Le mouvement djihadiste mondial, qui a frappé Londres jeudi, a pris pour cible l'Egypte, meurtrie par une série d'attentats sanglants contre la ville balnéaire du Sinaï. Moins de quarante-huit heures après la récidive des attentats contre la capitale britannique, Londres (7 et 21 juillet), le mouvement djihadiste mondial, sous le label d'Al Qaîda (?) a frappé la ville balnéaire égyptienne de Charm El-Cheikh. Le bilan est très lourd et estimé hier à 88 morts et plus de 200 blessés. Un carnage provoqué dans la nuit du vendredi au samedi contre des établissements touristiques de la célèbre station balnéaire sur la mer Rouge. Selon les premières indications de la police égyptienne, au moins trois attentats suicide ont eu lieu, ce qui explique le nombre élevé des victimes, dont de nombreux touristes, dans une ville dont les revenus proviennent du tourisme et dont les activités ont surtout lieu la nuit. Venant après les attentats de Londres, cette nouvelle série de forfaits, revendiqués par deux groupes au nom d'Al Qaîda, met en lumière l'impréparation générale de la communauté internationale et égyptienne en particulier face à ce fléau qui frappe quand et comme il veut, choisissant son heure et ses méthodes. C'est encore plus étonnant de la part des autorités égyptiennes que l'on pouvait croire mieux averties (et préparées) après les carnages de ces dernières années dont le dernier en date a eu lieu, il y a moins d'un an, contre l'autre station balnéaire du Sinaï, Taba. Les services égyptiens ne semblent ainsi avoir tiré aucun enseignement des précédentes attaques d'Al-Qaîda contre des cibles égyptiennes. Or, comme les attaques contre Taba en octobre 2004 -qui se sont soldées par la mort de 34 personnes, dont plusieurs touristes israéliens- le carnage de Charm El-Cheikh a été revendiqué, peu après les attentats, par deux groupes dénommés, le premier «Le groupe Al-Qaîda au pays du Levant et en Egypte», lié au réseau Al Qaîda, et le second les «Brigades du martyr (palestinien) Abdallah Azzam». Dans son communiqué, ce dernier groupe indique que les «Les moudjahidine ont mené une attaque dévastatrice contre les croisés, les sionistes et le régime égyptien infidèle à Charm El-Cheikh». Le texte qui affirme d'autre part qu'«ils ont attaqué l'hôtel Ghazala-Garden qui a été totalement détruit de même que l'ancien centre commercial qui est bondé de sionistes et de croisés» ajoute: «Cette opération est une réponse aux forces du mal qui font couler le sang des musulmans en Irak, en Afghanistan, en Palestine et en Tchétchénie (...) Nous voulons le dire haut et fort que nous n'aurons pas peur des fouets des tortionnaires en Egypte et nous ne pardonnerons pas à ceux qui font du mal à nos frères dans le Sinaï». Le groupe conclut: «Nous jurons que nous allons venger les martyrs du Sinaï qui ont été tués par les tyrans en Egypte.» Après le groupe Abou Hafs Al-Masri «Division Europe», qui a revendiqué le opérations à Londres et à Madrid, le groupe «Al Qaîda dans le pays des Raffidein (Mosopotamie-Irak) qui met l'Irak à feu et à sang, voici maintenant le groupe « Al-Qaîda dans les Pays du Levant et en Egypte» qui entame de façon sinistre sa carrière au Moyen-Orient. Aussi, la question se pose, la nébuleuse islamiste s'est-elle renforcée au point de créer des «divisions» opérationnelles au niveau des principales régions du monde et de menacer la communauté internationale? Or, les coups qu'elle a reçus depuis les attentats du 11 septembre 2001 et la guerre que menèrent contre elle les Etats-Unis en Afghanistan, avaient laissé croire que l'organisation d'Oussama Ben Laden vivait ses derniers moments. De fait, tous les «experts» de la mouvance islamiste abondaient dans ce sens estimant qu'Al Qaîda n'est plus que l'ombre d'elle-même et que sa nuisance a été réduite ou en voie d'être réduite à des proportions maîtrisables. La réalité semble tout à fait autre et le mystère gravitant autour de la nébuleuse islamique demeure entier. De fait, l'Egypte constitue, avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, l'une des principales cibles d'Al Qaîda qui revendiqua, à la fin du mois dernier, l'assassinat d'Ihab Al-Chérif, le chargé d'affaires de l'ambassade d'Egypte à Baghdad après qu'il eut été kidnappé quelques jours plus tôt. Ce n'est pas la première fois qu'Al Qaîda - dont le numéro deux n'est autre que le docteur égyptien Ayman Al-Zawahiri, dont la tête est mise à prix par l'Egypte et les Etats-Unis - s'attaque à l'Egypte, car outre Taba et Charm El-Cheikh, il y eut en 1997 un sanglant attentat contre la ville touristique de Louxor occasionnant la mort de 62 personnes. En fait, entre l'Egypte et Al Qaîda c'est une vieille histoire qui se renouvelle cycliquement par les frappes d'Al Qaîda contre les unités touristiques et commerciales stratégiques égyptiennes. Dans une brève déclaration, le président égyptien, Hosni Moubarak, a dit hier sa détermination à mener une guerre sans merci contre le phénomène Al Qaîda, affirmant dans une brève déclaration à la Télévision égyptienne «*Cet acte criminel, lâche, qui vise à déstabiliser l'Egypte, renforcera notre détermination à poursuivre la lutte contre le terrorisme et à l'éradiquer». «Nous poursuivrons notre combat contre le terrorisme avec toutes nos forces et nous ne céderons pas au chantage», a ajouté M.Moubarak. Toutefois, nombreux étaient hier les experts qui s'étonnaient qu'une ville où habite en permanence le chef de l'Etat, depuis plus de deux ans en fait, Charm El-Cheikh en l'occurrence, soit aussi peu protégée et que les services de sécurité n'aient rien vu venir. De fait, les observateurs qui relèvent que «les commanditaires de ces attentats ont choisi de frapper une ville sous haute surveillance sécuritaire qui abrite le siège du chef de l'Etat» s'interrogent sur les carences apparues dans les services de sécurité et de renseignement égyptiens, à tout le moins, incapables de prévoir de telles attaques compte tenu des précédents de ce genre commis en Egypte. En réalité, les attentats suicide de Charm El-Cheikh compliquent la donne sécuritaire et posent nombre de questionnements quant aux liens supposés ou existants entre la mouvance djihadiste internationale et les réseaux Al Qaîda. New York, Bali (Indonésie), Madrid, Taba, Londres et Charm El-Cheikh, autant d'étapes de la guerre que mène le terrorisme islamique contre la communauté internationale sans que l'écheveau soit démêlé. Beaucoup de questions, peu de réponses en fait.