Le gouvernement Ouyahia affiche une volonté de « libérer » les terres agricoles du béton et des occupations illicites. Des directives ont été, en effet, données aux ministères de l'Intérieur, des Finances et de l'Agriculture pour diligenter des enquêtes administratives afin de faire la lumière sur les innombrables transactions effectuées en violation de la loi n° 87-19 du 18 décembre 1987. Celle-ci définit le mode d'exploitation des terres agricoles relevant du domaine national. Entre autres, les agriculteurs bénéficiant des droits de jouissance de ces terres ne peuvent ni les vendre ni leur changer de vocation, car elles restent toujours la propriété de l'Etat. Les trois départements ministériels concernés sont appelés, en outre, à prendre les mesures conservatoires appropriées, mais aussi à déposer les plaintes nécessaires devant les juridictions. Outre ces directives, le communiqué du Conseil de gouvernement, diffusé mercredi 19 janvier suite à la réunion du staff d'Ahmed Ouyahia, fait état d'une autre mesure entrant dans le même cadre. Celle-ci consiste en le gel de l'instruction interministérielle du 15 juillet 2002 relative à la cession des droits réels immobiliers octroyés aux producteurs agricoles en vertu de la loi n° 87-19 du 8 décembre 1987. Gel qui précède, selon les termes du communiqué, l'annulation de ladite instruction. Aussi, Tayeb Belaïz, ministre de la Justice et garde des Sceaux, a été instruit en vue de « mettre en mouvement l'action publique de sorte à ce que les parquets à travers le pays se saisissent des violations subies par la loi de 1987 sur l'agriculture ». Dans la même optique, le Conseil de gouvernement a examiné un avant-projet de loi portant sur l'orientation agricole. Avec ce texte, le gouvernement compte « doter le secteur agricole d'un fondement juridique aux efforts et objectifs sur la politique nationale de promotion et de modernisation de l'économie agricole et, partant, l'amélioration de sa productivité et de sa compétitivité ». Le texte se veut un appoint juridique à l'avant-projet de loi sur le foncier agricole en cours d'élaboration, portant « sur l'incessibilité des terres agricoles publiques et sur la sanction des tentatives de les détourner de leur vocation ». En vue de mieux traiter le problème sur le plan juridique, le gouvernement se donne le temps qu'il faut pour « approfondir l'étude de l'avant-projet de loi sur l'orientation agricole ». Cela dit, les deux avant-projets de loi suscités vont être finalisés avant la fin du semestre en cours. Tel est l'engagement du gouvernement Ouyahia. L'Exécutif a ainsi pris une batterie de mesures à même d'arrêter la saignée que connaît le patrimoine agricole national, et ce, en agissant conformément aux directives du président Bouteflika, précise le communiqué. Ces mesures prises en Conseil de gouvernement viennent à point nommé corroborer les déclarations du ministre de la Justice, lundi dernier, faisant état de l'ouverture d'une instruction judiciaire sur « la spéculation et le trafic des terres agricoles ». Tayeb Belaïz a précisé que « tous ceux qui ont été impliqués dans les malversations passeront devant la justice ». Il a évoqué dans la foulée de sa déclaration les terres de Bouchaoui « qui ont été détournées de leur vocation agricole » en promettant que toute la lumière sera faite sur ceux qui en ont bénéficié. Parmi les personnes qui ont acquis des droits de jouissance des terres situées dans cette zone agricole des plus fertiles d'Algérie, il y a les deux fils de Khaled Nezzar, l'homme d'affaires Djillali Mehri et le PDG d'Union Bank, Brahim Hadjas.