La polémique engagée ces derniers jours sur la réalisation d'un pôle universitaire à Boukhadra El Bouni (Annaba) met sérieusement à l'épreuve la paisibilité apparente de la coexistence entre l'exécutif de wilaya et les élus. Cette polémique est enrichie par les positions contradictoires d'architectes, enseignants universitaires dans la spécialité ainsi que le rectorat, les urbanistes et les sociologues. Par également le refus du directeur du logement et des équipements publics (DLEP) de la wilaya ainsi que de ses proches collaborateurs de livrer à l'opinion publique leur point de vue sur cette réalisation. Les uns et les autres donnent l'impression d'être dépassés par l'ampleur du projet et par ce qui se trame autour. Selon des architectes de renom, ce projet de pôle universitaire étalé sur 30 ha représenterait une catastrophe urbanistique et un danger de mort pour les étudiants qui seront appelés à le fréquenter. Même si Mohamed Tayeb Laskri, recteur de l'université Badji Mokhtar, a exprimé sa satisfaction en affirmant que l'étude a été réalisée par l'un des meilleurs bureaux d'études d'architecture d'Algérie, la majorité des enseignants au département architecture ne sont pas du même avis. La cible étant trop floue et le nombre de revanchards pouvant être légion, M Laskri a cru bon d'expliquer : « Ceux qui affirment que l'étude n'est pas bonne sont des revanchards parmi les patrons d'entreprises qui n'ont pas été retenues pour la réalisation de ce pôle. Initialement prévue pour 6000 places pédagogiques, la capacité d'accueil est passée à 8000. Au ralenti durant les cinq premiers mois du démarrage, les travaux de réalisation ont été accélérés. Une entreprise chinoise interviendra dans les prochains jours pour faire en sorte que ce pôle universitaire soit prêt pour la prochaine rentrée universitaire ». Pour d'autres techniciens de l'urbanisme et de la construction, ce pôle universitaire qui empiète sur des terres agricoles hautement fertiles est une atteinte à l'environnement et à toutes les règles architecturales et urbanistiques. ` Pour argumenter, ils ont avancé de nombreuses imperfections et anomalies dans la gestion de ce dossier comme : l'absence d'une carte universitaire, d'une étude préalable à l'échelle de wilaya et d'implantation par rapport à l'environnement immédiat, absence de cohérence, d'un concours d'architecture national pour le choix de la meilleure œuvre, d'un plan d'architecture ; celui retenu n'étant qu'une adaptation d'un projet déjà réalisé dans une autre wilaya, l'intervention des entreprises retenues sans considération des niveaux et la réalisation des infrastructures pédagogiques à deux mètres de l'autoroute. Toutes ces remarques avaient été portées à la connaissance de Zoubir Bensebane le wali de Annaba au lendemain de son installation. C'est pourquoi, lors de la visite de travail que ce dernier avait effectuée dans la daïra d'El Hadjar, des membres de l'exécutif et des élus n'avaient pas manqué de noter la gravité de la remarque faite par le wali au DLEP. « Vous avez des ogres dans votre direction », lui avait-il précisé tout en le sommant de prendre les dispositions nécessaires pour améliorer la gestion de son institution. Cette déclaration, beaucoup plus une accusation, donne la mesure de l'improvisation dans la gestion de cette structure. L'on avait pourtant cru après le tremblement de terre qui avait secoué les wilayas du centre du pays, que toutes les structures du ministère de l'Habitat étaient placées sous haute surveillance. Derrière un argumentaire complexe où s'enchevêtrent sciemment les mauvaises raisons, les arguments fallacieux et les explications discutables des uns et des autres avancés aux responsables locaux pour justifier le choix du terrain et l'étude du projet, des architectes et des élus dénoncent des arrière-pensées. Selon eux, ce pôle universitaire n'est rien d'autre qu'une hypertrophie qui se répercutera négativement sur le monde universitaire, d'une part, et sur les caisses du Trésor public, d'autre part.