Les attentats de jeudi à Londres relancent le débat sur un fléau, le terrorisme. L'Occident n'a pris conscience de ses nuisances que lorsqu'il en a été lui-même victime. New York, 11 septembre 2001, Madrid, 11 mars 2004, Londres, 7 juillet 2005: trois dates, trois jalons dans la nouvelle guerre que le terrorisme islamiste a déclaré à l'humanité. Une guerre qui, loin d'être une guerre de religion, reste un phénomène dont la finalité est de semer le chaos dans le monde. Il ne faut pas s'y tromper, la guerre que la nébuleuse Al Qaîda mène contre l'Occident est aussi, sans doute surtout, une guerre contre l'islam, par l'image caricaturale qu'elle renvoie d'une religion de tolérance de dévouement et contre les pays en voie de développement dont le devenir est étroitement lié à celui des pays industrialisés. L'attaque contre Londres, nonobstant le fait qu'elle a pris par surprise les services de sécurité londoniens, était une probabilité sur laquelle ces mêmes services étaient unanimes. Restait seulement à savoir quand, réponse que, à l'évidence, les renseignements britanniques ont été dans l'incapacité de donner. De fait, ces mêmes renseignements se sont quelque peu abusés en estimant Al Qaîda incapable d'une attaque d'envergure et coordonnée contre Londres. Le résultat est là: avec les sept attaques, échelonnées sur près d'une heure, contre les transports londoniens Al Qaîda a démontré ce qu'elle pouvait faire. De fait, l'ancien chef de Scotland Yard, John Stevens, affirmait l'an dernier qu'un attentat contre Londres était «inévitable». «La question n´est pas s´il y aura un attentat, mais quand», souligna-t-il quelque mois plus tard. Le nouveau patron de Scotland Yard, Ian Blair, estimait jeudi, après le septuple attentat contre le métro et les bus londoniens que c'était «une situation que nous avions envisagée et à laquelle nous étions préparés». Or, sur le terrain il n'en a pas été ainsi, il semble bien que ces services aient été pris au dépourvu. Mais faut-il s'en étonner d'autant plus qu'un certain modus vivendi semblait s'être instauré entre la mouvance islamiste, séjournant à Londres, et les services de sécurité qui «toléraient» son activité. Londres était en fait, depuis l'apparition du terrorisme islamiste, le sanctuaire de tous les islamistes qui y trouvaient refuge, gîte et finances pour la préparation de leurs opérations dans les pays arabes et musulmans, notamment en Algérie, quand les GIA revendiquaient à partir de Trafalgar Square à Londres les attentats meurtriers, comme celui d'août 1994 commis contre un bus au boulevard Amirouche à Alger (plus de 100 morts). De fait, souligne Magnus Ranstorp, directeur-adjoint au centre d'études contre la violence terroriste à l'université St Andrews en Ecosse, «pendant des années, la Grande-Bretagne a été un lieu de recrutement pour les djihadistes». Pour dire que pendant longtemps, la Grande-Bretagne en général, Londres en particulier, ont été La Mecque du terrorisme islamiste. Aussi, il a donc fallu les attentats de 2001 contre les World Trade Center de New York et le Pentagone à Washington pour que le monde découvre la juste dimension de ce phénomène et prenne les mesures qui s'imposent, même si elles ont eu peu d'effet jusqu'ici sur la capacité de nuisance d'Al Qaîda dont une section inconnue «Organisation Al Qaîda-Jihad en Europe» a revendiqué les attaques contre Londres. Le moins qui puisse être dit est que ces attaques ponctuelles, mais meurtrières, d'Al Qaîda, démontrent les aptitudes de la nébuleuse islamique, quoique affaiblie, à se régénérer et à choisir son moment pour passer à l'attaque. Or, tout concourrait en fait pour faire du 7 juillet un moment fort pour l'organisation d'Oussama Ben Laden. La tenue en Grande-Bretagne (à Gleneagles en Ecosse) du sommet du G8, l'attribution à Londres de l'organisation des Jeux olympiques de 2012, le début du procès à Londres de l´imam radical britannique Abou Hamza Al Masri, tout cela concourrait à assurer un retentissement mondial aux opérations contre le métro et les bus de Londres. Le chercheur français, Jean-Luc Marret, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, indiquait hier que «depuis quelques semaines, des infos remontaient d´Irak, qui disaient: ‘´la prochaine cible doit être Londres». C´est un message à la mouvance djihadiste qui leur disait: allez-y quand vous pouvez». Pourtant les services de sécurité britanniques n'étaient pas restés inactifs démantelant au cours des derniers mois de nombreux réseaux ou cellules présumés terroristes. Selon M.Marret, «la police anglaise est parvenue à déjouer officiellement trois tentatives sérieuses. Cela veut dire qu´il y en a eu peut-être davantage dont nous n´avons jamais entendu parler». Ainsi, la Grande-Bretagne vivait-elle sur le volcan qu'elle a, indirectement, contribué à installer en plein coeur de Londres. En fait, plusieurs partenaires de la Grande-Bretagne lui reprochaient d'avoir, d'une manière ou d'une autre, sanctuarisé son territoire en faisant un accord de dupes avec le terrorisme islamique, lui ouvrant grandes les portes de sa capitale et de ses grandes métropoles, et lui disant: «Vous faites ce que vous voulez chez nous à condition que ce ne soit pas contre nous.» Certes cette permissivité de Londres a commencé à s'estomper après le 11 septembre à New York, pour disparaître après le 11 mars à Madrid, les Anglais prenant conscience du fait que le terrorisme n'avait pas de frontières. D'autant plus que la Grande-Bretagne, qui entretient un contingent de près de 8000 hommes, était sous la menace constante d'Al Qaîda et se trouvait dans le collimateur des djihadistes qui ont menacé tous les pays ayant des troupes en Irak ou faisant partie de la coalition menée par les Etats-Unis. Ce que le monde, et singulièrement les Etats-Unis, n'ont pas compris c'est que le phénomène du terrorisme doit être combattu de manière solidaire car ses cibles sont éparpillées et personne n'est épargné de par le monde, New York, Madrid, Londres, certes, mais il y a eu aussi Bali, en Indonésie, les villes d'Algérie... Aussi l'unilatéralisme américain risque de faire long feu. M.Bush affirmait jeudi que la «guerre contre le terrorisme continue». Certes! Mais cette guerre ne peut avoir de sens et d'efficacité que placée sous l'égide des Nations unies, les seules à même de solidariser et de coordonner la lutte contre le terrorisme pour éradiquer ce phénomène qui a fait beaucoup de mal au monde.