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Avec les enfants de la nuit
Dans les quartiers d'alger
Publié dans Liberté le 14 - 02 - 2008

Le monde de la nuit est souvent synonyme de danger, un moment où la créature la plus faible constitue une proie pour des prédateurs nocturnes. Ces enfants qui sont victimes de conflits familiaux, ne vont pas à l'école et n'ont pour toit, la nuit tombée, que les arcades offrant un minimum de chaleur et de sécurité.
Vingt heures. Les rues de la capitale se vident peu à peu de leurs habitués. La marée humaine qui les peuplent le jour est déjà loin. La circulation automobile est plus fluide à l'exception des artères où sont dressés les barrages de police. Le grincement des rideaux de magasins alterne avec de timides coups de klaxon. Chaque magasin qui ferme réduit la lumière déjà faible, poussant les passants retardataires à scruter un hypothétique taxi pour rentrer chez eux ; c'est le schéma d'une capitale, ville couche-tôt qui n'arrive toujours pas à se mettre au diapason et ressembler aux grandes villes du monde où l'on vit souvent de nuit plus que de jour.
Mais restons quand même optimistes du moment que la volonté des responsables de la wilaya est de lancer le plan lumière dans un avenir très proche. En attendant l'heureuse initiative, la mégapole renoue comme à chaque soir avec une autre réalité, choquante et cruelle. Celle que les gouvernants ne voient pas ou se refusent de voir. Le monde de la nuit synonyme de tous les dangers et où la créature la plus faible constitue une proie pour des prédateurs nocturnes.
Des enfants qui ne vont pas à l'école et qui n'ont de toit, la nuit tombée, que les arcades offrant un minimum de chaleur et de sécurité. Issus de couches sociales généralement pauvres, ces enfants sont les victimes toutes désignées d'une société qui a perdu ses repères. Les rues d'Alger sont depuis quelque temps le refuge et la destination des jeunes mineurs fuyant une réalité qui a fini par les lasser. Les conflits de famille à n'en plus pouvoir. Nous avons fait connaissance avec certains d'entre eux lors d'une sortie organisée mardi soir par les cellules d'écoute de la sûreté de wilaya et du groupement de la gendarmerie d'Alger. Dès l'entrée, les policiers de la sûreté urbaine de Bab El-Oued (5e) nous présentent Selma, ou du moins une jeune fille prétendant se nommer ainsi. Une jeune fille déclarant avoir 18 ans, mais en paraissant moins. Elle a fugué, dit-elle, en quittant le domicile parental à Aïn Oulmène (Sétif). De la gare routière du Caroubier, elle se retrouve à Bab-El-oued où elle est venue directement chercher secours au niveau de la sûreté urbaine.
Pour une fille qui n'a jamais quitté son douar, elle se débrouille plutôt pas mal. Pour ce qui est de la raison de sa fugue, elle explique que c'est à cause d'un père violent qui lui a interdit de poursuivre ses études. Elle est en 2e AS dans un lycée dont elle tait le nom. “Tout a commencé lorsque je me suis rendue chez un médecin pour contrôler mon diabète. En cours de chemin, j'ai refusé les avances d'un homme qui s'intéresse à moi depuis quelque temps. Ce dernier n'a pas trouvé mieux que de raconter des bobards à mon père, faisant allusion à ma mauvaise conduite. La première réaction de mon paternel a été de me battre et de m'interdire d'aller au lycée”, raconte-t-elle. Socialement, la jeune fille a confié que sa famille est à l'abri du besoin puisque son père est commerçant de métier.
Le motif invoqué ne semble pas convaincant d'autant plus que la fille qui bâille aux corneilles lance des bribes d'informations sans être inquiète outre mesure de son sort. Zakia, l'officier de la cellule d'écoute, ne croit d'ailleurs pas à son histoire. “La raison qui l'a poussée à fuir le domicile de ses parents est plus profonde”, dit-elle. La fille aurait certainement commis l'irréparable. Selon la cellule d'écoute, elle ne peut, au vu de son âge, être placée au centre de protection de l'enfance abandonnée, mais elle pourrait rejoindre le centre pour femmes en détresse, ce que ne souhaite pas la jeune fille. Elle commence à manifester des signes de fatigue et frissonne. On la couvre d'un blouson en cuir et on lui donne à manger avant de la mettre, pour la nuit, dans un lieu sûr.
Rue Bouzrina, le dortoir à ciel ouvert
La rue Ahmed-Bouzrina (ex-la Lyre), connue aujourd'hui par “zenket el laroussa” en raison des boutiques qui proposent toute la lingerie concernant la future mariée, n'est pas ce qu'on voit le jour. À la nuit tombée, cet endroit formé d'arcades qui se prolongent jusqu'en face de la mosquée Ketchaoua devient le refuge des SDF : hommes, femmes, enfants, jeunes, moins jeunes y viennent se serrer les uns contre les autres à la recherche d'un peu de chaleur en ces temps de grand froid. Chacun d'eux a une histoire à raconter. Une aventure qui a ramené certains de leur village natal, d'autres ayant fui les problèmes familiaux. Et si les adultes assurent tant bien que mal leur nouveau statut défavorisant à tout point de vue, les enfants en subissent toutes les conséquences. Troublante, mais énigmatique l'histoire de cet homme que la présence forte de policiers, gendarmes et journalistes a extirpé de son sommeil. À côté de lui un bambin de moins de 10 ans dort profondément. “Que nous voulez-vous ? Laissez-nous tranquilles, on ne fait rien de mal !” L'homme peine quelque peu à parler. Il se dit fraîchement opéré au niveau de la cuisse. Les psychologues des cellules d'écoute l'interrogent au sujet de l'enfant toujours endormi : “C'est mon fils, je l'ai ramené passer la nuit avec moi. Sa maman est dans un petit hôtel du quartier. Nous étions réunis dans un modeste logement jusqu'au jour où le propriétaire nous a fait expulser par décision de justice. Ce que je gagne actuellement ne me permet pas de louer”, explique-t-il.
Les policiers lui précisent qu'ils ne peuvent laisser l'enfant dans cet état d'autant plus plus qu'il a de la fièvre. Ce dernier s'est réveillé. Il se met à crier. Le papa verse quelques larmes. On le rassure que le petit sera bien au chaud.
À côté, un homme d'un certain âge raconte qu'il est là parce que le destin en a voulu ainsi. Ancien garde communal à Aïn Defla, il a été révoqué suite à une bagarre avec son collègue qui est sorti avec des coups et blessures volontaires.
Chômeur depuis, il vend du carton de récupération pour survivre. La nuit, il a sa place parmi les malheureux SDF.
Un peu plus loin une femme âgée, avec un enfant. Même histoire, même topo, on la rassure, mais accepte difficilement. Près d'elle un homme, la cinquantaine, se prend la tête. Originaire de Jijel, il s'est retrouvé ici après avoir été mis, selon lui, à la rue par sa femme et ses propres enfants. La version qui plaide en sa faveur n'est pas sûrement pas la vraie.
La double vie de Sara
Elle a 28 ans, habite Bab-El-Oued et déjà trois enfants à charge. Belle moumoute, elle a du mal à trouver ses mots. Un coup dans l'aile, c'est normal pour tenir face à la bise venant tout droit du grand large.
Le lieu, c'est la pêcherie. Certains bateaux ont déjà quitté le port. D'autres sont encore là. Les pêcheurs prennent un peu de repos avant d'aller braver les flots. Sara veut se débiner. Zakia la psychologue la retient. Son histoire est exceptionnelle. Elle était mariée à un flic avec qui elle a trois gosses, deux fillettes et un garçon. Le père a eu des doutes quant à ce dernier. Convaincu qu'il n'est pas de lui, le conflit éclate et conduit au divorce. Le doute est-il justifié ? Pour Sara, elle jure par tous les saints qu'elle ne l'avait pas trompé.
Confrontée à la dure tâche de subvenir aux besoins de ses enfants dont elle a obtenu la garde par voie de justice, elle travaille comme serveuse le jour dans une pizzeria et vient chaque soir passer quelque temps avec son petit ami qui l'entretient avant de rejoindre son domicile à une heure tardive. “Je suis obligée de recourir à cette méthode car avec une maigre pension de 2 500 DA, je ne pourrai jamais nourrir ma famille”, dit-elle.
En quittant Sara, nous avons eu une pensée pour toutes ces femmes abandonnées par leur mari. Nous remontons vers la Basse-Casbah. La rue Amar-Ali (ex-Randon) et la rue Arbadji (ex-Marengo). Les quelques jeunes du quartier échangent des cigarettes. Rien d'anormal. On nous indique une maison abandonnée où loge une famille de cinq membres. La maison menace ruine.
Le père explique qu'il n'a pas d'autre solution. Une famille d'apparence tranquille. Il travaille mais son salaire ne lui permet pas de louer. Il l'a fait jusqu'à l'endettement.
Fontaine-Fraîche, Climat de France, la Tourette, la cité Pérez… un tour dans les quartiers populaires de la circonscription de Bab El-Oued nous renseigne que les jeunes comme partout d'ailleurs vivent la même situation : le chômage et l'exiguïté. À 12 ou 15 personnes dans un F2, ce n'est pas pour encourager à rester à la maison même si le froid vous scie les os.
Pas loin du stade Ferhani, quatre jeunes se shootent au diluant. Parmi eux, une nouvelle recrue de Souk-Ahras.
Une vie de chien qu'ils rejettent en s'empoisonnant. La mort lente. Il est minuit, nous rentrons avec en mémoire les récits de Sara, du gars expulsé, de l'ancien garde communal et de tous les enfants qui errent dans la nuit.
A. F.


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