Le soutien appuyé du président américain Barack Obama à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne pourrait donner un coup de pouce aux négociations euro-turques qui piétinent, et ce en dépit de l'opposition de certains Européens, selon des analystes. M. Obama a tenu à boucler sa tournée par une visite, lundi et mardi, en Turquie, le plus grand pays musulman de l'OTAN et un de ses membres clés. « Laissez-moi être clair : les Etats-Unis soutiennent fermement la candidature de la Turquie à l'UE », a-t-il lancé lundi devant le Parlement turc. A Prague, où il rencontrait dimanche les dirigeants de l'UE, il avait déjà défendu l'adhésion de la Turquie, une perspective à laquelle s'était sèchement opposé le président français Nicolas Sarkozy, qui tient avec l'Allemagne la tête des Etats refusant cette éventualité. Hier, c'est le chef de la diplomatie française qui s'est élevé contre l'intervention américaine. « Ce n'est pas aux Américains de décider qui entre en Europe ou pas », a déclaré Bernard Kouchner sur les ondes d'une radio. « C'est vrai que les Etats-Unis ne sont pas membres de l'UE, donc ce n'est pas à nous de prendre une décision, mais cela ne m'empêche pas d'avoir une opinion », a rétorqué M. Obama à Istanbul hier, peu avant de quitter la Turquie. « Un président américain ne peut plaider plus fortement pour l'entrée de la Turquie à l'Union », s'est félicité un diplomate turc, sous couvert d'anonymat. « Obama comprend qu'une Turquie dans l'UE sera beaucoup plus forte dans sa région, où les Etats-Unis ont des intérêts stratégiques », a-t-il estimé. Ce n'est pas la première fois qu'un président américain se prononce pour l'entrée de la Turquie dans l'UE. « Mais à un moment où l'UE est réticente à s'élargir, le vent Obama pourrait donner un élan aux liens Turquie-UE, car Obama souhaite vraiment ancrer la Turquie en Europe pour ne pas la voir dériver vers l'Est », déclare Sedat Laçiner, de l'institut USAK. Cet analyste pense que le président français et la chancelière allemande, Angela Merkel, disent « non » aux Turcs pour la seule raison qu'ils sont musulmans. « Est-ce que la Bulgarie ou la Roumanie ont une démocratie plus forte que la Turquie ? Non ! », déclare ce chercheur. Soli Özel, journaliste et commentateur politique, relève dans le quotidien Haber Turk qu'« une fois que la Turquie aura accompli tout ce que l'on attend d'elle, Sarkozy et Merkel n'occuperont peut-être plus leur poste. ». « Ils sont passagers, mais le partenariat franco-germano-turc est durable », ajoute-t-il. D'autres ont vu dans la plaidoirie d'Obama un geste contre-productif. « Si la Turquie tentait vraiment de se rapprocher de l'UE, cela aurait été productif », estime le spécialiste de l'UE Cengiz Aktar, rappelant que les négociations d'adhésion euro-turques, lancées en 2005, n'avancent que lentement en raison de la réticence du gouvernement islamo-conservateur turc à avancer sur de nouvelles réformes. « Obama, dans son discours, a appuyé la candidature turque tout en lui demandant d'élargir les droits des minorités religieuses ou kurdes », a-t-il souligné. Mais, dit-il, si Ankara surestime son identité musulmane comme elle l'a fait « en mettant essentiellement en avant l'affaire des caricatures de Mahomet » pour s'opposer à la nomination du Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen à la tête de l'OTAN, « cela ne marchera pas », prévient M. Aktar. M. Kouchner a indiqué avoir été « choqué », lors du sommet de l'OTAN, samedi à Strasbourg (France), par l'attitude d'Ankara, déclarant que désormais il n'était plus en faveur de l'entrée de la Turquie dans l'UE. Ankara s'est opposé pendant des heures à Strasbourg au choix de M. Rasmussen, avant de céder à des pressions américaines en échange de diverses garanties.