Un chef de l'Etat qui passe commande et obtient un taux de participation surréaliste ; un Premier ministre qui décrète que ceux qui refusent la soumission sont des traîtres ; un ministre de l'Intérieur qui dénie le droit de porter le deuil devant ses abus ; un wali à Biskra qui exige publiquement le bourrage des urnes en disant qu'il assume ; un président d'APC de la capitale qui mène un commando contre un siège de parti. » Ainsi a résumé Saïd Sadi la dernière opération électorale. Le président du RCD, qui a animé hier une conférence de presse au siège de son parti, lancera avec une pointe d'amertume : « L'Algérie de 2009 est l'exact contraire de tout ce dont ont rêvé nos martyrs. » Pour lui, la campagne électorale s'est terminée comme elle était annoncée le 12 novembre, allusion faite à la révision constitutionnelle, « dans l'outrance et la violence ». Après « l'asservissement du Parlement pour lui offrir une présidence à vie, le chef de l'Etat, indique le conférencier, transforme les institutions, lors de l'annonce de sa candidature le 12 février, en comité de campagne et le Trésor public en cagnotte personnelle ». « Les résultats du 9 avril étaient déjà inscrits dans ces deux manœuvres », selon Saïd Sadi qui tranche : « Les taux de participation recueillis à l'émigration sont de 6,48%. » Ceux enregistrés dans les wilayas couvertes par les observateurs de son parti répartis sur 58 centres de vote sont de 23, 78%, avec une tendance légèrement supérieure en zone rurale. Le président du RCD donne deux exemples : à Tlemcen ville, le taux de participation est de 21,13%, alors qu'il est un peu plus élevé à la périphérie : à Maghnia, il a atteint 37,2%. « La même remarque vaut pour Sétif ville qui enregistre un taux de 20,57%, et Jijel qui a affiché un taux de participation de 16,33% avant qu'il ne soit manipulé à la wilaya » a-t-il déclaré avant de répertorier d'autres anomalies lors du scrutin de jeudi. Il citera entre autres ce qui s'est passé au centre de vote Douzia (Blida) où, affirme-t-il, dans un bureau de vote il y avait 430 femmes inscrites, et seules 21 avaient voté à 18h. « Le wali arrive, chasse tout le monde et le taux de participation est porté à 82%. » En Kabylie et à Alger les mêmes dépassements, signale Saïd Sadi, convaincu que « quelle que soit la marge d'erreur que l'on se donne, il est impossible d'avoir un taux de participation national supérieur à 25% ». Aujourd'hui, déclare-t-il,« le monde entier sait ce qui s'est passé à Alger. Les correspondants de la presse étrangère ont, dans leur écrasante majorité, témoigné des manipulations qui ont marqué ce scrutin. » Pour preuve : « Les messages de "félicitations" sont réduits au strict minimum diplomatique, nos partenaires se limitant à rappeler que l'Algérie est un partenaire important. » Saïd Sadi souligne en effet que « le Quai d'Orsay a refusé de commenter les résultats et l'Administration Obama a exprimé des réserves et des préoccupations sur les méthodes employées par le pouvoir algérien ». Pour lui : « cette mascarade va coûter cher au pays, car chaque faux bulletin sera payé cash à ceux qui accepteront de recevoir Bouteflika. » Mais « le plus grave » reste, à ses yeux, « le coup politique asséné au pays ce 9 avril ». Selon Saïd Sadi « l'Algérie déjà singularisée par sa mauvaise gestion sur la scène internationale verra la crédibilité de l'Etat se dégrader davantage. Nos concitoyens hésiteront encore plus à sortir leur passeport vert dans les postes frontières. » « Que peut-on et que doit-on faire face à cette humiliation nationale ? », s'interroge le président du RCD, qui pense que « Bouteflika n'est pas là pour régler les problèmes des Algériens, il est là pour rester au pouvoir ». Dans l'immédiat, lance-t-il, « le RCD engagera en tant que personne morale toute une série d'actions en justice contre le chef de l'Etat pour avoir violé à plusieurs reprises la loi électorale, notamment en abusant du patrimoine de l'Etat et contre celles et ceux qui l'ont soutenu et qui se sont rendus coupables de discours répréhensibles ou d'actes délictueux à l'instar du Premier ministre, de l'animateur de la radio de Chlef ou du P/APC d'Alger-Centre qui devront répondre de leurs méfaits devant la justice ». Mais pas seulement, le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie appelle à l'union des forces politiques et qualifie, en la circonstance, l'appel du président du Front des forces socialistes (FFS), qui suggère que les démocrates mettent leurs divergences de côté pour créer une alternative pour le changement, d'excellente initiative. Sur le plan stratégique, dit-il, « nous disons depuis le 12 novembre que la régression dans laquelle s'enfonce le pays ne menace pas un parti ou une catégorie de citoyens mais met en péril la cohésion et l'avenir de la nation ». Sauf que Saïd Sadi définit des préalables pour un tel rassemblement. Et la base minimale est que ce regroupement engage toutes celles et tous ceux qui n'inscrivent pas leur combat dans les compétitions claniques, refusent la violence et admettent le principe de l'alternance basé sur la seule volonté populaire. « Chaque faux bulletin représente un acte de décès d'un citoyen », lance le président du RCD qui lâche : « Votre 9 avril 2009 est notre 8 Mai 45. Il nous appartient de retrouver les chemins de notre 1er Novembre. »