Si le genre de la musique chaâbie est né avec El Anka, il reste qu'il n'a pas encore été enterré comme veulent le faire croire certains. Bien au contraire, après quelques années de flottement dû à plusieurs paramètres, revoilà le chaâbi qui fait courir les mélomanes. Par contre, il ne faut pas occulter le fait que cette musique prise à bras-le-corps par plusieurs artistes s'est retrouvée confrontée à des interférences qui n'avaient pas lieu d'être. Pourtant, après le stérile débat autour du chaâbi et du néo chaâbi qui a failli mettre le feu aux poudres par certains moments, il fallait faire face aussi à la montée en puissance d'autres genres de musique comme il fallait avoir une oreille attentive aux luttes intestines dans le milieu des chanteurs. Une bataille qui ne voulait pas dire son nom, mais qui relevait d'un secret de Polichinelle, car personne ne pouvait empêcher le problème d'avoir des prolongations en dehors des cercles du chaâbi. Les différentes associations mises sur pied autour de ce genre musical tenteront dès lors de faire face à cette situation, mais c'étaient surtout les initiatives personnelles qui ont brillé par leur prestance. Un chanteur comme le regretté Hachemi Guerrouabi a beaucoup donné à cette musique dans les moments les plus difficiles, car il a su comment faire revenir le chaâbi au haut de l'affiche au moment où le black-out lui était imposé, comme il a su raviver cette flamme de la chanson et lui redonner la force qui lui fallait pour remonter la pente. Après le mort du maître de la chanson chaâbie, plusieurs formations ont vu le jour, car El Anka est aujourd'hui un patrimoine national qui appartient à tous les Algériens. Associations, fondation, groupes... ont vu le jour pour perpétuer l'œuvre entamée il y a presque un siècle. Une mission difficile qui ne pouvait connaître un cheminement sans être confrontée à des incompréhensions, des entraves, des animosités..., qui ont énormément perturbé les bonnes volontés qui se sont engagées dans la voie du renouveau de la chanson chaâbie. Une fois de plus, la musique chaâbie trouvera ses appuis au niveau de la base, c'est-à-dire auprès de tous les jeunes qui se sont mis à gratter la mandole et à fredonner les airs d'El Anka. Une jeunesse qui était loin des luttes de leadership que voulaient accaparer certains « gardiens du temple » au nom d'une légitimité mal placée. Mais ils ont vite compris que le chaâbi n'avait pas besoin d'un leader mais de plusieurs chanteurs à même d'élargir ses rangs sur des bases solides, loin de toute manipulation et de toute tentation. D'ailleurs, El Hadi El Anka, président de l'association El Ankaouia, nous le dira si bien en déclarant : « Nous n'avons nullement besoin de confrontations, car notre seul objectif demeure la sauvegarde et l'enrichissement d'une musique qui veut rassembler plutôt qu'autre chose. » Il rejoint en quelque sorte ce que disait son père lorsqu'il affirmait : « Personne ne sera comme moi. Il y aura quelqu'un de mieux que moi ou qui aura moins de capacité. » Une manière comme une autre de préjuger sur l'après-El Anka. Pour cette année, beaucoup plus que les précédentes, la musique chaâbie est revenue à l'honneur au détour des soirées organisées pour commémorer l'anniversaire de la mort de hadj M'hamed El Anka. Le starter est donné à la salle El Mougar d'Alger, où la soirée fut retransmise en direct sur les écrans de la télévision, comme pour être le témoin d'un retour sous les feux de l'actualité d'un genre musical qui a connu un creux de vague. Mais comme un roseau, le chaâbi n'a pas rompu. Il a plié, certes, et ce serait malhonnête d'affirmer le contraire, mais a su préserver l'essentiel pour mieux revenir sur la scène. La commémoration de la mort d'El Anka fut plurielle cette année, puisque après la soirée qui a eu lieu à la salle El Mougar ce sera au tour de l'hôtel Hilton d'accueillir un autre spectacle organisé par l'entreprise Sovac, représentant exclusif en Algérie de la voiture Volkswagen et Audi, en étroite collaboration avec l'association El Ankaouia. Une autre rencontre, soit une autre occasion, pour réunir les amoureux de la chanson chaâbie. Chercham, Laïdaoui, El Hadi El Anka, Aziouez Raïs, Bourdib et Chaou sont là pour animer. Omar Boudjemia, Tamache, H'cissene et beaucoup d'autres sont là pour rendre hommage au maître, mais aussi pour prouver qu'ils n'ont jamais « déserté » les rangs d'une véritable musique chaâbie qui ne veut nullement se cantonner dans un rôle d'observateur. Les festivités commémorant l'anniversaire de la mort de hadj M'hamed El Anka se poursuivent cet après-midi avec une soirée programmée au niveau de la radio. D'autres spectacles sont prévus dans la capitale pour les jours qui viennent. Une façon comme une autre de faire revivre une belle tradition, comme l'a déjà initié le café El Bahdja de Bab El Oued où des représentations nocturnes nous replongent dans la nostalgie et le chaâbi. Puis c'est vrai, « Alger ne peut être dissociée du Mouloudia, de Hamoud Boualem et du chaâbi ». Personne ne peut dire le contraire.