Le trafic de drogue prend une forme menaçante pour la sécurité nationale. De grandes quantités transitent par la frontière ouest. Elles sont de plus en plus importantes. Durant le premier trimestre 2009, les éléments de la Gendarmerie nationale ont saisi plus de 15 t de kif traité en provenance du Maroc et destinées aux pays européens et moyen-orientaux. Cette quantité, saisie au cours de plusieurs opérations combinées menées par les gardes-frontières, est quatre fois plus importante que celle saisie au même trimestre de l'année 2008. Elle représente une forte augmentation de 213% par rapport à l'année dernière, a affirmé le colonel Djamel Abdeslam Zeghida, chef de la division police judiciaire, lors d'une conférence de presse tenue hier à Alger. Avec une moyenne de 5 t/ mois, le bilan des saisies pourrait atteindre à fin 2009 environ 60 t », prévient-il, tout en exprimant son inquiétude quant à l'ampleur que prend ce fléau. La quantité saisie durant ces trois mois de 2009 représente la moitié de ce qui a été saisi durant toute l'année 2008 (30 t). Le colonel Zeghida tire ainsi le tocsin. Expert en la matière, il explique ce « flux » par le fait qu'au Maroc, pays producteur qui rivalise avec le Mexique et le Panama, c'est la période de la récolte du kif. Les narcotrafiquants deviennent de plus en plus agressifs. Ils n'abandonnent plus facilement leur marchandise comme avant à la moindre étincelle avec les gardes-frontières. Au contraire. Pour passer la frontière algérienne, ils ne reculent devant rien. Lourdement armés, les narcotrafiquants ne rebroussent plus chemin en abandonnant leur marchandise aux vigiles de nos frontières. Plusieurs escadrons de la Gendarmerie nationale ont été confrontés à des groupes de trafiquants munis d'un arsenal de guerre. Le 22 mars, les éléments du 101e escadron de gardes-frontières ont eu un accrochage avec des narcotrafiquants au lieudit Oued Keimet, distant de 80 km du cantonnement de Delaât Djenieb, dans la wilaya de Béchar. Cet accrochage s'est produit lorsque les éléments des gardes-frontières ont aperçu six motocyclettes venant du Maroc. Après des échanges de tirs nourris, les narcotrafiquants ont pris la fuite à bord de leurs motocyclettes vers la frontière algéro-marocaine, distante d'un kilomètre du lieu de l'accrochage. Deux gendarmes ont été touchés par balle au cours de cet accrochage. L'un deux est mort sur le coup. L'autre, un capitaine, a succombé à ses blessures hier à l'hôpital militaire de Aïn Naâdja. Selon le colonel Zeghida, les narcotrafiquants ont utilisé des FM et des kalachnikovs. La situation est devenue plus dangereuse, souligne le colonel. Cela du fait que les trafiquants de drogue se déplacent avec un arsenal de guerre et tentent de percer les dispositifs de sécurité mis en place. « Nous sommes face à de véritables bandes de criminels, de narcotrafiquants solidement armées et déterminées à passer quel que soit le prix », atteste le conférencier. Pour étayer ses propos, le colonel évoque une saisie à Béchar d'armes opérée ces dernières semaines. Dans le lot, il y a 16 véhicules, 2 FM/PK et 4 PM/AK. Sans parler de téléphones portables satellitaires, des GPS, une boussole et 45 970 paquets de cigarettes. Ce qui traduit davantage l'agressivité des narcotrafiquants et leur détermination à vouloir faire face aux dispositifs des unités des gardes-frontières et affronter les groupes de bandits armés qui s'adonnent à leur racket. En réponse au changement de mode opératoire et à l'agressivité affichée par les narcotrafiquants, la Gendarmerie nationale a décidé de recourir aux « méthodes » les plus dissuasives. Comme première mesure, la Gendarmerie nationale a ouvert 154 nouveaux postes frontaliers. « Ces nouveaux postes, nous les avons rapprochés du tracé frontalier de sorte à pouvoir contrôler les agissements de la population vivant toute au long de la bande frontalière. Nous avons des raisons de douter de leur implication dans les réseaux de trafic de drogue », précise le colonel Zeghida. Il est également question de multiplier les patrouilles au niveau des axes principaux arpentés par les narcotrafiquants. Souvent, comme l'affirme le colonel Zeghida, les narcotrafiquants tentent de passer par la bande frontalière allant de Naâma jusqu'à Tindouf, en passant par Béchar. Ces trafiquants font transiter ensuite leur marchandise par le Mali, le Niger et la Libye pour atterrir dans des pays européens et moyen-orientaux. Les éléments de la gendarmerie seront également équipés dans cette « bataille » contre la drogue de moyens matériels des plus sophistiqués dont ceux de la vision nocturne. Comme ils vont bénéficier aussi d'un appui aérien plus important. Aussi, le colonel Zeghida a parlé de la multiplication de sections de recherche avec un personnel spécialisé afin de pouvoir déterminer avec précision l'origine de la drogue. La bataille ne fait que commencer.