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Quelques interrogations à nos amis d'outre-mer
Publié dans El Watan le 05 - 04 - 2006

L'entame de notre réflexion sur les conséquences de la loi dite du 23 février 2005 sur le devenir de l'avant-projet d'idée du traité d'amitié entre les peuples français et algériens, que je souhaite de tout cœur, penche légèrement sur les fondements déraisonnables de la politique coloniale française, bien sûr en direction de notre pays.
La vision du catholicisme comme fabrique de la fraternité, qui commande la philosophie de l'histoire de Tocquevilles (…) est à l'opposé de l'image, toute négative, forgée lors de son séjours dans notre pays, qu'il a de l'Islam, comme principe même de la décadence du monde musulman.
Ainsi, si Tocqueville Alexis publie en 1837, sept ans après l'agression contre la souveraineté de l'Algérie, deux textes sur notre pays, alors qu'il est candidat à la députation, l'histoire partiale et partielle de la colonisation est revisitée par la droite française en 2005, politique interne oblige, dans une sorte de mise en lumière de ses «compétences politiques».
Depuis son voyage en 1941 en Algérie pendant deux mois, en compagnie bien sûr de son ami Beaumont puis son retour trois mois vers la fin de 1846, Tocqueville s'est permis d'étayer différents textes sur l'Algérie et les publie respectivement en 1837, 1841 et 1847. Cette école colonialiste enfante, près de deux siècles après, la réacivation d'une façon réactionnaire par un certain Danois, à travers ses caricatures sur le Prophète Mohamed (QSSL), en septembre 2005, qualifiées de violence dégradante et une agression contre la liberté de conscience. Le journal Danois Jyllands Posten qui avait publié le premier en date du 30 septembre 2005, les caricatures, a présenté ses excuses aux musulmans dans une lettre en date du 9 février 2006, après que le monde musulman s'est levé contre cette offense, voir entre autre la presse de janvier et février 2006 et télétextes TV5 Monde du 9 février 2006.
Aux travers de ses écrits, le point de vue de Tocqueville sur l'Algérie est constamment subordonné à la prise en compte des intérêts de la France. Ce qui légitime la colonisation, c'est qu'elle est utile à la France, écrit-il en 1847, dans son rapport publié dans le Moniteur du 24 mai 1847.
Dans une démonstration où il apparaît comme un penseur racialiste et raciste, Renan soulignait qu'il faut condamner uniquement et seulement les conquêtes entre races égales, alors que «la régénération des races inférieures est dans l'ordre providentiel de l'humanité» (!!). Car, pour ce dernier, la nature a fait trois races : «La race ouvrière (Les Chinois), une race de travailleurs de terre (les nègres) et une «race de maîtres et de soldats», la race européenne (qu'il ne met pas entre parenthèses comme les deux autres.»
L'idée qu'avait Renan de la nation était tout autre chose que celle qu'ont les penseurs modernes. Pour Renan, s'il existe bien une différence de nature et de valeur entre Français et Noirs, il ne peut en exister entre groupes de français.
Selon ce dernier, la création de toute nation repose sur l'«oubli» et l'amnésie (qui est aussi amnistie), ce qui vaut évidemment pour la France, comme il le rappelle en se rappelant que la réunion de la France du Nord et de la France du Midi a été le résultat d'une extermination et d'une terreur continuée pendant près d'un siècle (E. Renan. Oeuvres complètes, tome I, Calman-Lévy. 1947 Qu'est-ce qu'une nation ? p. 891).
Développant la philosophie de l'hégémonie expansionniste impulsée des idées de conquêtes retravaillées lors des conférences-débats qui se tenaient même à la Sorbonne, à l'instar de celle animée par Ernest Renan le 11 mars 1882, le colonialisme français considérait la conquête d'un pays de race inférieure (à l'image du précédent allemand) par une race supérieure, qui s'y établit pour le gouverner, comme une «œuvre colonisatrice n'a rien de choquant» (E.Renan,Œuvres complètes, La réforme intellectuelle et morale de la France, p.891).
Comment dès lors ne pas voir dans les nouvelles approches cette fois-ci codifiée par la représentation nationale française comme l'aboutissement logique du fil d'Ariane, des idées préconçues de tous les colonialismes de subjugation des Damnés de la terre (1961), par devoir de mémoire pour Frantz Fanon (François Maspero, Paris, 1968).
Le colonialisme en tant que système décrié par Jean-Paul Sartre dans Les temps modernes, n°123, mars-avril 1956, est mis à jour dans «situations» sur le colonialisme et néo-colonialisme (Gallimard, 1964), où l'auteur a mis à nu l'approche colonialiste de la France qui réfute la mondialisation de l'idée du Tiers Etat pour l'appliquer à d'autres (E. Sieyès, janvier 1789).
Les lois de l'inhospitalité de D. Fassin, A. Morice et Ch. Quiminal (éditions La Découverte, 1997, A l'épreuve des sans-papiers), à la recherche du «creuset français», (Histoire de l'immigration XIXe et XXe siècles, éditions du Seuil, Paris, 1988), comme d'ailleurs la loi du 23 février, amputent indubitablement les principales dispositions du Préambule de la constitution française de 1946 relative aux peuples d'outre-mer (A.Fenet, in «Le préambule de la constitution de 1946. Antinomies juridiques et contradictions politiques, CURAPP, Puf. Paris, 1996).
«La couleur et le sang» replonge et interpelle les doctrines racistes à la française, (Les petites libres,1998), pour qu'ensuite R. Girardet décode l'idée coloniale en France de 1871 à 1962, Pluriel (Le livre de poche, 1972), et que J.-L. Lucas et Jean-Claude Vatin pratiquent une intervention «légiste» de l'œuvre de l'Algérie des Anthropologues, (Maspero, 1975), pour nous indiquer le tracé d'un alignement stratégique dans le sens de revisiter l'Algérie des historiens et de la mémoire collective positive.
La mémoire collective des deux rives, pour qu'elle soit saine d'esprit et dégagée des méandres du rêve bananier de l'Etat fictif virtuellement recolonisable, est interpellée par
M. Abitbol, qui cernait bien le concept de citoyenneté imposée à travers les textes promulgués par la République française du décret Crémieux à la Guerre d'Algérie.
Alors que l'historien Charles Robert-Ageron s'est longuement questionné sur les tenants et les aboutissants de ceux qui gouvernaient la France coloniale. Serait-ce l'esprit de la Déclaration de 1789 ou c'est le parti colonial ? (Puf, 1978).
A en revisiter la longue marche du siècle et demi de colonisation, il est permis d'affirmer que les «jusqu'au-boutistes» de l'Algérie-française n'avaient pas supporté l'indépendance d'un peuple colonisé, un certain 5 juillet 1962, et planifient stratégiquement d'en tirer bénéfice par ricochet d'un retour aux idées du parti colonial, à en juger par les initiateurs du projet de loi du 23 février 2005.
C'est assurément à Charles Robert Ageron de répondre d'une manière méthodologique et scientifique aux errements de la France coloniale de ses crimes de guerre et autres crimes coloniaux de guerre d'agression (voir Ch.R. Ageron, Histoire de l'Algérie contemporaine, 1871-1954, tome 2, Puf, Paris, 1979), pour que d'autres éveillent les consciences sur l'Algérie des faux dilemmes, comme le rappelle Jacques Berque (dans Politique étrangère, n°6, janvier 1956, pp. 703-710 ; repris in Politique étrangère, 50e anniversaire d'une revue, 1986, pp. 131-137).
La question algérienne avant d'atterrir sur les travaux de la session de l'assemblée générale des Nations unies, un certain 1955, avait épuisé toutes les voies dites «de recours internes», devant le Parlement français, qui ne cessait de la considérer comme partie intégrante de la France historiquement coloniale (voir M. R. Mouton, L'Algérie devant le Parlement français de 1935 à 1938, Revue française de science politique, 1962, n° 93, p.121).
Puis, le retour imaginaire sur les bienfaits et positivement correct en politique interne du rôle de la présence française en Afrique du Nord en particulier un certain 23 février 2005.
Avant que le continent des damnés de la terre ne soit encore une fois convoité (E. M'bokolo, L'Afrique au XXe siècle. Le Continent convoité, Seuil, Paris, 1985). Peut-on dès lors revisiter le Maghreb avant la prise d'Alger ? (édition Flammarion, Paris, 1969 de I. Valents).La France officielle du début du XXIe siècle, a-t-elle perdu la culture du politiquement incorrect ? (Voir B. Badie, La culture politique 3e édition, Economica, Paris, 1993), pour inventer le fil à coudre les plaies de l'histoire des peuples colonisés ? Ou en fabriquant la grammaire du politiquement correct (Voir D. Colas, La grammaire politique de l'Occident in La pensée politique, Larousse, 1994).
Faut-il dès lors aller vers «l'Omnes et singulatim», de M. Foucault, en tant que voie pour une critique de la raison politiquement correct ? (In Dits et écrits, tome IV, p. 134-162, Gallimard, 1994), ou a-t-on oublié l'époque de l'Etat et les esclaves, en tant que réflexion pour l'histoire des Etats colonisateurs ? (Voir, B. Kriegel, b 1979, et 2e édition, Payot, Paris ? 1991).
Le n°6 du Journal officiel de la République française, daté du 25 février 2005, engageait l'Etat français dans une aventure et une œuvre de destruction massive et activement incorrecte vis-à-vis des peuples décolonisés par la volonté des peuples et de la communauté internationale dans son ensemble raisonnable.
Ce texte de loi, inspiré des restes de certaines mentalités infantiles et politiquement non rentables à long terme, constitue une bombe à retardement qui est posée par certaines personnes non représentatives du peuple français qui a adhéré souverainement au droit des peuples à l'autodétermination en général et du peuple algérien souverain en particulier, déclaré un certain décembre 1960 par l'assemblée générale des Nations unies (A. rés. 1514 du 14 décembre 1960) (Voir Mohammed Bedjaoui la Révolution algérienne et le droit international, in AJD 1961).
Cette ADM à distance mine l'œuvre de reconstruction d'une coopération mutuellement bénéfique pour les deux parties, engagée par les deux Etats grâce à l volonté exprimée des deux peuples depuis le recouvrement de l'indépendance de notre pays, par Accords d'Evian interposés.
A charge pour la «représentation nationale française» au sens de l'article 3 de la Constitution du 3 janvier 1958, ainsi engagée dans les sentiers illumineux, de justifier les raisons ou la «déraison» qui avaient guidé la décision officielle de constitutionnaliser et de légaliser des «actes-œuvres destructeurs» de ceux du parti colonial. Dire que la Nation française «exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l'œuvre (coloniale) accomplie par la France dans les anciens départements français d'Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté français» (Article, 1er de la loi du 21 février 2005), constitue aux yeux des damnés de la terre une insulte et injure impardonnable vis-à-vis du million et demi de combattants algériens qui se sont exprimés depuis l'invasion pour assumer profondément le devoir de tout homme libre sur cette terre des hommes libres (imazighen). L'article 2 de ladite loi n'en est pas plus «raciste et colonial» que les autres dispositions. Légiférer que la «Nation (française, ndlr) associe les rapatriés d'Afrique du Nord, et des population civiles victimes de massacres ou d'exactions», sans qualifier ces actes commis par l'armée coloniale française de ‘'torture et exécutions extrajudiciaires” est une cécité mentale de la part des instigateurs-initiateurs de la maudite loi. Si l'article 4 de la loi est seul sujet à controverse outre-mer, au vu de son caractère abject et indécent qui tend à immoler l'esprit de la Déclaration des droits de 1789, réferant par excellence du pays des libertés et des droits de l'homme, le fronton du Panthéon, où la patrie est reconnaissante aux grands hommes – est remis en cause, est, dit-on, déclassé, après que la conscience collective du peuple français, épris de justice et de l'égalité entre les peuples, se soit ému, l'impact de la blessure de cette loi risque en toute logique de porter préjudice aux attentes d'une amitié partageable dans le projet en gestation. Cette mobilisation active du détenteur de la souveraineté française originale s'est soldée par l'avis du Conseil constitutionnel français qui a déclassé, mais pas retiré l'esprit de la loi, du domaine législatif au domaine réglementaire en date du 31 janvier 2006 (voir txt Fr 2. du 31 janvier 2006 p. 105, où il est dit que le Conseil constitutionnel français a déclassé l'alinéa litigieux de l'article 4 de la loi du 23 février sur la colonisation).
La repentance de l'Etat français sur les crimes de guerre d'agression commis à l'endroit du peuple algérien, en particulier, et des peuples colonisés d'Afrique et d'Asie, en général, peut rétablir l'ordre naturel d'une coopération et d'un partenariat stratégique d'exception, souhaité dernièrement par le 1er magistrat de l'Etat français du début du millénaire, en rétablissant les peuples injustement «esclavagés» et illégalement dépossédés de leurs biens matériels et immatériels. A défaut de l'observation des règles exécutoires des principes universellement admis liés au droit des peuples, les dérives incontrôlées de l'Etat français (responsable pénalement et civilement sur les actes de ses agents et de ses institutions) peuvent constituer un précédent grave de conséquence sur les relations pacifiques et amicales entre les peuples admis comme principaux directeurs dans la conduite des affaires entre nations conformément à la Charte des Nations unies. L'on sera alors devant une nouvelle théorie des ensembles avec plusieurs paramètres flous.
Chose que je ne nous souhaite pas pour l'avenir des relations entre l'Algérie et l'Europe en général, la France en particulier, à l'ère de la gestion par ensemble et partenariat stratégique à la lumière de l'accord d'association qui lie notre pays à la Communauté européenne depuis le 1er septembre 2005 (année de la maudite loi d'Arain du 23 février).


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