Le monde vient d'assister et même de vivre une semaine riche en événements, certainement la plus importante depuis des années. L'on assiste, en effet, à des déclarations d'intention susceptibles de façonner le monde pour les prochaines décennies, le tout commençant par la réunion de jeudi à Londres du G20, qualifiée de compromis historique. En tout cas, personne n'a fait preuve de modération. depuis hier se tient la réunion de l'Otan, ou plus exactement la première grande sortie de politique étrangère du président américain, Barack Obama, qui entend rompre avec la politique de son prédécesseur, en déclarant que son pays sera attentif aux autres. Les entendra-t-il pour autant ? Autrement dit, serait-ce la fin de l'unilatéralisme ? On ne prétendra pas que le monde va changer en une semaine, mais il y a tout de même des signes qui méritent d'être relevés. Comme avec l'Iran, la Russie et avec la Chine. Parce qu'il est susceptible de définir les contours de ce qu'on appelle la future architecture mondiale, le fait mérite d'être relevé. L'Iran se déclare « tout à fait prêt » à participer à la reconstruction de l'Afghanistan. Une telle déclaration a été faite mardi à La Haye par son vice-ministre des Affaires étrangères, Mohammad Mehdi Akhoundzadeh, à la conférence internationale sur l'avenir de l'Afghanistan. Signalons, dans ce sillage, que c'est la première fois que l'Iran participe à un tel forum au-delà, bien entendu, des rencontres de type régional et, par conséquent, de moindre importance. Une tribune pour ainsi dire et même plus, puisque les spécialistes tentent de capter le moindre signal et le moindre propos à même de donner corps à ce que les Américains présentent comme leur nouvelle stratégie, dans laquelle, justement, ils prévoient d'impliquer l'Iran. Oubliée donc la querelle vieille de trente années, durant lesquelles les Etats-Unis et l'Iran se sont tourné le dos, échangeant même de bien sérieuses accusations, comme au sujet du nucléaire iranien, dont seuls les Iraniens connaissent l'état d'évolution. L'Iran a ainsi répondu favorablement aux appels du président américain Barack Obama, qui estime que l'Afghanistan, où l'insurrection menée par les talibans a gagné du terrain depuis deux ans, ne pourra être stabilisé sans l'aide de ses voisins. En présentant, vendredi, sa stratégie pour l'Afghanistan, M. Obama a souhaité la création d'un groupe de contact international incluant l'Iran, rompant ainsi avec 30 années d'hostilité à l'égard de Téhéran. L'Iran, ennemi de toujours de l'ancien régime des talibans et d'al-Qaïda, s'inquiète par ailleurs de l'afflux sur son territoire de l'héroïne produite à partir des champs de pavot d'Afghanistan dont il est de loin le premier producteur mondial. Une place pour l'Iran Un tel frémissement est intervenu avant la grande sortie internationale du président américain. Effectivement, Barack Obama fera, au sommet du 60e anniversaire de l'OTAN, ses grands débuts sur la scène internationale en tant que commandant en chef des forces américaines devant les alliés dont il va tenter de gagner l'adhésion à sa nouvelle stratégie en Afghanistan avec, notamment, une approche nouvelle puisqu'il s'agit de négocier avec les talibans. Un principe rappelé, mardi dernier, par la secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, sans que l'on sache, bien entendu, si la partie adverse, que l'on dit en position de force sur le terrain, ne voudra pas plus que le simple partage du pouvoir. Mme Clinton a explicité la « nouvelle stratégie » afghane de son pays, appuyant l'offre d'amnistie pour les talibans qui renonceraient à la violence et rompraient avec al-Qaïda. Son collègue russe, Sergueï Lavrov, a adhéré à cette démarche, en insistant sur le fait que les talibans repentis devaient clairement « renoncer à la violence, rompre avec al-Qaïda et reconnaître la Constitution afghane ». Le président afghan, Hamid Karzaï, qui plaide depuis longtemps pour une tentative de conciliation avec les talibans les moins radicaux, a jugé, par ailleurs, « urgent » de mettre en place « un plan d'investissement dans les forces de sécurité afghanes ». Deux mois à peine après sa prise de fonction, le 20 janvier dernier, le président américain devrait être, jusqu'à demain, le centre d'attention de ce sommet qui célèbre les 60 ans de l'Alliance atlantique qui se déroulera entre Strasbourg (France), Kehl et Baden-Baden (Allemagne). Barack Obama devrait profiter de son premier grand rendez-vous avec l'Otan pour réclamer le soutien dont il a besoin pour mener à bien sa nouvelle stratégie en Afghanistan, qui prévoit une nette augmentation de l'engagement militaire et civil et donne un rôle-clé au Pakistan voisin, afin de démanteler le réseau terroriste Al-Qaïda. Mais, selon de hauts responsables américains, l'administration américaine ne s'attend pas à recevoir d'engagement ferme des alliés concernant des renforts de troupes, mais plutôt une plus grande participation dans les opérations de soutien militaire et de développement civil. Pour cette raison, les Américains, qui ont entrepris eux-mêmes d'envoyer des renforts (près de 21 000 soldats), ne devraient vraisemblablement pas demander publiquement de nouvelles troupes aux membres de l'OTAN. Ce qui ne semble pas être évident du tout car les alliés des Etats-Unis envisagent, quant à eux, de se désengager d'un conflit que plus aucun d'entre eux ne croit pouvoir gagner. Remarquons la nuance, la victoire est exclue, mais nul n'ose parler de défaite, alors qu'une guerre se gagne ou se perd. A défaut de troupes, les Etats-Unis pourraient demander aux alliés de participer financièrement ou matériellement à la reconstitution des forces de sécurité afghanes, ce qui va coûter plusieurs milliards de dollars. Difficile dialogue C'est en Afghanistan que l'OTAN mène, depuis 2003, la plus importante opération de son histoire et y est confrontée à l'opposition de plus en plus pugnace des talibans qui se servent du Pakistan comme de base arrière. C'est là où l'OTAN joue sa crédibilité. L'objectif de la nouvelle « stratégie » que M. Obama a présentée, est que la force internationale commandée par l'OTAN, l'Isaf, qui compte aujourd'hui 60 000 soldats de 42 pays, puisse sortir un jour de l'Afghanistan. Mais toutefois la tête haute, après avoir détruit la menace terroriste incarnée par Al-Qaïda, alliée aux talibans. Le sommet de l'OTAN se tient dans la foulée d'une conférence internationale sur l'Afghanistan qui a eu lieu mardi à La Haye et à laquelle ont participé ses grands voisins chinois, russe et iranien. « L'Otan ne peut pas régler cela tout seul », a souligné, lundi, M. de Hoop Scheffer, se déclarant toutefois persuadé que, sur l'Afghanistan, la Russie se montrera coopérative car elle « n'a pas intérêt à ce que l'extrémisme se propage en Asie centrale ». Reste à savoir ce qui se dira entre ces pays visiblement prêts à s'engager sur certains sujets, mais pas de manière inconditionnelle ou sans la moindre contrepartie. Comment alors se déclinera cette nouvelle architecture mondiale, d'autant plus qu'il n'y a pas que l'Afghanistan qui pose problème mais aussi l'OTAN, la Russie l'accusant de vouloir repousser ses frontières.