Dans sa communication intitulée «Les positions ambiguës de l'Algérie et de la Libye face aux migrations transsahariennes : le cas des passages des frontières méridionales», Julien Brachet, chercheur à l'université de Paris (Sorbonne I), a alerté sur le fait particulièrement que «les pressions exercées régulièrement par l'Union européenne (UE) sur les Etats du Maghreb pour les impliquer dans sa politique anti-immigration perturbent le développement du Sahara». Marc Côte de l'IREMAM, évoquant le rôle des migrations dans l'émergence de certaines grandes places commerçantes dans le Sud, fera d'ailleurs remarquer dans son comparatif entre «les mouvements transsahariens d'hier et d'aujourd'hui» que «le désert n'a jamais été aussi peuplé» que maintenant et une conduite durable de politiques répressives pourrait provoquer le dépeuplement du Sahara. La plupart des participants à ce colloque, étalé sur trois jours, tenu sous la responsabilité du chercheur algérien Ali Bensaâd, se sont ainsi entendus sur le fait que la politique migratoire de l'UE participe d'une logique pouvant se révéler désastreuse pour le Maghreb, surtout si cet ensemble prend une part active dans son exécution. Abondant dans le même sens, Ali Bensaâd, qui s'est dit convaincu que l'avenir et la prospérité du Maghreb se jouent aussi avec les Etats du Sahel et d'Afrique, a invité les pays du Maghreb – qui deviennent progressivement des pays d'immigration – à ne pas se laisser entraîner par la tentation qui consiste à reproduire ou à tenir, à l'égard des migrants subsahariens, le même discours et la même attitude xénophobes que ceux développés en Europe. En plus de montrer clairement que les préoccupations de l'Union européenne en matière d'immigration sont souvent en contradiction avec celles des Etats maghrébins, le colloque de l'IREMAM, dont les travaux prennent fin aujourd'hui, prouve également que l'essentiel du discours construit en Europe occidentale par les politiques et la presse sur le phénomène de l'immigration repose sur des clichés sciemment entretenus. Un discours régulièrement sujet à des instrumentations politiques et qui s'entête encore à présenter le phénomène de l'immigration africaine comme une menace ou un péril imminent, alors que celui-ci (le phénomène) ne représente qu'une part infime (3% en Espagne par exemple) des flux migratoires qui ciblent l'Europe. Les interventions successives de Ali Bensaâd, de Philippe San Marco de l'ENS de Paris, de Mehdi Lahlou de l'université de Rabat (Maroc) ou de Federica Sossi de l'université de Milan (Italie) montrent effectivement que non seulement il n'y a qu'un faible taux de migrants transsahariens qui parvient à rallier l'Europe, mais que le gros des migrants est originaire d'Amérique latine, d'Europe de l'Est et de Chine. Pour quelles raisons les politiques d'immigration européennes, malgré leur échec (les migrants finissent toujours par passer entre les mailles du filet) et leur caractère subjectif, restent si répressives à l'égard des migrants africains ? Cela est dû, pour nombre des participants à ce colloque, à la faiblesse de la force de négociation du Maghreb et à l'incapacité de ses Etats à conjuguer leurs efforts et à proposer des alternatives. Ainsi que le fait remarquer Philippe San Marco dans son intervention intitulée «Migrations transsahariennes et ensemble eurafricain», cette situation résulte aussi du «refus de l'ensemble eurafricain de s'assumer». Un refus que pourrait schématiser assez bien le blocage qui affecte le processus de Barcelone dans son volet concernant la libre circulation des personnes.