Il a eu la « malchance » de mourir à la veille de l'élection présidentielle du 9 avril, feu Chérif Guellal a quitté ce monde presque sur la pointe des pieds dans son pays. Une laconique dépêche de l'agence APS relayée par El Moudjahid a suffi pour retracer le parcours enviable d'un homme dont la presse américaine en a fait ses choux gras. Ce brillant diplomate, pas très connu chez lui, s'est en effet éteint mercredi dernier à l'hôpital de Staouéli dans l'anonymat, à l'âge de 75 ans. Ironie du sort, cet enfant de Constantine, qui a eu l'honneur de représenter l'Algérie indépendante comme premier ambassadeur à Washington, est pleuré au pays de l'Oncle Sam mais pas dans son propre pays ! Le fait qu'il ait été inhumé au Carré des martyrs à El Alia en présence des personnalités nationales, d'anciens compagnons et collègues « pour reprendre la formule consacrée d'El ‘'Moudj", ne restitue pas la grandeur, le talent et la réputation de l'homme qui a charmé – excusez du peu – y compris le président John Fitzgerald Kennedy. Que ce soit à Washington, à Los Angeles, à New York ou en Alabama, la nouvelle de la mort du diplomate algérien a jeté l'émoi dans l'establishment politique et médiatique américain. Il est rare dans cet immense pays où les stars se comptent par milliers, qu'une personnalité non américaine soit à ce point adulée pour mériter autant d'éloges posthumes. Et c'est le premier Algérien qui reçoit un hommage aussi appuyé pour ses qualités et son entregent dans le très sélectif landerneau américain. Du Washington Post au New York Times en passant par le Los Angles Times et le Chicago Tribune, The Boston Globe et toutes les chaînes de télé américaines, la mort de Chérif Ali Guellal a eu l'effet d'un événement presque national aux Etats-Unis. La nouvelle de sa mort a également déchiré la Toile du net. Sous la plume du célèbre réalisateur Adam Bernstein, la vie, le parcours intellectuel et la carrière diplomatique du diplômé de l'université d'Aix-en- Provence ont brillé de mille feux sur les colonnes du Post. Cet article- hommage d'environ une page intitulé « Chérif Guellal, un combattant et diplomate algérien » a été repris par tous les sites internet américains et les journaux nationaux et ceux des Etats. On y apprend ainsi qu'il était un « combattant de la résistance algérienne contre l'armée française, un homme d'affaires et un diplomate chevronné ». Compagnon de Miss America… Mieux encore, le Washington Post élève le défunt Chérif Guellal au rang de « figure glamour de la haute société à Washington ». L'auteur, Adam Bernstein, évoque notamment sa liaison de longue date avec la célébrissime Miss América des années 1950, Yolande Fox, qu'il avait aidé à élever sa fille. Dans ses mémoires intitulées Laughing All the Way publiées en 1973, l'écrivaine Barbara Howar a décrit Chérif Guellal comme « un jeune combattant des libertés et intellectuel bourlingueur », devenu une « icône parmi l'élite du corps diplomatique accrédité à Washington ». Il y est également écrit que son « look basané l'a rendu tellement séducteur qu'il est à chaque fois invité aux conférences académiques et aux soirées select ». Adam Bernstein rappelle ainsi sa fameuse déclaration faite en 1964 devant un parterre d'hommes politiques, d'acteurs sociaux et de scientifiques américains à l'université de Georgetown : « Nous souhaitons être maîtres dans notre pays et non pas de petits partenaires des grandes puissances » dans son discours sur l'avenir de l'Algérie indépendante. Après six années de loyaux services à Washington, Chérif Guellal a été nommé représentant de Sonatrach aux Etats-Unis, un poste dans lequel il avait joué un rôle crucial, notamment durant la crise du pétrole des années 1970. Mais avant d'atterrir à Washington, Guellal Ali Chérif a fourbi ses armes diplomatiques en France lorsqu'il rejoint directement le GPRA en provenance de l'université d'Aix-en-Provence. Il prend par la suite la route des Indes pour y dénicher des soutiens au mouvement de libération nationale et donner un écho international à la révolution algérienne. Ce ne fut donc que justice rendue à ce jeune de 30 ans, qui fut nommé en 1962, premier ambassadeur d'Algérie à Washington. Que sa mort, il y a une semaine, fasse l'événement au pays de Barack Obama et occupe la « une » des principaux journaux, n'est donc pas étonnant. Ce qui est en revanche absurde, c'est le fait que la disparition de ce grand diplomate algérien soit liquidée par une dépêche. Eh oui, nul n'est prophète en son pays…