Le « Titanic » (en référence au paquebot géant en 1912 qui avait sombré au large du Pacifique) est le génial sobriquet que les Algérois ont donné à ce chantier mastodonte qui longe une bonne partie de l'avenue Mohamed Belouizdad. Un gigantesque projet immobilier abandonné à l'état de carcasse depuis le milieu des années 1990. Il avait été lancé, on s'en souvient, en 1982 à la faveur de l'éphémère boom pétrolier de la fin des années 1970, qui s'était achevé comme on le sait par une terrible crise financière qui avait contraint l'Etat algérien à abandonner pratiquement tous projets structurants de la capitale. C'est ainsi que furent abandonnés les travaux du métro d'Alger, de l'aérogare internationale, du tramway, des tours du Hamma et bien entendu, la réalisation du projet immobilier en question, communément appelé « l'îlot Belhafaf » de Sidi M'hamed. Le projet conçu, faut-il le rappeler, par le bureau d'études Bereg a été confié à l'entreprise publique Eneric, qui avait réalisé, à sa dissolution, en 1997, environ 40% des gros œuvres. D'énormes quantités de béton armé avaient été englouties dans les fondations profondes conçues pour porter un parking souterrain de 800 places et des tours d'habitation de 11 étages, abritant toute une panoplie de commerces et d'équipements socioculturels. L'embellie financière étant revenue en 1999, à la faveur d'une durable remontée des prix des hydrocarbures, tous les projets structurants d'Alger ont été repris et certains même achevés (cas de la nouvelle aérogare d'Alger), exception faite pour l'îlot Belhafaf qui n'a, on ne sait pour quelle raison, jamais bénéficié de l'attention des pouvoirs publics. La carcasse immobilière, abandonnée et ouverte à tous les vents, constitue depuis quelques années une véritable plaie dans la capitale. Outre les délinquants qu'il héberge, pour le malheur des riverains, le « Titanic » est devenu l'objet de dérision que les Algérois ont pris l'habitude d'exhiber comme preuve de la déliquescence de l'Etat. Le chantier abandonné cristallise l'incapacité des autorités politiques concernées à décider de la reprise des travaux en y mettant évidemment les moyens requis : désignation d'un promoteur relais, choix d'une entreprise et bien entendu octroi du financement nécessaire. Et à ce titre, on pourrait recommander sa prise en charge financière par le tout nouveau Fonds national d'investissement qui pourrait ainsi commencer sa carrière par ce très symbolique sauvetage du « Titanic ». Interrogé à l'occasion du 12e Salon Batimatec où nous l'avions rencontré, M. Guechi, qui avait réalisé en tant que président directeur général de l'ex-Eneric, les gros œuvres du projet, nous a affirmé qu' « il est tout à fait possible de reprendre l'ouvrage, qui est en mesure de porter l'ensemble du programme immobilier prévu, compte tenu du surdimensionnement des fondations. Mais, pour avoir une sécurité totale, on pourrait, ajoute-t-il, réduire le nombre d'étages de 11 à 7 en prenant, bien entendu, l'avis des ingénieurs en génie civil ». Non sans amertume, ce responsable, qui avait beaucoup trimé pour réaliser des fondations ayant requis des nuits entières de coulage de béton, nous a fait part de sa profonde tristesse de voir ce projet, qui devait tirer vers la modernité le quartier du 1er Mai et servir d'exemple pour les autres, finir ainsi. Il faut, conclut-il, régler définitivement le problème, soit en détruisant ce qui a été fait pour construire un autre projet à la place, ou bien continuer les travaux même s'il faut réduire quelque peu le programme immobilier initial.