L'Algérie, qui a réservé à ce secteur une place prépondérante aussi bien durant la révolution au cours de laquelle des médias tels que La Voix de l'Algérie combattante, El Moudjahid et l'APS, ont joué un rôle inestimable de sensibilisation et de mobilisation de la population jusqu'à l'indépendance. De même qu'à partir de cette période, la presse a constitué le support fondamental de communication autour des tâches dites d'édification nationale et n'a pas été en reste du processus de transformation et de mutation induit à partir d'octobre 1988. La loi d'avril 1990 et les textes subséquents ont ouvert aux journalistes la faculté de «constituer des collectifs professionnels pour la création et l'édition d'un titre indépendant, de revues ou de périodiques» (circulaire gouvernementale du 19 mars 1990), en prévoyant d'accompagner ces projets par des facilités diverses portant sur «l'accès au crédit, locaux, impression et facteurs de production». Elle a servi de levier à la diversification de la presse écrite qui a marqué, à jamais, le paysage médiatique national. L'avènement du pluralisme, rendu possible par l'adoption de la Constitution de 1989, a, en effet, ouvert à la communication en Algérie des perspectives nouvelles, qui ont permis de prendre en charge les aspirations exprimées par la société pour la liberté d'expression et d'opinion. C'est dans le prolongement de ces grands changements socio-politiques que la presse algérienne connut un essor sans précèdent et fut appelée à jouer un rôle inédit, non seulement dans la consécration des grands idéaux de liberté, mais aussi, subséquemment, dans la défense de l'idéal républicain. Elle en paya d'ailleurs le lourd tribut, puisque plus d'une centaine de journalistes furent assassinés, tandis que plusieurs dizaines d'autres furent contraints à l'exil. Au moment où notre pays célèbre la 16e édition de la Journée internationale de la liberté de la presse, en ce 3 mai 2006, il est important de rendre un hommage appuyé à cette profession, qui se doit d'être celle de la liberté, de la droiture et du débat. I. À la lumière des mutations L'évaluation de l'ensemble de ces développements permet d'affirmer que le secteur a accompli, de l'indépendance à nos jours, de grands progrès, aussi bien au plan de l'organisation, du fonctionnement que de l'adaptation aux exigences liées à l'extension des libertés. Il est également important de relever les conditions de transformation radicales du paysage international de la communication et c'est précisément face à la dynamique de la société mondiale de l'information (SMI), que l'Algérie a eu besoin, d'une doctrine qui fixe la philosophie de l'Etat en matière de communication et qui détermine les priorités en matière d'actions de développement. Cest ainsi que si l'on devrait en établir un bilan, on noterait que l'Algérie a très tôt doté la communication d'un dispositif juridique, en l'occurrence la loi sur l'information de 1982 suivie de celle d'avril 1990 qui a fondé le pluralisme médiatique. Le secteur national de la communication tout en étant, à l'heure actuelle, régi par des textes législatifs et réglementaires dont l'origine remonte à l'avènement du pluralisme dans notre pays, demeure le reflet d'une volonté claire d'adaptation de notre législation aux textes internationaux qui existent en la matière auxquels elle s'adosse. A/ La législation internationale comme cadre de référence Pour rappel, l'Algérie est signataire de conventions internationales qui, ratifiées, prennent force obligatoire. La Constitution algérienne de février 1989 ou celle de 1996 dispose en son article 28 que l'Algérie «souscrit aux principes et objectifs de la Charte des Nations unies» Les textes de référence les plus importants sont : 1/Le pacte international de l'ONU relatif aux droits civils et politiques, adopté par l'Assemblée générale des Nations unies en 1966. L'Algérie a adhéré à ce pacte en 1989. Il comporte, entre autres, les dispositions suivantes : – article 19, alinéa I et 2 que «tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.» – alinéa 3 «l'exercice des libertés prévues comporte des devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales. Il peut en conséquence être soumis à certaines restrictions qui doivent être toutefois fixées expressément par la loi et qui sont nécessaires : a/ au respect des droits ou de la réputation d'autrui ; b/ à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé et de la moralité.» 2 / La Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : Signataire de cette Charte, l'Algérie occupe, par ailleurs, un siège à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples. Elle stipule, en son article 09, que «toute personne a droit à l'information. Toute personne a le droit d'exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et règlements en vigueur.» B/ Le dispositif législatif et réglementaire national S'inscrivant dans le cadre de la Constitution de 1976, qui consacrait des choix de société conformes aux orientations socialistes de l'Algérie, cette loi a régi le secteur de l'information jusqu'à 1990, selon les options systémiques de l'époque, prenant en charge les exigences de l'environnement sociopolitique national et international. 2/ La loi du 3 avril 1990 2.1. Les principales dispositions de la loi : Toujours en vigueur, la loi 90-07 du 3 avril 1990, relative à l'information, a été promulguée dans la foulée de l'adoption de la Constitution de février 1989 qui a consacré le pluralisme politique et la liberté d'expression. Cette loi consacre la liberté d'expression, réglemente l'exercice de la profession, attribue au journaliste le statut de travailleur intellectuel relevant à la fois de la profession libérale et du salariat, définit les règles déontologiques propres à la profession en énumérant un certain nombre de devoirs qui s'imposent aux professionnels dans l'exercice de leur métier. Fait notamment obligation au journaliste de : – respecter les libertés et droits des citoyens ; – avoir le souci de vérité, d'objectivité et d'honnêteté ; – s'interdire l'apologie de l'intolérance, la violence, le plagiat et la calomnie ; – supprime le monopole de l'Etat en matière d'information ; – introduit le système déclaratif pour la création de journaux ; – sépare les activités d'impression, d'édition et de diffusion; – ouvre aux opérateurs de droit privé la possibilité, après autorisation du CSI de créer des radios et des télévisions (article 56). Cette disposition n'a pas connu, à ce jour, de début d'application. Il. Evolution du champ médiatique Depuis la promulgation de la loi du 3 avril 1990, le secteur a considérablement évolué quantitativement et qualitativement. La presse écrite, tant privée que publique, est nombreuse et diversifiée. De 50 titres, tirés à quelque 150 000 exemplaires avec un maximum de 750 000 exemplaires par jour avant 1990 (selon une étude réalisée par le professeur Ahcene Belkacem Djaballah), nous sommes passés à fin mars 2005 à 105 titres, dont 45 quotidiens, 49 hebdomadaires et 2 magazines, tirés à plus de 1 000 000 et demi d'exemplaires. La presse écrite demande, à terme, un ensemble de réflexions particulières rattachées à la formation, à la publicité, à la diffusion et à la commercialité. En matière de radiodiffusion, plus particulièrement, ce vecteur de la modernité communicationnelle, que sont les radios de proximité. La trentaine de stations fonctionnelles sont une fierté du secteur de la communication et constituent la charpente du service public de la radio nationale, que chacun veut de plus en plus proche des citoyens et de leurs préoccupations et aspirations. Ce réseau qui est un puissant moyen de soutien et d'accompagnement du développement local, sous tous ses aspects, économique, culturel et institutionnel, a conquis un auditoire important entre 2002 et 2005, grâce à la qualité de sa grille des programmes et à l'augmentation de son volume horaire.Son extension sur la base, une wilaya/une radio et même plus, vœu des populations et des pouvoirs publics locaux pourrait être rendue possible par les NTIC notamment par le VSAT. Avec les chaînes nationales, elles contribuent davantage encore à l'intégration citoyenne et la symbiose entre diverses cultures régionales, ce qui ne peut que renforcer l'unité nationale.Par ailleurs, la communication dans notre pays est doublement interpellée par des défis, nés du développement de la société qui a induit de nombreux besoins en communication, ainsi que des révolutions technologiques successives, notamment au niveau de l'audiovisuel. Il s'agit, en fait, de s'adapter à ces multiples enjeux, à travers des actions concrètes, dont la presse s'est déjà faite l'écho, dont le lancement de nouvelles chaînes TV thématiques ; la planification des fréquences reconsidérées à la lumière des développements technologiques de la généralisation du numérique. La Télévision numérique terrestre (TNT) avec ses nombreuses implications de stratégie, de technique et de finance ; la mise en œuvre de plans de développement de l'audiovisuel, pour l'extension et l'amélioration de la qualité de service et afin d'assurer une meilleure couverture radiophonique et télévisuelle. Ces actions ambitieuses, aux côtés d'autres, s'inscrivent dans le Programme de soutien à la relance économique de 2001 et dans celui de 2005-2009, soit le Programme complémentaire de soutien à la croissance, consolidé par les programmes complémentaires de développement des wilayas du Sud et des Hauts-Plateaux, initiés par Son Excellence Monsieur le président de la République. Ces actions sont venues faciliter l'exercice de la profession journalistique et apporter au secteur les solutions technologiques tant attendues, lesquelles, de plus est, ont défini ipso facto, une stratégie sur le plan national et international. III. Une nécessaire entente médiatique Au moment où l'Algérie s'est exprimée massivement pour la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, la communication nationale, consciente des enjeux internes et externes liés à la stabilité du pays, œuvre à l'épanouissement des vertus et valeurs induites par celle-ci. C'est du reste dans cet esprit qu'elle est appelée à recadrer le débat sur la démocratie et la liberté d'expression, tout en portant davantage l'attention aux questions d'éthique et de déontologie. Dans ce cadre, notons qu'un Conseil supérieur d'éthique et de déontologie d'émanation professionnelle, a été pertinemment mis en place, tout en suscitant beaucoup d'attente à ce jour. Cette même question d'éthique et de la déontologie, avec la mise en place de mécanismes opératoires, mérite d'être débattue aujourd'hui, avec une volonté consensuelle, en vue d'une prise en charge réelle et cela dans l'intérêt de la liberté de la presse, de son exercice par les journalistes et des droits de la société et de tout un chacun. En parallèle, il serait nécessaire que puissent être favorisées et encouragées toutes les démarches tendant à la mise en place d'un statut garantissant aux journalistes l'ensemble de leurs droits sociaux et professionnels, en particulier ceux liés à la formation et à la protection sociale. L'exercice dans la dignité, selon des procédures avérées et adaptées aux normes et contextes, devrait aussi faire l'objet d'une attention particulière. Toutes ces préoccupations pourraient trouver leur place dans une vision globale et prospective de l'ensemble du dispositif juridique national, à différents niveaux. Il s'agit de prendre en charge la nécessité de créer un nouveau cadre qui concilie à la fois les attentes du citoyen en matière d'information et d'ouverture du champ médiatique, les nécessités de toute organisation et les besoins inhérents aux missions de service public. L'objectif visé serait de promouvoir la presse algérienne aux plans des contenus et des formes et de l'inscrire dans les valeurs universelles induites par l'émergence de la société mondiale de l'information (SMI) ; une tâche facilitée par la place de premier plan que cette presse occupe déjà au niveau régional et international. L'Algérie réconciliée est forte des valeurs qui ont inspiré son combat pour l'indépendance et de son attachement indéfectible à la défense des droits de l'homme et du citoyen. Faut-il rappeler que la presse fut aussi de ce combat ? L'enseignement que nous ont laissé nos aînés et au moment où l'on va commémorer le 50e anniversaire de la création d'EI Moudjahid, demeure que les journalistes et les médias ont pour mission essentielle de participer et d'aider leur société et leurs compatriotes à donner du sens à leur action, à leur combat, à l'expression de leurs aspirations, à leur vécu et aux évènements. Cela restera toujours valable quelle que soit la portée des innovations technologiques, de la «galaxie Gutenberg» à la «galaxie Microsoft», en passant par la «galaxie Marconi». La paix consacrée et la sérénité retrouvée, notre peuple revient, fidèle à ses principes, à sa cohésion première. C'est à cette cohésion originelle qu'appelle la réconciliation nationale. C'est à cette cohésion aussi qu'aspire la presse algérienne, tant elle est pénétrée, depuis le mouvement national, des idéaux de paix, de justice et de liberté. Le monde de la communication pourrait-il aujourd'hui tourner le dos à cet héritage et à ces traditions et à cette sensibilité particulière vis-à-vis de tout ce qui touche au devenir de l'Etat nation ? La presse algérienne, pétrie de ces idéaux, saura encore s'en réclamer, comme elle l'a déjà fait auparavant. Comment peut-il en être autrement ? Alors que la presse s'est voulue, depuis son apparition, un vecteur essentiel de la prise en charge des idées de progrès, un espace privilégiée de leur expression et de leur propagation et le reflet fidèle, par l'information et l'analyse objective, de la réalité sociale. C'est sans doute dans les moments les plus difficiles que la communication aura fait montre de ses plus grandes capacités. A l'heure des défis, elle aura toujours su les relever. C'est encore un défi qui aujourd'hui se pose à nous. Celui de la paix. D'une paix fructueuse que nous avons tous à bâtir, pour le grand bien de notre pays, pour l'avenir des nouvelles générations et pour notre adaptation permanente aux profondes mutations internationales. Car c'est un monde métamorphosé par la mondialisation et la globalisation, qui aujourd'hui se dévoile à nous. Un monde, où la communication obéit désormais à des protocoles de plus en plus complexes, rattachées aux nouvelles technologies et aux enjeux de domination idéologique et socioculturelle. La communication dépasse aujourd'hui les concepts hérités de la bipolarité et du contrôle de l'accès à l'information. C'est un monde réduit, selon l'expression fameuse de Mac Luhan, à un village planétaire. Mais un village où, plus que jamais, chacun se doit de faire valoir sa spécificité et son point de vue. L'uniformité n'est plus ce que cherche à instaurer un pouvoir central à l'échelle d'un pays, mais bien celle transnationale et complexe, que peut laisser voir le processus actuel de mondialisation. Beaucoup de schémas revendicatifs sont dépassés, sont à cet égard dépassés, mêmes s'ils n'ont pas été satisfaits. La communication transnationale et instantanée est là, dont la sélection et la diffusion relèvent de centres plus où moins identifiés. Place alors à une somme incommensurable de connaissances multiformes inondant le monde, dans un processus en boucle sans fin, mais à l'influence certaine sur les idées et les comportements. Les enjeux sont ainsi autres et les stratégies appropriées se doivent d'être développées pour y faire face. Leur concrétisation exige une démarche pragmatique d'adaptation et de projection, de réflexion et de créativité, de responsabilité et de liberté. D'entente médiatique. L'Algérie se doit être au rendez-vous de ces réalités, tant idéologiques que technologiques pour les maîtriser et faire en sorte qu'elles soient au service des idéaux de paix, de justice et de progrès qu'elle a toujours eu à servir et du dialogue fécond des identités culturelles dans leur diversité qu'elle a toujours prôné. N'est-il pas meilleur auspice, pour parler de la relation entre le politique et le médiatique que «le nécessaire consensus national». Il ne signifie pas et cela s'entend ni unanimisme médiatique ni obligatoirement consensus politique.