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Littérature-Le parfum d'Alger
Publié dans El Watan le 14 - 12 - 2006

A 30 ans, Alger ne lui a pas seulement ouvert des horizons nouveaux, jusque-là invisibles, elle l'a aidé, au contact de l'adversité, à se révéler aux autres autant qu'à lui-même. Il suffit de lire son œuvre complète et de connaître sa vie pour savoir comment elle a été le creuset où s'est forgé son destin de toujours. C'est dans cette cité bigarrée et traversée par toutes les contradictions de son époque, qu'il apprit à revoir ses assurances, en dehors des idéologies dominantes et des raccourcis religieux simplistes. Dans Les Bagnes d'Alger, il rend un vibrant hommage à cette tolérance dont les Ottomans font preuve à l'égard des captifs : «Ils nous laissent, comme tu vois, garder notre religion et dire notre messe, ils nous laissent la liberté.» Cervantès se rappellera cette tolérance le jour où l'Espagne de Philippe III décrétera avec une haine rageuse l'expulsion massive et définitive des Morisques. Brusqué dans son regard neuf et tolérant, il fut contraint de s'expliquer devant le rapport accablant, dressé contre lui, par le commissaire de l'Inquisition, Blanco de Paz, qui, dès le 10 octobre 1580, fait procéder à l'enquête à laquelle nous devons le plus clair des informations relatives à la captivité de l'écrivain.
Si la trace d'Alger est très visible dans certains chapitres de Don Quichotte et quelques-unes de ses nouvelles (Nouvelles exemplaires), elle est présente davantage dans son œuvre théâtrale. Les cinq années passées à Alger ont été décisives pour son parcours littéraire. Pourtant, rares sont ceux qui savent que Cervantès avait failli suivre son maître à Constantinople, n'était l'intervention in extremis d'un émissaire trinitaire. On peut facilement imaginer le désarroi puis le bonheur de Cervantès. Le 29 mai 1580, Fray Juan Gil arrive à Alger. Il découvre une ville qui se remet à peine d'une famine qui a tué plus de 5000 personnes. Dès son arrivée, le religieux entame les premières négociations avec Hassan Pacha. Les discussions piétinent, mais Fray Juan Gil parvient à racheter une centaine de captifs. Hassan dont le mandat arrive à sa fin lui propose l'achat de Cervantès à 500 écus. Le trinitaire décide de le racheter mais il était sous la pression du temps limité de la transaction. Le 19 septembre, alors que le pacha se prépare à mettre les voiles et que ses esclaves sont déjà enchaînés aux bans de sa galère, Fray Juan Gil arrache Cervantès des dents d'un exil sans lendemain à Constantinople qui aurait fait sans nul doute de Cervantès un autre homme.
Toute son œuvre est traversée par cet épisode dur et fertile. La vie à Alger et Numance, retrouvées aux XVIIIe siècle dans la poussière des bibliothèques, le mettront sur le devant de la scène littéraire. Dans les différents tableaux de la pièce La Vie à Alger, Cervantès évoque les souvenirs douloureux de sa captivité par personnages interposés. Malgré ses faiblesses au plan artistique, ce texte mérite plus d'intérêt. Cervantès a osé projeter sur scène, en la situant dans un présent immédiat, une expérience autobiographique inestimable, pleine d'enseignements. Les allusions à l'actualité, l'annonce du débarquement des rédempteurs, l'intervention d'un captif du nom de Saavedra, véritable masque de l'auteur, l'apparition finale de Hassan Pacha, sont autant d'indices de cette projection. La théâtralité de La Vie à Alger est indiscutable. Faut-il d'abord sentir dans la discontinuité du texte, une façon de voir de l'écrivain face à la déchirure d'une vie vécue dans la douleur de l'incertitude ? Au drame d'Aurelio, répond le désarroi de ses compagnons.
A la détresse de Silvia, arrachée à sa famille par des pirates sans scrupule, fait écho le désespoir d'une famille seule face à un destin non pensé. Le message de La Vie à Alger s'avère plus subtil qu'il n'y paraissait de prime abord. Une vraie leçon de modestie face à l'imprévisible. D'ailleurs, même dans Numance, Cervantès demeure le même. Une force silencieuse dont le regard coloré ne rate rien des leçons de la vie. On connaît le thème de cette pièce : le suicide collectif des habitants d'une cité, Celtibère, encerclée par la légion de Scipion et qui choisissent de se sacrifier plutôt que de se soumettre. Cet événement survenu au XIIe siècle av J.-C., Cervantès ne l'a pas seulement restitué, il a su l'enrichir. Comme La Vie à Alger, c'est toute une cité qui est renvoyée à son destin. A mesure que la ville marche vers sa fatalité, les habitants sont confrontés à l'encerclement, à la famine et à la mort. Ils constituent les bas-reliefs de la grande fresque d'horreur de Numance. Le sacrifice collectif de la cité et le souffle épique de la pièce conservent une portée universelle. Référés ou non à notre propre situation historique, ils continuent de nous toucher directement comme une apologie de la résistance à l'oppresseur.
Rafael Alberti ira plus loin encore. Son adaptation de la tragédie, donnée en plein siège de Madrid en 1936, identifiera explicitement les assiégeants romains aux troupes franquistes. Le théâtre algérien, mis à part une adaptation assez hâtive de Abdelkader Alloula, n'a pas jugé jusque-là utile d'aller en profondeur dans ce legs universel, né des entrailles de la terre algérienne.
Est-il trop demandé, aujourd'hui, de faire de Cervantès un citoyen algérois, lui dont l'écriture et la mémoire sont traversées en filigrane par ce parfum incommensurable d'Alger ?


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