam-bis. Dans certains cercles occidentaux, on tend à présenter le soufisme comme une alternative à l'Islam avec le sous-entendu que l'Islam « canonique » est « belliqueux, archaïque et arriéré », alors que le soufisme serait pacifique, tolérant et œcuménique. On a vu ainsi des vagues entières de sceptiques s'engouffrer dans le soufisme comme d'autres vont chercher refuge dans le bouddhisme ou l'hindouisme comme réponse au matérialisme, avec séjours en Inde, à Fès ou Alep, donnant lieu à une espèce de « tourisme mystique ». Le cheikh Mourad Bentounès nous confie que dans les années 1970, Mostaganem était envahie par des hordes de hippies en quête d'une nouvelle expérience mystique. Il faut dire que dès la première ère de la religion mahométane, les mystiques étaient légion. Cependant, ce n'est que vers le XIIe siècle que les voies soufies en tant qu'organisations confrériques se mirent à voir le jour. « Bien que l'enseignement oral et la baraka du Prophète se soient transmis de maître à disciple depuis les premiers temps, ce n'est pas avant le XIIe siècle que des groupes de disciples commencèrent à se former en confréries afin de perpétuer les enseignements et la méthode d'un maître particulier. Parmi les plus anciennes et les plus célèbres confréries qui se sont maintenues jusqu'à ce jour, on trouve la Qadiriyyah, fondée par 'Abd Al Qâdir Al Jîlâni, la Mawlawiyyah, fondée par Jalâl Ad Din Rûmî et la Shâdhiliyyah, fondée par Abû Al Hassan Ash Shâdhilî », peut-on lire dans le site officiel de la zaouïa Alawiya (http://www.aisa-net.com). En parlant de la Shadhiliya, il convient de souligner que la tariqa Alawiya dérive justement de cette célèbre voie soufie. Elle est née exactement en 1909, année où le cheikh Ahmed Ben Alioua fut investi à l'unanimité des « fouqara » suite à la mort de son maître, le cheikh Sidi Mohamed Lahbib Al Bouzidi. Grand érudit, versé aussi bien dans l'ésotérique que l'exotérique, le cheikh El Alawi devint très vite une référence pour les mystiques du monde entier. C'est ainsi qu'il rencontra des métaphysiciens de renom à l'instar de René Guénon ou encore Frithjof Schuon. Depuis 1975, la tariqa Alawiya est dirigée par le cheikh Khaled Adlen Bentounès (né en 1949 à Mostaganem). Véritable conférencier globe-trotters, le chef spirituel de la Alawiya parcourt la planète à prêcher un Islam de paix et de dialogue en multipliant les échanges avec toutes les communautés. On le voit poser ici aux côtés de Jean-Paul II, là aux côtés de tel rabbin ou évêque ou tel prêtre bouddhiste. On peut le voir aussi avec des hommes politiques d'envergure dont Nicolas Sarkozy. D'ailleurs, le cheikh Bentounès joua un rôle important dans la création du Conseil français du culte musulman (CFCM). En 2000, il a organisé un colloque international sous le thème : « Pour un Islam de paix ». Khaled Bentounès intervient beaucoup dans les médias. Il est par ailleurs l'auteur d'une œuvre foisonnante. Parmi ses nombreux ouvrages, on peut citer L'homme intérieur à la lumière du Coran ou encore Soufisme cœur de l'Islam. Résolument engagé dans la modernité, il a créé la fondation Djanatu El Arif (le Jardin du connaissant) pour le développement durable en mettant en avant le concept « d'écologie intérieure » comme thérapie de l'âme.