La Télévision nationale est devenue l'outil de propagande par excellence. Ne se souciant guère du respect du rôle du service public, l'Entreprise nationale de télévision s'est imbriquée dans la machine de l'Etat en devenant le porte-voix du pouvoir. L'unique ou l'orpheline, comme aiment à la qualifier les Algériens, en raison du monopole qu'elle exerce sur le champ audiovisuel, se fait le reflet d'une scène politique fermée où il n'y a de la place que pour les porteurs du discours officiel. En ces temps de campagne électorale, la télévision est égale à elle-même et ne fait pas dans l'approximatif dans son allégeance au pouvoir en place. Elle s'invente même de nouvelles règles de « courbettes » pour garantir un service irréprochable à ses « maîtres du jour ». La campagne électorale devient alors le terrain propice pour « l'unique » de mettre en marche la machine propagandiste carburant au rythme de la « ouhda thalitha ». Si l'opposition n'a pas droit au chapitre dans le petit écran, les adversaires du président candidat ne cessent de se plaindre du parti pris de l'ENTV en faveur du Bouteflika. Avant même le début de la campagne électorale, la Télévision nationale s'est faite le relais d'une précampagne présidentielle en lui accordant une longueur d'avance par rapport à ses adversaires en termes d'audience, à travers la confection d'émissions spéciales louant les grands projets de son excellence. Une fois démarrée, la campagne électorale dans le petit écran est à l'image des moyens inégalés mis au service d'un candidat par rapport aux autres. Si les façades des immeubles sont fardées des portraits géants du président, si l'administration, les patrons de grandes entreprises et trois appareils politiques ainsi que les organisations de masse envahissent le terrain de la campagne en faveur du candidat président, et ce, en rendant presque invisibles les cinq autres candidats, la télévision y met aussi du sien en investissant la place électorale. Si chaque candidat n'a que sa voix pour porter son message, le candidat président a droit à trois chefs de parti politique et bien plus en nombre de responsables d'organisations de masse, en sus de sa personne, pour vanter ses mérites. Ses cinq concurrents se sont d'ailleurs élevés contre un tel traitement partial de la télévision, qui n'hésite pas à passer tous les meetings des porte-voix de Bouteflika, contre de maigres tranches horaires consacrées aux discours bien disséqués des cinq autres candidats. Louisa Hanoune, Fawzi Rebaïne, Mohand Oussaïd Belaïd, Moussa Touati et Djahid Younsi ont même menacé de dénoncer la partialité de la télévision lors d'un point de presse collectif, et ce, en sus d'avoir adressé des plaintes à la Commission nationale politique de surveillance des élections. Toutefois, ces candidats semblent avoir oublié que le président de la République considère la télévision comme sienne. Il a même dit un jour : « Il est inconcevable que je paye pour que les autres dansent. » Le fourvoiement de « l'Unique » dans la notion de service public trouve donc son essence dans la conception que nos dirigeants ont de la télévision d'Etat, un moyen de propagande en service commandé.