Magda Montag, couturière et designer autrichienne, se dit résolument algérienne. Née en 1934 à Salzbourg, la ville au château de sel, Magda est une amoureuse du Sahara algérien. Résidente en Algérie depuis 1968, elle ne quitte le pays que pour de courtes durées pour rencontrer ses enfants en France ou en Autriche ou pour des expositions au nom du collectif des artisanes algériennes à Paris comme à Brest, Berlin ou Vienne. Ce que Magda aime le plus dans le Sud, ce n'est ni le sable ni les étendues désertiques, encore moins le chameau. L'amour de Magda va vers les étoffes, les tissages, les cuirs et les couleurs sahariennes. Ce sont ces produits qui l'inspirent et donnent libre cours à sa création. Magda se trouve actuellement à El Goléa (270 km de Ghardaïa) où elle travaille pour le compte d'une association d'apprentissage de la couture et de la broderie pour les jeunes filles de la localité pour les trois mois à venir. Nous l'avons rencontrée dans une exposition artisanale organisée à Touggourt à l'occasion du printemps, le temps d'une interview. Quel est le but de votre présence à Touggourt ? Touggourt est le royaume du tissage et de la broderie, aussi j'y retourne volontiers chaque fois que j'ai besoin de tissages en pure laine. Le printemps est beau dans cette oasis où Momo, Nassreddine Meddah, président de l'association de protection du patrimoine saharien, m'a invitée pour faire connaissance avec des tisserandes et des brodeuses de la région. Comment coopérez-vous avec les artisans de la région ? Je suis une bonne cliente ! Je commande et achète des coupons de tissage ainsi que des broderies fines pour agrémenter mes créations. Mais en vérité, c'est surtout ma coupe et mes patrons qui intéressent les brodeurs du Sud. Ils sont à l'affût de nouveaux modèles et ont des difficultés à maîtriser les techniques de coupe. Et depuis le temps que je participe ou visite des salons de l'artisanat dans le pays, j'ai remarqué que souvent, de magnifiques broderies et de merveilleux assortiments de tissages naturels et de couleurs souffrent d'un manque de maîtrise de la coupe. C'est cela même que je donne en échange de broderies et de tissages. C'est un échange de savoir-faire. J'ai découvert la qachabia à ma venue en Algérie, je la trouve élégante et fonctionnelle. Puis, la robe kabyle m'a impressionnée par ses couleurs et je me suis faite ma première robe kabyle avec Mme Ali Zamoum qui m'a appris la coupe kabyle en échange de la coupe française. Pour vous expliquer le pourquoi de cette relation aussi privilégiée avec les artisans algérien, je parlerais de la nostalgie d'une jeune Autrichienne nouvellement mariée à un français qui s'est installé à Alger pour de longues années. Le travail de la laine que j'ai découvert ici me rapprochait de mon pays, car chez nous en Autriche on porte des tenues traditionnelles au quotidien. J'ai aimé cette tendance en Algérie. Où vous fournissez-vous et qui sont vos clients ? J'ai acheté mon premier coupon de tissage pour qachabia à Ghardaïa, le vendeur ne voulait pas me le vendre car, disait-il, je ne saurais quoi en faire. Mais je suis revenue plusieurs mois après pour lui montrer ma robe d'hiver et depuis je suis une cliente attitrée. J'achète d'anciens tissages de qachabia et hayek que je transforme en vêtements actuels pour mes clients. Ce sont beaucoup d'Européens résidents ou de passage en Algérie mais aussi des Algériens qui redécouvrent les vêtements traditionnels sous de nouvelles formes. Le bouche à oreille a très bien fonctionné et j'avais jusqu'en 2006 pour cliente privilégiée l'ambassadrice d'Autriche en Algérie qui m'a commandé des robes kabyles, sahariennes et modernes et pour qui j'ai organisé plusieurs défilés privés à Alger et à Vienne. A cette occasion, j'ai toujours travaillé sous le label algérien et je disais toujours qu'il s'agissait d'un travail collectif de femmes algériennes ce qui a été très apprécié aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Vous revenez souvent dans le Sud ? J'ai eu le privilège de côtoyer au quotidien Mina Zerrouk qui m'a hébergée pendant des années et à laquelle je rends hommage pour ses grandes qualités humaines et professionnelles. Avec Nefissa Lahreche elles m'ont présentée beaucoup de gens, et parmi eux Fatima Rouighi d'El Goléa avec qui j'ai de longues années d'échanges en matière de tissage et de broderie car j'achète tous les lainages blancs chez elle. Ce sont les meilleurs d'Algérie pour la confection de mes gilets, vestes et manteaux brodés. Puis j'ai découvert à Tam l'aptitude du cuir targui à être réutilisé. Cousu à la main, un sac targui peut facilement être découpé et se prêter à de nouvelles formes. Quel regard portez-vous sur l'artisanat algérien d'aujourd'hui ? Je dirais qu'il est très riche mais comme pour beaucoup de choses, je regrette que les idées géniales ne trouvent pas d'encouragement et qu'on n'assure pas la continuité, car l'oubli est l'ennemi de la créativité et il est facile en Algérie.