Chaque jour apporte des révélations nouvelles sur un scandale qui ne cesse de choquer éclipsant du coup une situation de plus en plus dramatique. Alors que la confrontation chiites radicaux-forces de la coalition gagne le sud ou des meurtriers combats ont opposé hier à Al Qorna, banlieue de Bassorah, des miliciens de l'Armée du Mehdi de Moqtada Sadr à des troupes britanniques, les développements de l'affaire du scandale des sévices contre des prisonniers irakiens continuent d'apporter son lot de révélations, comme celles faites par le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfed, devant le Congrès américain. En fait, ces révélations disent combien le monde est encore loin d'imaginer les horreurs commises par les soldats américains, notamment sur leurs prisonniers irakiens. Ainsi, selon M.Rumsfeld «beaucoup d'au-tres photos et vidéos qui existent (sur les sévices infligés aux détenus irakiens) ne sont pas belles à voir». Renchérissant, le sénateur républicain, Lindsay Graham, ne mâche pas ses mots et affirme : «Nous ne parlons pas seulement des gens ayant subi des humiliations. Nous parlons de viols, de meurtres et de quelques accusations très importantes». Le ministre américain de la Défense qui a reconnu que les choses sont encore plus graves que ce que le monde pouvait croire, s'est toutefois gardé de tirer les conclusions qui s'imposent en assumant ces forfaits et en offrant sa démission comme l'y incitent d'ailleurs des voix de plus en plus nombreuses aux Etats-Unis. En fait, cette affaire a totalement déstabilisé l'administration Bush assommée par ce qui lui arrive en Irak, alors qu'elle était partie pour apporter aux Irakiens liberté et culture démocratique. D'ailleurs, dans une déclaration faite hier, le président Bush a indiqué : «Notre pays a envoyé des soldats en Irak pour libérer ce pays, remettre la souveraineté entre les mains des Irakiens et rendre l'Amérique et le monde plus sûrs», affirmant : «De toute évidence, notre réputation a été sévèrement atteinte par les actes terribles et horribles qui ont été commis sur des prisonniers irakiens. Je dois vous dire aujourd'hui combien je suis désolé pour les humiliations qu'ils ont subies ainsi que leurs familles.» Le drame est que ces humiliations et d'autres choses pires encore ont été commises au nom des puissants Etats-Unis. Par ailleurs, en admettant n'avoir pris connaissance de la chose qu'en regardant la télévision, le président Bush avoue, indirectement, que son administration ne contrôle pas ce qui se passe réellement en Irak, donnant l'impression de donner carte blanche aux forces armées pour mater le peuple irakien. Une femme officier de la police militaire américaine impliquée dans cette affaire a déclaré à la presse américaine qu'elle avait reçu des ordres lui intimant de «casser le moral» des prisonniers pour qu'ils parlent. Une aubaine que son concurrent démocrate à la présidentielle, John Kerry, n'a pas laissé échappée, en déclarant à la presse : «L'Amérique n'a pas seulement besoin d'un nouveau secrétaire à la Défense. Nous avons besoin d'un nouveau président.» Au moment où, sur le terrain, la situation se détériore de plus en plus, les combats étant quasi quotidiens et impliquant plusieurs provinces irakiennes, les choses ont tendance à devenir quelque peu difficiles pour l'administration Bush qui ne s'attendait sans doute pas à cette avalanche de scandales qui remettent en cause le bien-fondé de la prise en charge par Washington du problème irakien. En fait, depuis la chute de Bagdad, la brutalité des forces d'occupation, notamment américaines, a fini par leur attirer l'animosité de la population irakienne, laquelle si elle n'a pas accueilli à bras ouverts les occupants, attendait en revanche une autre conduite que celle qu'elle a subie sous la dictature du Baas. Or, les démolitions de domiciles des personnes soupçonnées d'appartenir au Baas, (comme le font les Israéliens dans les territoires occupés), les fouilles ne respectant ni la culture ni les traditions locales, avaient déjà largement désabusé les Irakiens, les confortant dans leur résistance à l'occupation. A Falloujah, où toute la population de la ville a résisté aux marines aux côtés de la guérilla que le commandement militaire américain appelait les «rebelles», a donné un large aperçu de l'exaspération d'une population sortie des exactions du régime baassiste pour tomber sous celles des soldats de l'Oncle Sam. Aujourd'hui en fait, la question reste de savoir pourquoi les Américains sont venus en Irak. Le président américain y a-t-il répondu lorsqu'il affirme au quotidien cairote Al-Ahram : «Je pense que la situation au Moyen-Orient est difficile pour les Etats-Unis actuellement. Je pense qu'elle est difficile car les gens ne comprennent pas nos intentions. Je pense qu'elle est difficile car certaines personnes prêtent de mauvais sentiments et de mauvaises intentions aux Américains et à leur gouvernement». Pourtant les parti pris américains pour Israël dans le dossier israélo-palestinien, la manière sanglante avec laquelle les Etats-Unis veulent pacifier l'Irak, ne laissent pas de s'interroger sur les intentions véritables de Washington dans cette région.