I- LES DISPOSITIONS LEGISLATIVES CONCERNANT LA RéMUNERATION DES ADMINISTRATEURS La rémunération des administrateurs demeure de la compétence de l'assemblée des actionnaires des sociétés. Elle est prévue expressément par la loi et les résolutions, voire les conventions relatives à la rémunération des administrateurs qui doivent respecter les dispositions des articles 628 à 630 du code de commerce. Nous examinerons successivement : – le fondement légal de la rémunération des membres du conseil d'administration (I.1) – les sanctions liées à la violation des dispositions de la loi (I.2) I.1- Le fondement légal de la rémunération des membres du conseil d'administration En rémunération de leur activité au sein du sein du conseil d'administration, les administrateurs ne peuvent percevoir qu'une somme fixe dite «jetons de présence». En effet, l'article 632 du code de commerce dispose expressément : «L'assemblée générale alloue au conseil d'administration, en rémunération des activités de ses membres, une somme fixe annuelle à titre de jetons de présence. Le montant de celle-ci est porté aux charges d'exploitation. Des tantièmes sont alloués au conseil d'administration dans les conditions prévues aux articles 727 et 728… Le conseil d'administration détermine les modalités de répartition, entre ses membres, des sommes globales représentant les jetons de présence et les tantièmes.» Il demeure entendu que cette rémunération ne saurait être confondue avec les sommes qui peuvent être allouées, en outre, à tel ou tel administrateur au titre d'une activité particulière, à savoir notamment : – le cumul des fonctions d'administrateur avec un contrat de travail sur le fondement des articles 615 et 616 du code de commerce – les rémunérations exceptionnelles (art. 633, c. com) pour des missions ou mandats particuliers conclus dans le respect des dispositions des articles 628, 629 et 630 du code de commerce – le remboursement des frais (art. 634, c. com) Nous observons que les jetons de présence sont indépendants des résultats d'exploitation et qu'ils peuvent être attribués par l'assemblée des actionnaires, même en l'absence de bénéfice. En outre, les jetons de présence doivent concerner une somme fixe et annuelle (art. 632, c. com). Ils sont en conséquence déterminés, soit pour l'exercice clos, soit pour l'exercice en cours sur le fondement de la et/ou des résolutions de l'assemblée des actionnaires. Dans tous les cas, l'organe compétent (I.1.1) et les droits des administrateurs (I.1.2), en matière de rémunération, demeurent les suivants : I.1.1- Organe compétent Seule l'assemblée générale des actionnaires demeure compétente pour déterminer le montant des jetons de présence du conseil d'administration. Dans le cas d'espèce, elle dispose d'une liberté totale non seulement pour ce qui concerne l'opportunité de cette rémunération, mais aussi la détermination exacte du montant desdits jetons. I.1.2- Droit des administrateurs Le droit des administrateurs à percevoir leurs jetons de présence résulte de la résolution de répartition qui doit être approuvée par le conseil. Dès lors que la résolution de répartition des jetons de présence a été approuvée, les administrateurs deviennent légalement créanciers de la somme allouée. I.1.3- Droit de contrôle Dans le cadre de leur mandat, chaque administrateur demeure fondé pour exiger de la direction de la société toutes les preuves et informations (financières, juridiques, administratives, techniques…), afin de lui permettre de motiver toutes ses décisions, voire d'analyser toutes les conditions dans lesquelles sont pilotées les affaires de la société. C'est notamment dans le cadre de leurs pouvoirs de contrôle que les administrateurs et le et/ou les commissaires aux comptes pourront démontrer à la direction de la société qu'elle a raison d'avoir tort. Encore faudrait-il qu'ils puissent exercer leurs fonctions, dans des conditions réelles et sérieuses, et qu'ils ne soient pas en «cheville» avec ladite direction, comme cela pourrait être constaté au sein d'une réalité qui demeure encore tourmentée. Nous observons que l'article 628 du code de commerce dispose : «Toute convention entre une société et l'un de ses administrateurs soit directement, soit indirectement, doit à peine de nullité être soumise à l'autorisation préalable du conseil d'administration, après rapport du commissaire aux comptes. Le ou les administrateurs ne peuvent prendre part au vote et leurs actions ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.» Nous rappelons l'article, précité, parce qu'il serait souhaitable de savoir si dans le cadre de toutes les conventions signées la procédure applicable est réellement respectée. Dans tous les cas, le président du conseil d'administration doit informer le et/ou les commissaire(s) aux comptes de la et/ou des convention(s) autorisée(s). Il demeure entendu que le rapport du et/ou des commissaire(s) aux comptes devra comprendre notamment : – l'énumération des conventions soumises à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires – l'identité des administrateurs intéressés – l'objet, l'étendue des prestations de services et responsabilités – le montant des prestations – les modalités de paiement – le délai d'exécution… I.2- Les sanctions liées à la violation de la loi Légalement, les administrateurs ne peuvent percevoir de la société aucune rémunération permanente ou non, en dehors de celle prévue aux articles précités (jetons de présence, rémunération exceptionnelle) et celle attribuée notamment à certains administrateurs, en contrepartie d'un travail salarié (art. 615-616, c. com). Il demeure entendu que toute décision qui accorderait à un administrateur une rémunération ne rentrant pas dans l'une des catégories prévues expressément par la loi serait nulle sur le fondement de l'article 631 du code commerce et l'administrateur devrait restituer les sommes qu'il a perçues. Comme nous avons appris que la détermination de la rémunération de certains membres de comités d'audit ne répondait pas aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, nous présentons, ci-dessous, l'analyse de la situation. II- ANALYSE DE LA SITUATION Nous rappellerons brièvement les faits (II.1) ainsi que les questions soulevées dans le cadre du contrôle de la régularité (II.2) et les problèmes demeurés en l'état (II.3). II.1- Le rappel des faits Dans le cadre de la gouvernance des sociétés, des assemblées générales d'actionnaires ont recommandé à des conseils d'administration de créer des comités d'audit. Sur le fondement des recommandations des assemblées, des conseils d'administration ont adopté des résolutions dont les premières concernent la composition des comités d'audit et les secondes l'allocation d'une «… rémunération, par séance, aux membres du comité» (4). Sur le fondement desdites résolutions des conseils d'administration et des séances desdits comités (5), il a été demandé à l'administration le paiement de la rémunération des membres des comités. Cette demande est-elle fondée ? A notre humble avis, cette demande n'est pas fondée, aux motifs qu'elle ne répond pas aux dispositions impératives de la loi. II.2- Les questions posées dans le cadre du contrôle de la régularité de la procédure Trois questions peuvent se poser dans le cadre du contrôle de la régularité de la procédure. Première question : Sur quel fondement légal des conseils d'administration peuvent-ils allouer une rémunération aux membres des comités, dès lors que la création de comités entre dans le cadre normal des fonctions des administrateurs dont les assemblées générales des actionnaires ont déjà fixé la rémunération ? Dans l'étude concernant le comité d'audit des sociétés cotées, Christian Prat conclut que le comité d'audit ne peut être défini que «comme un simple corps consultatif émanant du conseil d'administration» (p. 20 de l'étude précitée). Dans tous les cas, le conseil d'administration statue sur l'autorisation sollicitée par l'administrateur intéressé et ce dernier ne doit pas prendre part au vote. Légalement, il devra être fait abstraction de l'administrateur pour le calcul du quorum et de la majorité. Nous observons que l'autorisation du conseil d'administration ne vaut que pour la convention soumise. En outre, une autorisation générale et pour une durée indéfinie pourrait être assimilée à une absence d'autorisation (Paris, 23 novembre 1955, GP 1956 1.40) Deuxième question : L'administration est-elle fondée à procéder au paiement de la rémunération des membres des comités, dès lors que les l'article 631 du code de commerce ne prévoit aucune autre «rémunération permanente ou non, autre que celle visée aux articles 632, 633, 634 et 639…» ? Troisième question : Quelle est la portée de la résolution des conseils d'administration relative à la rémunération des membres des comités, dès lors que notamment l'objet, les missions, les obligations et responsabilités des membres ainsi que le nombre exact des séances desdits membres ne sont pas déterminées expressément dans la convention ? Dans certaines situations, nous nous trouvons devant des «conventions de rémunération» (??) et des cas d'indétermination des rémunérations des membres desdits comités. Or, notre droit positif exige des organes de contrôle de la régularité de l'ordonnancement et du paiement de la rémunération à ce que les rémunérations soient déterminées ou déterminables. II.3- Les problèmes en l'état Les problèmes qui demeurent en l'état concernent : – les pouvoirs du conseil d'administration dans le cadre de la création et de la rémunération des membres des comités (II.3.1) – les pouvoirs des assemblées des actionnaires (II.3.2) – les obligations de l'administration (II.3.3) II.3.1- Les pouvoirs du conseil d'administration dans le cadre de la création et la rémunération des comités Les conseils d'administration peuvent légalement dans le cadre de leurs pouvoirs (art. 622, c. com) créer en leur sein des comités afin de pouvoir être assistés dans toutes leurs missions et prendre des décisions motivées dans le cadre d'une meilleure gouvernance des sociétés. Ces comités peuvent être : – des comités d'audit qui dans le cadre de la 8e directive de l'Union européenne deviendront obligatoire pour toutes les sociétés (6) – des comités des rémunérations afin de pouvoir évaluer et recommander le montant et les modalités de la rémunération des mandataires sociaux – des comités de gouvernance de la société afin d'assister le conseil d'administration dans le développement des principes de gouvernances via la mise en œuvre l'application des codes éthiques et de bonne conduite – des comités des nominations… Des conseils d'administration ont créé des comités afin de les assister, mais en l'état actuel de notre législation, aucun des membres ne peut légalement prétendre à une rémunération permanente ou non, au motif que les dispositions législatives en vigueur dans notre pays ne prévoient aucune autre rémunération que celle précitée. Si les sociétés devaient rémunérer tous les membres des comités créées par les conseils d'administration afin de les assister dans leurs missions, lesdites rémunérations pourraient être assimilées à des abus de biens sociaux. II.3.1.1- Pouvoirs propres du conseil d'administration Le conseil d'administration demeure investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans les seules limites de l'objet social et des pouvoirs expressément attribués par la loi aux assemblées d'actionnaires (art. 622, c. com). Dans le cadre de ses attributions, le conseil d'administration peut et/ou doit : – convoquer des assemblées générales – procéder à l'établissement des comptes sociaux et du rapport annuel de gestion – autoriser les conventions passées entre la société et l'un de ses administrateurs – coopter des administrateurs – nommer et révoquer le président du conseil d'administration – répartir les jetons de présence. Il demeure entendu que toutes les résolutions du conseil d'administration sont prises à la majorité des membres présents (art. 626, c. com), à moins que les statuts de la société ne prévoient une majorité plus élevée. Dans tous les cas, les administrateurs ne sauraient légalement être représentés au conseil d'administration. Si par suite du nombre des administrateurs intéressés à la et/ou les conventions passée(s), le conseil d'administration ne peut pas statuer, le commissaire aux comptes devra faire état de la situation dans son rapport à l'assemblée générale ordinaire des actionnaires. II.3.2- Pouvoirs de l'assemblée des actionnaires Les pouvoirs propres de l'assemblée des actionnaires concernent essentiellement : – la modification des statuts – l'approbation des comptes – la nomination ou la révocation des administrateurs et la fixation de leur rémunération – la nomination des commissaires aux comptes – l'approbation des conventions conclues entre la société et l'un de ses administrateurs. Dans ce dernier cas, nous pouvons nous trouver devant l'une des deux situations : a- Première situation : l'assemblée générale approuve la convention : Dès lors que l'assemblée générale ordinaire des actionnaires approuve la et/ou les convention(s), celle(s)-ci produira(ont) ses effets à l'égard des tiers, sauf si elle(s) est et/ou sont annulée(s) pour fraude. Les conséquences dommageables qui résulteraient de cette et/ou de ces convention(s) ne sauraient légalement être mise(s) à la charge du et/ou des administrateur(s) intéressé(s) ou des autres membres du conseil d'administration. b) Deuxième situation : l'assemblée générale désapprouve la convention : Si l'assemblée générale ordinaire des actionnaires désapprouve la et/ou les convention(s), celle(s)-ci produira(ont) quand même ses effets à l'égard des tiers, sauf si elle est et/ou sont annulée(s) pour fraude. Nous observons que même en l'absence de fraude, les conséquences préjudiciables peuvent être mises à la charge du et/ou des administrateurs intéressé(s), voire des autres membres du conseil d'administration. II.3.3- Les obligations de l'administration de la société L'administration de la société n'est pas fondée à remettre en question une résolution du conseil d'administration, mais le contrôle de régularité de la procédure l'oblige à se demander si toutes les dispositions législatives en vigueur ont été respectées dans le cadre de la création de comités, dès lors que la création desdits comités entre dans le cadre normal des fonctions des administrateurs. CONCLUSION Il résulte des constatations et observations ci-dessus que dans le cadre de la hiérarchie des normes et des compétences, dès lors que la loi ne prévoit aucune rémunération permanente ou non pour les membres des comités, il serait souhaitable de se conformer à l'article 633 du code de commerce qui dispose expressément : «Il peut être alloué par le conseil d'administration des rémunérations exceptionnelles pour les missions ou mandats confiés à des administrateurs ; dans ce cas, ces rémunérations portées aux charges d'exploitation sont soumises aux dispositions des articles 628 à 630.» En présence de comités, les organes de contrôle interne et/ou externe des sociétés devraient procéder à une analyse approfondie des rémunérations octroyées notamment aux membres desdits comités afin de réduire les risques dont les causes impulsives et déterminantes résultent notamment de pressions aussi dissemblables que la tyrannie économique et le déterminisme psychologique et non de la méconnaissance des règles qui auraient dû être appliquées aux opérations malheureuses. (1)- Notre droit positif ne prévoit pas la création de comités d'audit, voire de comités d'études à l'instar du code des sociétés français qui sur le fondement de l'article 90 du décret n°67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales stipule que le conseil d'administration «… peut décider la création de comités chargés d'étudier les questions que lui-même ou son président soumet pour avis à leur examen. Il fixe la composition et les attributions des comités qui exercent leur activité sous sa responsabilité.» La nomination des membres des comités d'études relève de la compétence exclusive du conseil d'administration qui sur le fondement de la hiérarchie des compétences interdit à tous autres organes d'intervenir. Il demeure entendu que les membres du comité, administrateurs de la société, peuvent recevoir une allocation spéciale dans les conditions de l'article 109 du code des sociétés français (que notre législateur a reproduit expressément à l'article 633) et, le cas échéant, une part supérieure a celle des autres administrateurs dans les jetons de présence (art. 93 du décret précité). Dans tous les cas, les administrateurs ne sauraient légalement percevoir une rémunération permanente en contrepartie de leur activité au comité d'études. En outre, la rémunération (si rémunération il y a) doit être fixée par le conseil d'administration en respectant obligatoirement la procédure prévue à l'article 101 (que notre législateur a reproduit aux articles 628 et 629), à savoir : – rapport du commissaire aux comptes – autorisation préalable du conseil d'administration – approbation de la convention par l'assemblée des actionnaires. Les membres non administrateurs, quant à eux, peuvent recevoir une rémunération permanente ou non, fixée par le conseil d'administration, dans le cadre du droit français. En ce qui concerne notre pays, les membres non administrateurs (cas des directeurs d'audits désignés au sein des comités d'audits) ne sauraient légalement percevoir une rémunération, en l'absence de convention (art. 628 et 629, c.com). (2) Comité d'audit et gouvernance des sociétés cotées : une analyse comparative Etats-Unis France, Christian Prat ([email protected]). (3) Cas de cumul des fonctions d'administrateur avec un contrat de travail dans le cadre des articles 615 et 616 du code de commerce. (4) Dans le cas d'espèce, nous nous référons à une résolution qui a été adoptée lors d'une séance d'un conseil d'administration du mois de juillet de l'an 2000… Nous observons que la rémunération de certains membres de comités est déterminée sur le montant des jetons de présence, allouée par l'assemblée générale des actionnaires de la personne morale, seule compétente pour allouer le montant de la rémunération des membres du conseil d'administration (art. 632, c. com). (5) En principe, le comité d'audit devrait disposer d'un règlement intérieur, voire d'une charte à l'instar du comité d'audit du groupe Delhaize où les principales missions, ressources ainsi que notamment les obligations et responsabilités des membres du comité d'audit sont expressément prévues. (6) Le comité d'audit devra être responsable notamment de l'examen du rapport annuel des commissaires aux comptes, du plan d'audit, du contrôle interne.