Hier s'est ouvert au tribunal d'El Hadjar, le procès de Grant Smithy Works (GSW), une entreprise indienne qui approvisionnait le complexe ArcelorMittal El Hadjar en ferraille massive. Absent de l'audience en tant que témoin à charge, A. Belabbas, le comptable de GSW, a été à l'origine de l'ajournement du procès pour le 14 du mois en cours. Même la demande de liberté provisoire introduite par l'impressionnant collectif d'avocats de la défense a été refusée. Placés en détention préventive, Agarawla Satyam, le P-DG de GSW, et Parakaash Jaia, son superviseur, ont été accusés à travers les différentes étapes de l'enquête déclenchée par le Centre territorial de recherches et d'investigations (CTRI) et la justice de faux et usage de faux, falsification de documents officiels ainsi que de bénéfice d'indus avantages. Selon Smaïl Kouadria, le secrétaire général du syndicat d'ArcelorMittal et auteur de la dénonciation, GSW s'est adonné, outre au pesage fictif de la ferraille, à l'évasion fiscale. Un autre trafic que la justice n'a pas inclus dans le dossier qu'elle traite actuellement. Pour étayer ses graves accusations, le syndicaliste déclarera : « Les Indiens indélicats n'ont pas hésité à tromper le Trésor public par de fausses déclarations. Que ce soit la taxe sur l'activité professionnelle (TAP), l'impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS) ou encore l'impôt sur le revenu global (IRG), l'entreprise GSW a osé et abusé. En effet, en termes respectivement de TVA, TAP et IBS/IRG réunis, ce sont 42 670 559 DA, 29 375 116 DA et 148 224 706 DA qui sont passés sous le nez du fisc. » Résultat du contrôle relatif aux exercices 2005 et 2006, les 25 milliards ne représentent que la partie émergeante de l'iceberg. Le lendemain, un autre scandale plus grave a secoué le secteur du transport dans le complexe. Il s'agit de EFES, une Sarl turque de droit algérien. Bien introduite, elle jouit d'un traitement de faveur. Dénoncée par les transporteurs algériens sous-traitants à ArcelorMittal El Hadjar, EFES n'a pas été inquiétée outre mesure. Même Bernard Bousquet, le P-DG du complexe, avait été saisi dès son installation par les neuf entreprises de transport, quant au favoritisme appliqué par le service des marchés. Grave situation, d'autant plus que cette entreprise turque n'a rien apporté en matière d'investissements, sinon quelques camions dont disposent largement plusieurs jeunes adoptés par les différents dispositifs d'aide à l'emploi. Soutenus par le syndicat de l'entreprise, les transporteurs locaux ont dénoncé ouvertement les dispositions du contrat qui lie ArcelorMittal à la Sarl EFES. « Depuis ISPAT, aucun opérateur algérien n'a pu bénéficier d'un contrat de chargement et de transport d'une durée de plus de 3 mois. La Sarl EFES, quant à elle, a bénéficié, dès son installation en 2007, de contrats renouvelables d'une durée de 24 mois », ajoutent les transporteurs d'ArcelorMittal. Les luttes intestines ont causé beaucoup de victimes Ce favoritisme caractérisé ne s'arrête pas là. Il est, selon eux, nourri par d'autres pratiques aussi douteuses qu'inéquitables, telles que les avantages accordés en matière de pesage où EFES a eu l'exclusivité avant tous les autres opérateurs nationaux. D'après la même source, la situation est « de même lorsqu'il s'agit du paiement. Les Turcs bénéficient périodiquement d'avances sans facturation au moment où la régularisation intervient à terme ». Son contrat décroché en 2007, la société EFES l'avait signé de gré à gré et l'enveloppe s'élevait à plus de 35 milliards. Mieux encore, les dispositions de ce contrat ont été taillées sur mesure pour faire profiter EFES au maximum. Les transporteurs d'ArcelorMittal ne sont pas les seules victimes de la lutte intestine que se livrent les animateurs du marché juteux de la récupération des métaux. L'entreprise algéro-turque du fer (ATF), spécialisée dans l'exportation de métaux ferreux et non ferreux, dont les affaires sont étroitement liées avec le complexe ArcelorMittal, a fait également des victimes. Ils sont 357 employés qui ont intenté une action judiciaire au tribunal d'El Hadjar. Ils ont déposé plainte contre Messalha Saïd Youssef, le P-DG d'ATF, pour non-paiement de 6 mois de salaires. Livrés à eux-mêmes, ils ont été pris en charge par le procureur général de Annaba. « Je l'ai leur proposé une assistance judiciaire, mais ils ont préféré se prendre en charge. Je les ai alors orientés vers le tribunal compétent d'El Hadjar pour accomplir leur action judiciaire », nous expliquera le procureur général près la cour de Annaba. D'origine palestinienne et de nationalité israélo-française, Messalha Saïd Youssef est l'acteur d'une histoire peu ordinaire. Cet industriel avait été interpellé, entendu et placé sous mandat de dépôt le 8 juin 2006 suite à une plainte déposée par la direction des impôts pour fraude fiscale d'un montant global de 1 601 045 106,70 DA, dont une pénalité de retard calculée à 225%. Parallèlement à la fraude fiscale et au faux et usage de faux retenus à son encontre, d'autres faits étaient également cités dans son affaire. Il est accusé de blanchiment d'argent, fausse déclaration, escroquerie et même espionnage assorti d'atteinte à la sécurité intérieure et extérieure du pays. En mai 2007, Messalha avait été blanchi par la justice algérienne. Depuis, le businessman s'était acquitté de près de 30 milliards de centimes vis-à-vis du fisc, avant de prendre la poudre d'escampette. A vrai dire, il n'y aurait jamais eu d'abus des biens de l'Etat, n'était la complicité des cadres algériens qui continuent à brasser large dans les affaires. Parmi eux, Bara Djamel, le directeur de Fersid, une unité d'ArcelorMittal citée nommément dans l'instruction de l'affaire GSW. En outre, le n°2 du complexe est accusé, quant à lui, de népotisme qui, pour prendre de la distance de ces dossiers, s'est fait muter à Alger. Tout autant que sa sœur recrutée à Fersid et mutée vers l'unité Coprosid pour étouffer un scandale caractérisé par le trafic de faux bons de livraison de ferrailles vers les aciéries d'ArcelorMittal. Ce qui a donné lieu à plusieurs audits lancés à l'encontre de toutes les entreprises étrangères, qui sous-traitent avec ArcelorMittal Annaba. Contacté pour plus de détails sur toutes ces affaires douteuses, Bernard Bousquet n'a pas, comme d'habitude, daigné nous répondre. Selon des indiscrétions, ce responsable aurait été instruit par sa hiérarchie de ne pas se prononcer sur les scandales qui secouent actuellement le complexe.