« Le chaâbi est un roseau qui plie mais qui ne rompt pas. » La main qui a tracé ces lignes sur un cahier-agenda, avec une écriture claire et sereine, des lignes de lettres apaisantes, est une main de maître. Le maître, revisité aujourd'hui grâce à l'œuvre subtile et documentée, pleine d'amour, que vient de signer Chahira, la veuve du maître incontesté du chaâbi et la journaliste Catherine Rossi. Un livre* poignant, retraçant la vie d'El Hachemi Guerrouabi à travers ses plus grands textes, qcidate, qui ont marqué des générations d'aficionados du sang sonore d'Alger. « El Hachemi a commencé à coucher sur papier ce livre, évoquant même des histoires dont il ne parlait jamais, comme la perte de sa mère très jeune », témoigne Chahira. En annexe du livre, le carnet-projet manuscrit des mémoires que le maître peaufinait en secret donne la mesure d'une « immense sensibilité et d'une fragilité », selon les termes de Chahira. « Il ne voulait pas que je lise ce carnet, il y travaillait depuis 2001, mais il n'a pu continuer », confie sa veuve. Guerrouabi nous a quittés la nuit du 17 juillet 2006. Chahira en est toujours émue : « Il a chanté et écrit pour les femmes qu'il aime et qui l'ont aimé. » N'est-il pas le « voleur des mariées », titre d'un chapitre de ce nouveau livre ? Lorsqu'une journaliste de la radio lui pose la question, le maître sourit sans rien dire, avec la classe d'un Don Juan pudique. Et modeste : « Quand je lui ai demandé pourquoi il avait toujours le trac après tant d'années, raconte Chahira, il m'a évoqué Sarah Bernhardt, qui face à un jeune comédien, avait réagit : « Le trac, ça lui viendra avec le talent ! » « Ce livre pourrait être le déclic qui concrétisera peut-être le projet d'une Fondation Guerrouabi et d'une école du style hachemaoui », espère la veuve du maître qui annonce la prochaine publication d'une vingtaine de chansons écrites par El Hachemi pendant sa maladie et même d'une operette. *Le Jasmin, la Rose et le Néant, de Chahira Guerrouabi et de Catherine Rossi aux éditions Casbah.