Un texte de 26 articles répartis sur six chapitres, nonobstant les dispositions finales, compresse en fait dans une compilation presque totale les «Top Ten» des concepts modernes qui méritent pourtant plus d'espace de lecture juridique. Cette panoplie de concepts aussi riches les uns que les autres se répartit dans une ambiguïté textuelle qui regroupe outre la déconcentration, la décentralisation, le développement durable en passant par de nouvelles notions comme la concertation et la coordination, pour aboutir à l'équité sociale, un éventail de principes généraux qui frôle l'excès. Il scanne dans la totalité les ingrédients modernes usités aujourd'hui, à tort ou à raison, dans des contrées où la politique de la ville adéjà fait ses preuves, montré ses limites et adopté d'autres démarches qui sied à leurs orientations socio-économiques et politiques, devenu leitmotiv des grandes organisations mondiales. Si l'intention semble louable, et les visions peut-être prospectives, il n'en demeure pas moins que le fond reste discutable et mérite plus d'égard et d'attention. Ce qui vient aussi à l'esprit en consultant ce texte, outre ce foisonnement complaisant de concepts, pour l'ensemble, utopiques dans leur réalisation et complexes dans leur mise en place, l'occultation des fondements sociopolitique et historique qui président à la mouvance et à la sociologie de l'Algérie. La disparité des territoires et la diversité des cultures locales, ajoutée à une anthropologie non encore topographiée par nos éminents chercheurs, rendra difficile l'application d'une telle construction linguistico-juridique. Au plan pratique, cette loi est appelée à être gérée par un ministère délégué qui, il faut le souligner, n'a pas connu jusqu'à l'heure de structuration conséquente. Il nécessite d'abord une très longue maturation qui lui permettra de gérer au mieux les multiples flux d'informations, d'études et d'orientations toutes catégories confondues de la vie urbaine nationale. La jeunesse du texte ajoutée à celle de la structure n'augure en réalité d'aucune perspective prometteuse malgré les efforts déjà consentis et ceux qui vont être probablement dépensés à l'occasion. La structure actuelle de ce ministère est composée de moins d'une vingtaine de personne qui travaillent sous la tutelle d'un ministère dont les orientations principales, les moyens et l'organisation ne semble nullement focaliser son intention sur la ville. Elle ne peut donc à elle seule s'attaquer à une si importante et complexe question. La ville algérienne n'est pas encore prenable. Elle est d'abord le résultat d'un dessein colonial occulte auquel s'est superposée une absence de gestion urbaine depuis l'Indépendance qui a favorisé, faute d'instruments d'urbanisme adéquats, un exode rural massif entraînant depuis, la naissance de bidonvilles au cœur même des grandes agglomérations, comme Alger, Annaba, Oran, de disparités sociales et de déracinement culturel. La pathologie urbaine mérite un remède plus intense et un diagnostic encore plus précis. L'absence d'ingéniosité de nos urbanistes et architectes accentue davantage le fossé. Il continue aujourd'hui à s'élargir dans cette atmosphère de désordre qui règne autour des métiers de la construction et de l'aménagement du territoire auquel s'ajoute l'absence avérée de civisme. Les instruments d'urbanisme et tout l'arsenal de plan et schéma exhibés comme mécanique incontournable à la réparation de la ville mis en place depuis des lustres n'ont été d'aucun secours quant à la préservation du foncier urbain et agricole, à l'intégration d'équipement socio-éducatif, et encore moins à la protection du patrimoine culturelle et cultuel en particulier. L'enfant, le vieillard et la femme, ne serait-ce que ce soubassement fondamental de la société, sont déjà les exclus de la ville. Les groupes sociaux, les familles et les voisins sont autant de cellules dynamiques à comprendre avant de les définir. En sommes, c'est toute cette «mémoire collective» qui est à interroger. Vers quelle approche urbaine ? Il est utile de souligner que l'urbanisme et la ville ont de tous temps fait bon ménage. La dichotomie entre ces deux concepts nous renseigne sur l'existence d'une interaction constante et dualiste entre l'ORBS et l'URBS, polis et civitas, cité et ville. Le mariage est implicitement lié à un étroit rapport étymologique. Il renvoie incontestablement à l'origine des faits et de leurs significations. Elles sont le plus souvent d'ordre religieux, politique, social et historique. La ville comme l'urbain sont imbriqués l'un dans l'autre. Comme la première est de nature matérielle, l'autre est par opposition à l'idée de son instrumentalisation à l'urbanisme, une attitude civique portée par ce milieu physique favorable a son existence. C'est un peut un renvoi à l'urbanité. Mais le néologisme du terme urbain risque d'induire en erreur certains positionnements vis-à-vis de la ville. La ville est à mon sens un tout. Un tout politique, un tout social, un tout économique et un tout historique. Malheureusement, la ville algérienne est malade. Elle est aujourd'hui la source principale de nos désagréments. Elle souffre de l'absence de son urbanité. Dans cette optique, de nombreux chercheurs, notamment en sciences sociales, ont exploré timidement la question dès les années 1990, aidés par l'engouement qu'avaient suscité à l'époque les rencontres appelées «covilles» organisées en 1988, vite oubliées. La problématique relative à la politique de la ville, proprement parlée, n'a pu être nouvellement évoquée partiellement et, pour la première fois, qu'en 1995 par le CNES dans sa troisième session consacrée à «l'aménagement du territoire et de l'environnement». Il a fallu attendre la douzième session plénière du 29 et 30 novembre 1998 pour qu'elle bénéficie d'une intention particulière. En 1995, les questions liées à l'aménagement du territoire et l'environnement focalisaient à elles seules le débat autour du phénomène urbain et les crises multiples qu'il traverse. Les études et rapports exploreront avantageusement les problèmes du logement, du foncier, des équipements publics, de l'industrie et des spéculations de tout genre. Des échelles de concertations visiblement différentes qui, du micro au macro, omettent dans leurs explorations superficielles les tendances socio-urbaines aux échelles conflictuelles de la dynamique urbaine. L'absence de structure de gestion de la ville à l'exception du ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement et celui de l'Habitat et l'Urbanisme qui ne semblaient nullement concernés par la question, aucune étude, ni proposition sur le thème n'a vu le jour du côté de ces départements et encore moins du pouvoir législatif en place. La politique de la ville comme celle de l'urbain ne semble pas figurer pas comme priorité dans leurs préoccupations. Et aucun débat profond ni conséquent n'a été amorcé auparavant. La légèreté avec laquelle la politique de la ville est abordée aujourd'hui nous donne une idée supplémentaire de son devenir. Elle risque de buter sur les multiples obstacles et engrenages habituels. Le système politique n'étant pas favorable pour l'instant au partage des pouvoirs locaux. La gestion archaïque des municipalités, l'absence d'un management efficace inexistence de communication directe ou indirecte souhaitée, il n'est sûrement pas possible par les voies et moyens classiques de corriger pour paraphraser Daniel Behar «une erreur urbanistique», déjà commise. L'expérience française De toutes les politiques européennes relatives à la ville, celle de la France se distingue par la multitude et la richesse de son expérience. Elle s'impose à la politique algérienne comme le modèle le plus proche, tant les relations historiques et géostratégiques sont et demeurent en perpétuelles interactivités. Elle est également la source principale d'où s'abreuve notre législation tous azimuts. C'est pour cette raison que nous considérons que la superposition des schémas techniques et des instruments de la gestion urbaine est nécessaire pour un meilleur éclairage. La politique algérienne a déjà importé par le passé des outils d'urbanismes (POS, PDEAU, Zhun, ZET, etc.) qui se sont avérés inefficace, d'où la nécessité de recentrer la gestion de la ville et accommoder les idées aux faits urbains intrinsèques. Pour la France, le régime politique et l'enracinement à une histoire sociale presque linéaire dans sa progression a contribué à la mise en exergue d'une politique de la ville qui s'adaptait à leur mode de production social. En l'espace de deux décennies, nous assisterons à une véritable avancée théorique dans le domaine. Vers les années 1970, la France a pris conscience de la nécessité d'une politique de la ville plutôt versée dans le traitement des problèmes exclusivement sociaux. La situation urbaine se dégradait proportionnellement à l'augmentation du taux de chômage. Les problèmes du logement, de la délinquance, la marginalisation des citoyens issus particulièrement de l'émigration, ainsi que d'autres maux sociaux accentués par une conjoncture économique défavorable. Pour tenter de juguler cette saignée insoutenable qui gangrenait les cités, les pouvoirs publics ont décidé de mettre en place trois années plus tard un groupe de réflexion appelé : «Habitat et vie sociale». L'HVS composé de hauts fonctionnaires de l'action sociale, de l'équipement et de la jeunesse avait pour mission de réfléchir aux possibilités d'amélioration des relations sociales en milieu urbain et de leurs conditions de vie. Une décennie plus tard, un dispositif particulier de la politique de la ville verra le jour. De nombreuses initiatives se dégageront progressivement, eu égard aux bouleversements induits par les interactions sociales. Le premier ministère de la ville ne verra le jour qu'en 1990. Une nécessité qui s'est imposée par elle-même. Quant à la démarche, elle consistait à remodeler le milieu physique et social des quartiers, lieu de conflits et de tensions sociales par l'injection de nouvelles approches managériales de l'espace urbain, en financement et en équipements nécessaires à la vie quotidienne. L'autre aspect, non moins négligeable, qui s'imposait avec acuité, était lié essentiellement aux impératifs du rééquilibrage de la ville au profit des quartiers en question. C'est le rétablissement de l'harmonie des équilibres entre ces portions de la ville ou de la commune par un nivellement des différentes parties, chacune selon sa situation et le maintien de la cohésion urbaine. A des échelles donc différentes et sur des périmètres plus larges, l'objectif était d'assurer un partage équitable entre les parties sous tensions et éviter leurs résurgences au sein de la ville. L'emploi, le transport et le logement constituaient ainsi la matrice principale. La politique de la ville a inauguré vers les années 1980, comme nous l'avons signalé auparavant, «une nouvelle conception de l'action publique locale. L'injonction était double : il fallait agir ensemble et agir globalement», nous informe Daniel Behar, professeur associé à l'Institut d'urbanisme de Paris. La globalité de l'action intervient, selon lui, sur deux aspects complémentaires dont l'approche devait être non seulement cohérente mais intégrant à la fois le social et l'urbanistique. Quant à l'action de l'ensemble, la réinsertion des quartiers en crise à la ville supposait l'intervention commune de l'ensemble des acteurs publics, et en l'occurrence les collectivités locales et l'Etat en premier ressort. Daniel Behar précise que «sous le signe du partenariat, la politique de la ville a ainsi initié le développement de politiques contractuelles de tous ordres ; contrats de ville, contrats éducatifs locaux, contrats locaux de sécurité». Cette contractualisation de l'action globale réduisait en réalité le champ prospectif. L'intervention sur des quartiers en crise nécessitait une gestion de crise à laquelle des moyens précis, ponctuels et limités dans le temps, sont mis en place. Daniel Behar nous précise à ce titre qu'«avec une telle exigence de globalité, de mobilisation collective, la politique de la ville cultivait l'ambiguïté politique et stratégique». Il s'agissait donc, comme il n'hésitera pas à le dire, que cette politique ne faisait qu'essayer d'éradiquer des problèmes sociaux résultant d'une erreur urbanistique des années 1960, occultant par ailleurs le fait culturel ; celui de mesurer l'enracinement et l'émergence de nouvelles cultures urbaines et de considérer ces quartiers comme lieux d'invention de la ville de demain. Cette absence de discernement et de compétence poussera à l'abondant pur et simple des anciennes méthodes relatives à la gestion des villes. La table rase est aujourd'hui une nouvelle recette que la France a décidé d'adopter. Un programme de 200 000 logements (200 000 démolitions, 200 000 reconstructions et 200 000 réhabilitations) sur six ans et sur la base d'une nouvelle contractualisation de la politique de la ville, peu importe sa taille. Ce qu'il y a à retenir de l'expérience française en matière de politique de la ville, qui malgré cette batterie de mesures à été récemment abandonnée au profit d'une nouvelle approche, fait aujourd'hui son mea culpa face à un échec que le journal le monde à qualifié de «la gifle du 21 avril qui ébranle la politique de la ville». Les récents événements qui ont secoué le territoire français montrent clairement le dysfonctionnement et l'échec d'une telle politique. Les causes sont profondes, elles plongent leurs racines dans la cécité qui entoure les relations socioculturelle, historique et anthropologique, qui président à la résurgence d'une nouvelle société française. La politique de la ville en Algérie Sur le plan du timing, nous sommes déjà en deçà des espérances et aspirations sociales. La question du logement traitée actuellement séparément de la politique de la ville annonce, en fait, les signes avant-coureurs des difficultés à prévoir. L'association de l'habitat et de l'urbanisme au sein d'un même ministère et la relégation de la politique de la ville au rang d'une délégation, sous couvert du secteur de l'aménagement du territoire et l'environnement, dissout en fait l'ampleur et la taille du problème. Cette séparation de la ville et de l'urbanisme, au profit de l'association de l'habitat et l'urbanisme, montre, en fait, l'option accordée à la perspective. L'habitat s'articule comme le vecteur privilégié de la promotion sociale et s'impose donc comme outils de gestion urbaine. C'est aux OPGI et à l'AADL donc de faire la ville et non à la collectivité !!! Une décennie s'est écoulée avant que les pouvoirs publics décident d'instaurer une politique de la ville. La mise en place de cette microstructure en 2003, qui à élaboré dans la précipitation un texte de loi approuvé sans ambages, ni difficulté fin 2005 par le parlement, devra rester tributaire des textes d'applications relatives aux ajustements à opérer dans les codes de la commune et de la wilaya. On aura ainsi cumulé plus d'une décennie pour mettre ne serait-ce que les jalons d'une politique dite de la ville. L'organisation administrative et politique de nos villes est encore à refaire. La centralisation poids difficile à porter conjuguée à l'incompétence, la méconnaissance, voire l'ignorance des règles élémentaires du management, absence d'habilité politique avérée de nos élus locaux, et un dirigisme local ambiant en conséquence obscurcit lamentablement le tableau des références. Les collectivités locales viennent de sortir de leurs endettements. Elles manquent d'initiatives et sous-estiment les richesses intrinsèques de leurs territoires. Réunis, ces ingrédients décontenancent sans nul doute l'urbaniste comme le politique. A quel saint se vouer ? Adopter des règles de management du projet telles qu'elles nous ont étés dictées, chercher à innover, faire preuve d'ingéniosité ou calquer tout simplement le modèle le plus proche vu l'urgence de la crise. Nous sommes devant un véritable dilemme. Si certains s'accordent à dire que la crise urbaine en Algérie est la conséquence directe d'une forte démographie conjuguée à un exode rural effréné et que les structures du paysage urbain de nos villes héritées du colonialisme ont été défigurées, ils oublient d'ajouter que la réappropriation de l'espace national est un mal nécessaire et acceptable. Dans la plus part des travaux exposés sur la situation urbaine en général, ils mettent en cause la bureaucratisation de la gestion urbaine, l'absence de discernement quant à l'application des instruments d'urbanisme, leurs désuétudes et leurs inefficacités et celle des structures de l'Etat, inexistence de management, etc. Mais à aucun moment, on évoquera la méthode adoptée en général qui consiste à devancer la charrue avant les bœufs…