Cet ouvrage se propose « trois ans après les attentats de New York et de Washington, devant la permanence de la menace d'Al Qaîda », « de décrypter plus en détail les stratégies terroristes, délier les fils complexes de leur financement, de suivre l'inquiétante prolifération de la mouvance djihadiste partout dans le monde, d'essayer de discerner ce que pourraient être les prochains attentats et de dresser un bilan objectif de la lutte antiterroriste. L'objet est de dresser un tableau le plus complet possible des nouveaux réseaux de la terreur qui cherchent à déstabiliser aussi bien le monde musulman que les démocraties occidentales, afin de comprendre les enjeux et la complexité de la lutte de long terme qui s'est engagée contre la nébuleuse Al Qaîda et le nouveau terrorisme islamique ». L'ouvrage traite des « cerveaux du terrorisme », des « stratégies terroristes », du « business de la terreur », de « la prolifération d'El Qaîda », des « nouvelles menaces et nouvelles cibles », de « la lutte antiterroriste ». Les experts à l'origine de cet ouvrage ont relevé un certain nombre de paradoxes, a souligné Eric Denécé lors d'une présentation à la presse. Le premier de ces paradoxes c'est la disproportion entre le danger potentiel et la réalité de la menace : 40 à 50 000 activistes ont été formés dans les camps afghans, plus d'une soixantaine d'organisations se revendiquent d'El Qaîda alors que 12 attentats en tout ont été perpétrés en trois ans causant 1500 morts. Le deuxième paradoxe c'est l'archaïsme des idées développées par les ténors d'El Qaîda et le modernisme de l'organisation. El Qaîda est un mouvement virtuel qui se compose et se recompose dans une logique internet. « Ben Laden avait compris qu'il fallait créer une marque, une logique d'entreprise », souligne Eric Denécé. Les différents groupes s'inscrivent dans une dynamique sans forcément rendre des comptes à l'organisation centrale ». Ils agissent localement. Eric Denécé souligne que le terrorisme islamique présente aujourd'hui « un visage très différent de celui de 2001. Si la holding terroriste Al Qaîda pourrait bien être en train de disparaître, ses filiales demeurent. Leur détermination, l'autonomie et l'enracinement local dont elles disposent les rendent plus imprévisibles et dangereuses. Cet essaimage réussi est sans doute le plus grand succès de Ben Laden : c'est la consécration de sa pépinière de start-up terroristes. » Le troisième paradoxe, c'est l'opposition entre la réduction du noyau dur d'El Qaîda et son impact mondial. « Avec Ben Laden, on a affaire à un pyromane de la terreur. Il peut disparaître alors que le mouvement qu'il a contribué à relancer peut lui survivre ». Le quatrième paradoxe est à relever entre le faible coût du terrorisme et « l'inflation du dispositif de lutte contre son financement. » Ben Laden n'a pas financé sur sa fortune propre le terrorisme. Après son départ du Soudan, le mouvement s'est autofinancé. Selon Eric Denécé une opération terroriste d'envergure ne coûte pas cher. L'attentat de Madrid a coûté aux terroristes entre 10 à 12 000 euros, les attentats du 11 septembre autour de 250 000 dollars. Eric Denécé ne croit pas à l'utilisation de l'arme nucléaire, « c'est moins efficace et moins spectaculaire qu'un attentat à l'explosif. Pour les terroristes il faut que ce soit spectaculaire et mortifère ». « Le terrorisme a besoin d'images et de caméras pour les prendre ». L'attaque d'une centrale nucléaire reste peu plausible du fait également que le cœur du réacteur est situé dans une zone extrêmement protégée et renforcée. Les attentats qui préoccupent le plus les Américains sont les attentats combinés à l'explosif et les cyberattaques. « Les attentats à l'explosif ont encore de beaux jours devant eux. Des attentats à l'arme chimique sont aléatoires, leur impact étant limité. » « On est parti sur un siècle de terrorisme. » Cette assertion de l'expert du renseignement donne froid dans le dos. Il s'en explique : entre 1915 et 2005 on n'a pas réussi à venir à bout d'une organisation comme l'IRA qui compte une centaine de combattants. « La vraie victoire de Ben Laden c'est le changement dans notre façon de vivre. » Quant aux foyers de terrorisme, Eric Denécé les situe plus en Arabie Saoudite et au Pakistan qu'en Irak. Il rappelle que treize des quinze terroristes du 11 septembre venaient de la même tribu, tandis que la présence d'El Qaîda dans les rangs des forces de sécurité des pays du Golfe est « un vrai problème ». « L'Irak n'est pas au cœur de la stratégie d'El Qaîda. » Eric Denécé identifie dans El Qaîda trois niveaux : le noyau arabe, la nébuleuse et enfin les banlieues. On considère que depuis le 11 septembre 2001 on est passé du premier noyau au relais par la nébuleuse. La seule façon de lutter efficacement contre le terrorisme, c'est le renseignement souligne Eric Denécé. L'expert du renseignement rejette l'idée selon laquelle les services américains ont été défaillants, « ce sont plutôt les institutions administratives américaines et les politiques qui ont été défaillants ». Les nouveaux réseaux de la terreur (éditions Ellipses), un ouvrage collectif sous la direction d'Eric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R)