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Sétif
Silence, on abandonne !
Publié dans El Watan le 24 - 01 - 2005

Loubna, Mounir, Nabil, Djamel et beaucoup d'autres enfants âgés à peine de 16 ans, errent à travers les rues et ruelles de la capitale des Hauts-Plateaux. Privés d'amour et de chaleur familiale, ces innocentes créatures sont non seulement abandonnées à leur un triste sort, mais surtout exposées au péril d'une impitoyable rue.
Le divorce des parents, le décès de l'un d'eux, l'échec scolaire et les effets pervers de la crise économique sont les principales causes du malheur de ces êtres qui tombent dans la gueule du loup. Des personnes sans scupules poussent ces enfants vers la débauche : « La maltraitance de ma belle-sœur qui m'a toujours considérée comme une esclave, m'a fait fuir de la maison de mon frère, mon unique tuteur. La rue et ses aléas sont désormais mon gîte. Dernièrement, j'ai voulu mettre fin à mes jours, et ce, en me jetant sur la chaussée d'une route dense en trafic. L'intervention d'un homme âgé m'a sauvée la vie », nous confie Loubna qui se « calme » avec des psychotropes. Cette jeune fille, de 16 ans, sans père ni mère, n'est jamais allée à l'école : « Ma belle-sœur me traitait comme une bête ». La société n'a rien fait pour m'aider à m'en sortir. « Je n'ai rencontré qu'hostilité, méchanceté et agressivité. » La situation de Mounir et Djamel, âgés de 11 et 12 ans, n'est guère meilleure. Ces deux enfants passent leur temps à sniffer de la colle au niveau du parc d'attraction de la cité infestée d'oisifs. Ces deux frères, qui ne mesurent pas la gravité de leur acte, imitent leur père et leur grand frère à longueur de journée dans les nuages, une manière à eux d'oublier l'amère réalité faite de chômage et de privations. La grande artère jouxtant le parc et les vestiges romains massacrés par le béton est le lieu de travail de Selma qui pratique le plus vieux métier du monde : « Je ne sais rien faire d'autre. Ma mère qui se prostituait pour nous faire vivre m'a passé le témoin. Elle était obligée de le faire, car mon père passait son temps à boire. Je veux bien arrêter ce travail, mais aucune autre opportunité ne m'est offerte pour avoir une vie normale... » Sans honte, un père de famille avec un emploi stable, oblige sa femme, ses enfants et même sa belle-mère de 80 ans bénéficiant d'une pension en euro à mendier. Ces « travailleurs » se déplacent à El Eulma et ailleurs, et ce, d'une part, pour ne pas être reconnus et d'autre part pour gagner, le plus d'argent possible. Cette exploitation de mineurs mérite l'attention des responsables concernés. Par ailleurs, l'envoi tous azimuts d'enfants dans la rue est l'autre phénomène qui prend des proportions alarmantes. Qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il fasse beau, les rues, les placettes et les espaces des cités dortoires ne désemplissent pas. Les enfants scolarisés ne peuvent faire leurs devoirs à cause de l'exiguïté de leur domicile et ne rentrent que tard le soir. Des parents, ne supportant pas le vacarme de leur progéniture, obligent cette dernière à écumer les cages d'escaliers et à mettre la quiétude des voisins à rude épreuve. Cette « éducation » est à l'origine des maux sociaux qui gangrènent la société : « L'Etat doit à travers les visites des assistances sociales combattre ce phénomène et mettre les parents devant leurs responsabilités, car il y va de l'avenir de toute une nation », nous confie Mme Zineb N., une femme au foyer considérant l'éducation des enfants comme une tâche sacrée. Un directeur d'école abonde dans le même sens : « L'enfant est une pâte à modeler. On n'a pas le droit de le laisser livré à lui-même. Le mouvement associatif doit s'impliquer afin de l'occuper par des actions et des jeux éducatifs pouvant faire de cet être un citoyen digne de ce nom. » Le cri de cet éducateur sera-t-il entendu ?

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