En l'abscence d'une bourse algérienne (une bourse qui est en panne) et d'une mentalité des marchés financiers, les commentaires de certains Algériens évoquant la théorie du complot et l'Arabie Saoudite comme un bouc émissaire m'avaient beaucoup étonné, cette variante des faits remonte aux années 70. Je considère que cette chute a été surdramatisée par les médias et il ne s'agit que d'une correction et non pas d'un crash ni d'un commencement d'un crash et je tiens à vous l'expliquer. Quels sont les facteurs qui sont liés directement ou indirectement à cette chute ? 1- Facteur politique. Les acteurs du marché pétrolier américain anticipent une victoire des démocrates aux prochaines élections législatives de novembre. Ceci a eu un effet psychologique négatif sur le prix du baril sachant que le lobby pétrolier américain a été historiquement pro-républicain. Mais le lobby pétrolier américain d'aujourd'hui est très puissant et ne ressemble pas à celui des années 85-86, vous n'avez qu'à voir les capitalisations boursières des entreprises pétrolières américaines et internationales ainsi que leurs cash-flow pour comprendre le pouvoir d'argent que détiennent ces compagnies. Donc le lobby pétrolier possède les moyens nécessaires pour imposer sa loi sur les politiciens de la Maison-Blanche qu'ils soient démocrates ou républicains. 2 – Facteur fiscal. Pour des raisons fiscales les mega-fonds américains, les banques ainsi que les compagnies financières américaines procèdent à chaque fin d'année à une stratégie qui consiste à vendre des actifs financiers ou des matières premières rentables de l'année en cours et ce bénéfice on le soustrait de la perte des autres actifs financiers sur d'autres marchés de l'année en cours et le résultat obtenu sera fiscalement imposable. Presque tous les fonds, banques, entreprises financières qui ont investi dans le pétrole durant les années 2004, 2005, 2006 ont fait de grands profits. 3- Les déclarations de la Fed (la banque centrale américaine). Le président de la Fed avait insinué à la communauté financière internationale qu'il va observer une pause sur le relèvement des taux d'intérêt, ceci a réveillé chez les investisseurs le spectre de la stagnation et par conséquent une baisse de la croissance américaine et mondiale. Est-ce que la chute du brut est due à ces déclarations ? Personnellement je ne vous cache pas mon scepticisme à l'égard de l'interprétation de ces déclarations, je possède ma propre méthode basée sur plusieurs indicateurs pour détecter les symptômes d'un déclin de conjoncture et jusqu'à présent je n'ai rien vu . S'agit- il d'un bluff ? Les jours qui viennent nous apporteront la réponse. Quelles sont les raisons qui nous font croire que cette chute n'est qu'une correction ? 1- Les valeurs pétrolières. Malgré la chute de 26% du prix du baril, les actions des grandes entreprises pétrolières américaines et internationales ne semblent pas être affectées par cette chute ; pourtant la chute du prix du baril est liée à la baisse des bénéfices de ces entreprises. J'ai suivi le cours des valeurs pétrolières de 5 grandes compagnies (EXXON MOBILE, SHELL, BP, TOTAL, CHEVRON). Elles ont subi des pertes allant de 8 à 11% durant la période du 6/09 au 9/10, mais après cette date il y a eu un renversement de tendance et au 23 septembre, les cours de ces valeurs est presque le même que celui du 6 septembre. Qu'est-ce que cela veut dire ? Les grands investisseurs des valeurs pétrolières n'anticipent pas un crash pétrolier et cela est une preuve que cette chute n'est qu'une correction. 2 – La comparaison des contrats à terme de différentes échéances. Pour mieux connaître l'orientation du marché pétrolier et l'anticipation de ses intervenants il faut comparer les contrats à terme de différentes échéances (ceux de près et ceux de loin). Prenons le contrat à terme de décembre 2006 du west-texan et celui de décembre 2007. Déc 2006 : 60,25 $, mai 2007 : 66,85 $, déc 2007 : 68,15 $, déc 2012 : 64,85 $. La différence entre le contrat de décembre 2006 et celui de décembre 2007 est presque de 8 $. Ce grand spread (écart) explique que les investisseurs anticipent une hausse du prix en 2007. Donc en conclusion nous dirons que le sentiment du consensus est plutôt positif à moyen et long terme. 3 – La force relative. Nous allons voir le degré de la gravité de cette chute à travers les corrélations traditionnelles et s'il y a eu déformation. 1 – Corrélation cours des actions/cours du brut. Historiquement il y a toujours eu une corrélation négative entre le cours des actions et celui du cours du brut : quand le prix du pétrole chute, le prix des actions augmente, et vice-versa. Dans notre cas on voit bien que cette corrélation est respectée et non pas déformée. Du 17 août au 20 octobre, le prix du baril a chuté de 26% et le cours des bourses américaines et européennes a grimpé en moyenne de 12%. 2- Corrélation cours du brut/indice CRB. L'indice CRB est le plus grand indice des matières premières aux USA. Du 17 août au 20 octobre, le cours du brut a chuté de 26% et l'indice CRB a baissé de 15%. On constate ici que le cours du prix du baril a sousperformé l'indice CRB mais cela n'est pas grave ; en 2005 le prix du brut avait superformé l'indice CRB de 24%, c'est un retour à la normale et donc une fois de plus on voit bien que cette corrélation est respectée et pas déformée. 4 – Approche contrarienne. Comme je l'avais souligné dans l'article que j'avais écrit le 3 octobre j'ai toujours honoré cette approche. Nous allons voir à travers cette approche si la chute du prix va continuer ou pas. 1 – Première bonne nouvelle : l'un des indicateurs favoris des investisseurs contrariens se manifeste, il s'agit de l'hebdomadaire américain News Week. Cet hebdomadaire est passé maintenant pessimiste sur le prix du baril avec un article intitulé «The end of the oils boom». 2 – Deuxième bonne nouvelle : le Market Vane qui est un service de lettres de conseil regroupant 70 lettres pour les matières premières. L'on constate à travers ces lettres un pessimisme inondant les sentiments des experts : 82% sont pessimistes et recommandent à leurs clients de vendre les contrats à terme du brut. Conclusion : le pessimisme est très dominant et le marché est contrôlé par les vendeurs, mais dans quelques jours ou semaines il y aura plus de vendeurs et la force acheteuse s'emparera du marché et on aura une hausse. 5 – Approche technique. C'est l'usage de l'analyse technique bien que je n'ai pas des convictions très profondes pour cette approche, néanmoins celle-ci reste toujours à la mode chez la communauté financière internationale. Le cours du prix du baril a obéi cet été d'une manière aveugle à la configuration la plus classique de l'analyse technique appelée double tops ou double sommets. Le premier sommet à 79,15 $ fut atteint le 17 juillet (déclenchement de la guerre du Liban) et le deuxième à 79,55 $ fut atteint le 8 août, les résistances se situaient à 80 $ et le support ou le plancher était à 70 $. Après la date du 8 août le prix du baril commença la dégringolade, le support fut pénétré et cassé le 3 septembre pendant, cette période (du 8 août au 3 septembre) c'était surtout les investisseurs qui prenaient leurs bénéfices (prise de bénéfice) mais sur le plancher des 70 $ apparaissait les spéculateurs baissiers (les vendeurs à terme, les vendeurs à découvert, les tenants des options put). Ces spéculateurs étaient des chevronnés de la spéculation, ils avaient placé des stop loss au niveau de 73,5 $ pour pallier le risque des feed-back (des rebonds techniques pouvant parfois renverser la tendance). Or qu'est-ce qui s'est passé ? Est-ce que les feed-back ne ce sont pas apparus au grand bonheur des baissiers (chose qui n'arrive pas souvent avec une probabilité de 25% seulement). C'est alors que la voie était devenue libre sans barrière pour une chute verticale vers de nouveaux supports à 61,35 $. Et même ce plancher fut cassé mais la chute commença à perdre de son intensité. Si on va se référer corps et âme à l'analyse technique celle-ci nous révèle que le creux de cette chute nous sera signalé dans un intervalle de temps de 3 mois à partir de la cassure du premier support, c'est-à-dire du 3 septembre au plus tard 3 décembre. Et après ce creux ce serait une montée vers le haut. Conclusion : la chute du cours du brut a été plutôt précipitée et accélérée par les spéculateurs baissiers (les opportunistes) qu'à une prise de bénéfice classique de la part des investisseurs intelligents. L'auteur est : Analyste boursier