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En l'absence d'une prise en charge médicale adéquate
Publié dans El Watan le 28 - 03 - 2006

Connue pour sa beauté naturelle qui l'entoure, par ce Sahara qui passionne et ce désert qui envoûte, Djanet est considérée le lieu de prédilection pour retrouver la santé du corps et de l'esprit. Derrière cet enchantement magique se cache une triste situation vécue par la population. «A Djanet, nous avons le temps de mourir tranquillement.» L'expression est de l'un des représentants élus d'un parti politique de cette localité qui a résumé la situation en matière de prise en charge médicale et de l'accès aux soins dans les structures de santé publique de la région. Et pourtant, les richesses de la région sont incommensurables. Les nombreux citoyens que nous avons rencontrés à l'hôpital Iffri de Djanet et à la polyclinique du centre-ville, lors de la campagne de dépistage et de sensibilisation organisée par l'association d'aide aux malades cancéreux Nour Doha et qui a duré quatre jours, n'ont pas manqué de nous signaler que les soins spécialisés sont inexistants à Djanet malgré les moyens financiers dont dispose la wilaya d'Illizi.
Les autorités locales sont ainsi montrées du doigt. Les quelques médecins de l'hôpital, pas tous spécialistes, font ce qu'ils peuvent. «Ils travaillent durement et les conditions ne s'apprêtent pas du tout pour assurer une réelle prise en charge des malades. La structure hospitalière est bien là, mais elle est dépourvue de l'essentiel, à savoir des médecins spécialistes», nous dit-on. Les malades souffrant de pathologies lourdes telles que le diabète, l'hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires et les cancers n'ont qu'à compter sur leurs propres ressources pour se faire soigner ou simplement attendre la mort. Le généraliste de l'hôpital tente de faire de son mieux en collaboration avec ses confrères chirurgiens avec les moyens de bord. «Tous ces malades passent par lui. Il essaye de satisfaire certains d'entre eux lorsque cela est possible, d'autant que les moyens de prise en charge font défaut dans ces structures», nous a-t-on souligné. Le pédiatre, l'ophtalmologue et le gynécologue travaillent également dans les mêmes conditions. «Quand le matériel médical et la méconnaissance des nouvelles données en matière de prise en charge viennent à manquer, il n'est jamais possible de progresser. Nous travaillons avec ce que nous avons», nous ont-ils signalé amèrement sans manquer de relever toutes les difficultés qu'ils rencontrent et les entraves bureaucratiques. «Nous sommes pratiquement de garde durant toute l'année. Nous n'avons ni week-end ni jour de fête. Tant que le personnel médical n'est pas renforcé, il sera très difficile pour nous de continuer à travailler dans de telles conditions.»
L'information sur la présence de médecins spécialistes du Centre Pierre et Marie Curie, qui se sont déplacés d'Alger, a circulé comme une traînée de poudre. «Des médecins spécialistes sont dans la ville.» De bouche à oreille, ça a bien marché. Ils étaient, dès les premières heures, des centaines de personnes à emprunter les moyens de transport pour se rendre à Iffri, un village distant de 7 km du centre-ville de Djanet. Elles doivent se rendre à l'hôpital. Les minibus assurant la navette entre la ville et Iffri n'ont pas chômé durant ces quatre journées. Le bus transportant la délégation de médecins, une dizaine, a été également d'un grand secours pour toutes ces personnes qui ne veulent pas rater cette chance d'être enfin examiné par un médecin spécialiste. A l'hôpital, le personnel hospitalier et administratif a été mobilisé. Ils étaient dépassés.
«D'habitude, il y a une à trois consultations par jour. Elles sont généralement des urgences, surtout les cas de traumatismes suite aux accidents de la route ou autre. L'activité est très faible», explique-t-on. La mission de l'équipe des médecins du Centre Pierre et Marie Curie d'Alger spécialisés en oncologie, sénologie et en gynécologie oncologique des services respectivement des professeurs Bouzid, Bendib et Graba, était de dépister les cas de cancers et assurer une éventuelle prise en charge. Une tâche que l'association Nour Doha s'est promise de réaliser.
Les chevilles ouvrières de l'équipe étaient les docteurs Felilissa, Ladjdel et Berkane des services de cytologie, de radiologie et du laboratoire oncologie moléculaire fondamentale et appliquée au CPMC. Elles se sont appliquées, durant cette campagne, à un travail minutieux pour compléter et confirmer les diagnostics avancés. Trois autres médecins du service de cardiologie de l'hôpital Mustapha, une ophtalmologue de l'hôpital Parnet et la pédiatre de l'hôpital de Beni Messous ont fait partie du groupe de bénévoles qui ont, eux, travaillé sans relâche. Des consultations en psychologie ont été également assurées. Des dizaines d'adolescents et d'adolescentes ont fait le pied de grue pour s'entretenir avec le psychologue. Des problèmes d'intégration, surtout pour les jeunes filles diplômées, étaient parmi les problèmes soulevés. Les médecins des différentes spécialités ont eu à examiner en moyenne 100 malades par jour. «La situation est catastrophique. La région a besoin au moins d'un médecin interniste et d'un radiologue», estime le docteur Guendouz du service gynécologie oncologique au CPMC.
Au total, 1300 consultations toutes spécialités confondues ont été assurées. Des cas d'hypertension artérielle ont été détectés. Comme cela a été pour les cancers du sein et de la peau. Les problèmes ophtalmiques, gastriques et cardiovasculaires figurent parmi les pathologies les plus importantes. La demande a été très importante pour ces spécialités.
«Le problème d'éloignement fait que la majorité des malades préfèrent prendre leur mal en patience et céder à la fatalité. Les centres spécialisés sont pour la plupart situés à 1000 ou 2000 km. Les frais de transport sont excessifs. Ce n'est pas tout le monde qui peut se soigner dans ces conditions. Alger est pour nous inaccessible», lance un jeune homme qui attend son tour devant la salle de consultation en cardiologie. Sur les 450 consultations en sénologie, des cas suspects ont été détectés. Des examens complémentaires seront effectués et ces cas seront pris en charge au niveau des centres spécialisés. «Nous avons dû faire du chantage à certaines femmes pour effectuer des examens des seins. Nous leur avons expliqué qu'elles ne pouvaient pas être vues par le cardiologue sans examiner les seins au préalable. Elles ont fini par accepter», souligne le médecin sénologue.
Est-il possible de prendre tous les malades dans des centres spécialisés de la capitale ? Pour Mme Gasmi, présidente de l'association, notre objectif est d'arriver à convaincre les pouvoirs publics pour une décentralisation des soins de chimiothérapie. Ce qui sera d'un grand apport pour les malades habitants dans des zones éloignées telles que Djanet.
«Notre association s'inscrit justement dans cette optique de faire le relais entre le malade et le médecin. Notre travail consiste à préparer la prise en charge du malade que ce soit pour son transport, son hébergement et la structure de prise en charge. La mission de cette équipe de médecins est de préparer les malades cancéreux à une prise en charge effective. Après cette première consultation, il sera présenté avec un bilan complet d'exploration qui aura été préparé en coordination avec les médecins locaux. L'important pour nous est de soulager le malade de sa douleur.» La collaboration des familles de notables de Djanet, à l'instar de la famille Hamani, a été également bénévole pour prendre en charge toute l'activité de l'association. Pour cette famille, c'est également une manière d'aider le malade et lui porter assistance.
Des cas de cancer de la peau détectés
Les consultations pédiatriques ont été aussi très importantes. Hormis les cas d'angines et de bronchiolites, des cas de cancer ont été révélés. C'est le cas de trois enfants de la même famille âgés respectivement de 13, 11 et 7 ans présentant un xeroderma pigmentosum. Issus d'une famille très pauvre, ces enfants ont été examinés au centre de santé de Bordj El Houes, situé à 150 km de la ville de Djanet. Dans cette localité de plus de 3000 habitants, un médecin généraliste et un gynécologue assurent la prise en charge médicale.
Si le gynécologue chôme le plus souvent, le médecin généraliste porte sa blouse blanche H/24. Les trois enfants ont été hospitalisés en urgence à l'hôpital de Djanet et un traitement leur a été attribué en attendant les résultats de la biopsie effectuée sur place par les docteurs Bouterfes et Kaci, le pédiatre de l'hôpital. Des tumeurs d'une dimension d'une noix rongent les jambes saignantes du petit garçon âgé de 7 ans qui s'est accroché au ballon et autres jouets que l'association lui a offerts. Son frère et sa sœur avaient plutôt l'air inquiets et tentaient de fuir les regards des médecins et des membres de l'association.
L'attention est alors portée sur les cadeaux qu'ils n'ont jamais eu le plaisir d'avoir. Ces enfants seront pris en charge normalement dans le service pédiatrie à l'hôpital de Beni Messous, à Alger, une fois les résultats de la biopsie obtenus. Quatre autres membres d'une même famille souffrant de la maladie se sont présentés à l'hôpital. Un cas de leucémie est aussi suspecté. Le malade subira des examens d'extension pour confirmer la maladie et programmer sa prise en charge.


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