Des photos des exactions de soldats britanniques en Irak, publiées hier en une par le quotidien arabophone Djazaïr News, ont soulevé un tollé de désapprobation parmi ses lecteurs. « Nous avons reçu de nombreux appels de lecteurs qui nous ont insultés et aussi pour nous annoncer des résiliations d'abonnement », nous affirme Yacine Chali, coordinateur général du quotidien. Certains buralistes ont également refusé de mettre le journal sur leur étalage par pudeur. Pourtant, ces mêmes photos ont été diffusées par des chaînes de télévision du monde entier, y compris les chaînes arabes particulièrement captées par les Algériens. Idem pour les tabloïds britanniques et autres journaux européens qui, par volonté de dénonciation, n'ont pas hésité à publier ces photos qui « déshonorent l'armée britannique », avec des titres tels que « Camp bestial », « Une honte pour la Grande-Bretagne », « Barbares, brutaux Britanniques ». Elles sont également disponibles sur Internet où de nombreux forums ont été consacrés à cette question. Mais ce qui semble choquer les lecteurs algériens, c'est le fait que c'est un journal arabophone qui « ose » publier ces clichés. Alors que des professionnels des médias ont, justement, applaudi cette volonté et ce courage de casser des tabous et de montrer la vérité telle qu'elle est : inhumaine. Pour les responsables de Djazaïr News comme pour ses journalistes, l'objectif n'était pas de faire sensation, mais de « montrer la vérité », nous déclare M. Chali, qui continue : « Nous avons choisi les photos les plus dégradantes parce que la vérité est crue. » Hypocrisie ou fausse pudeur ? Pourtant, le débat est ailleurs : ces photographies sont « choquantes et épouvantables » (propos du Premier ministre britannique Tony Blair) certes, mais il s'agit là de dénoncer des actes de torture, des exactions, un déni total des droits de l'homme imputables à l'armée de Sa Majesté. Et pour montrer le degré de gravité des agissements de certains soldats britanniques ou américains, il fallait des photos parlantes. Et elles le sont. Dans l'éditorial du quotidien, Hmida Layachi, directeur de la publication, s'excuse auprès de ses lecteurs et explique qu'il n'y a aucune hésitation à dénoncer : « La vérité est au-dessus de toute considération et au-dessus du pouvoir d'autosurveillance, même si cette vérité est dans un dénuement total. » Pour rappel, 22 photographies ont été soumises à la cour martiale de la caserne britannique d'Osnabrück, au nord de l'Allemagne. Elles concernent le comportement de soldats britanniques, exactions similaires à celles commises par des GI's sur des détenus irakiens de la prison d'Abou Ghoreïb. La semaine dernière, ces photos avaient fait le tour des JT et les unes de journaux du monde entier.