Abdelaziz Bouteflika a remis le couvert pour encore cinq ans. Son nouveau mandat intervient au moment où l'Algérie est à un point culminant de son histoire. Autant dire qu'elle est à la croisée des chemins et les choix qui seront faits dans la conjoncture actuelle seront déterminants pour son avenir. Une fois l'euphorie des inconditionnels de Bouteflika, qui ont fêté sa victoire d'une manière fort bruyante, tombée, les Algériens renoueront avec leur quotidien qui n'aura pas changé d'un iota : leur pouvoir d'achat en constante érosion, les prix des produits de première nécessité qui deviennent excessifs, de moins en moins de débouchés pour les chômeurs, des salaires qui frôlent le ridicule sans oublier la crise du logement aggravée par une spéculation dans un marché de l'immobilier qui n'obéit à aucune logique économique. La contestation sociale qui s'est arrêtée le temps des élections menace de reprendre de plus belle dans les prochaines semaines. Le moral des Algériens est au plus bas. Ironie du sort, les psychologues seront les premiers à ouvrir le bal de la protesta en annonçant une grève pour les 18, 19 et 20 avril. Les grèves se suivent et se ressemblent presque toutes avec des revendications socioprofessionnelles légitimes, mais qui ne trouvent pas d'écho auprès des pouvoirs publics. Les médecins, les cheminots, les enseignants des différents paliers (éducation nationale et enseignement supérieur) ainsi que tous les fonctionnaires se retrouvent à vivre sous perfusion exigeant les salaires de la dignité au moment où l'Algérie affiche une opulence fort bien illustrée par la générosité électorale de Bouteflika. Difficile dans ce contexte de rétorquer à ces mécontents que « les caisses de l'Etat sont vides ». L'administration de Bouteflika, qui a promis d'injecter plus de 150 milliards de dollars dans un nouveau programme quinquennal pour le développement économique du pays, aura donc fort à faire avec un front social bouillonnant. Il lui sera tout aussi difficile de redonner confiance et espoir à une jeunesse désabusée, au comble du désespoir, qui en a assez de tenir le mur et qui accepte volontiers de passer sous les fourches caudines en chavirant sur des embarcations de fortune, convaincue que la vie est meilleure sur l'autre rive de la Méditerranée, passant ainsi du statut de hittiste à celui tout aussi incertain de harrag. Mais le défi majeur qui attend le Président est celui de la relance de l'économie avec une croissance forte et durable qui évolue indépendamment du marché pétrolier. Pour ce faire, il va falloir mettre fin aux pratiques de corruption et de népotisme qui sont malheureusement monnaie courante dans notre pays, altérant ainsi le climat des affaires. Bouteflika et son staff réussiront-ils à faire en cinq ans ce qui n'a pas été fait en dix ans ?