LES CONCEPTS – Langage : C'est la raison d'être d'un organe dont tout humain dispose dès la naissance et cela de manière fort naturelle, voire instinctive. Cet organe — ou appareil langagier — prend place dans le dispositif biologique et génétique de la personne humaine et s'extériorise sous l'espèce de la langue native (ou «maternelle»). – Langue : C'est l'ensemble des moyens que mobilise la faculté de langage des humains. Ces moyens prennent appui sur le dispositif biologique et psycho-cognitif des individus. Et, dans le même temps, ils sont partagés par tous les membres de la communauté de langue. Voilà pourquoi, depuis Ferdinand de Saussure (1857-1913), on considère la langue comme un système partagé par la communauté des locuteurs. – Langue officielle : C'est un statut juridico-politique attribué — souvent de manière arbitraire — à un idiome donné. Par effet d'illusion d'optique, c'est souvent le statut en question qui attache à l'idiome un prestige en décalage — parfois — avec le consensus de fait de la communauté linguistique. – Langue nationale : Idiome dont l'appartenance historique et sociale à une nation est porté par toute une frange des locuteurs natifs de la nation. Le statut juridique portant ce nom représente une protection juridique, mais n'assure pas à l'idiome une survie socialisée pour autant. – Langue maternelle : C'est la forme d'extériorisation de l'organe de langage avec lequel nous naissons. Les fondations biologique, génétique et psycho-cognitive de cette dernière sont ancrées à jamais. Voilà pourquoi la langue native ou maternelle est un acte unique et définitif chez notre espèce. Seule la mort l'efface. – Langue native : Synonyme de «langue maternelle», terme bien plus préférable, dans la mesure où l'on naît avec l'organe de langage. – Langue vivante : Tout idiome porté par ses locuteurs natifs est une langue vivante. – Langue naturelle : Synonyme de «langue vivante». – Langue artificielle : Tout idiome — généralement conforté par un appareil institutionnel puissant — ne possédant pas de locuteurs natifs. – Langue dominante : Se dit d'un idiome qui, par un consensus ou par la force, s'impose aux autres idiomes. – Langue internationale : Une langue qui a cours dans plusieurs nations est dite «internationale». Cependant une langue internationale naturelle — à l'instar de l'anglais — se reproduit et s'étend naturellement. Par contre une langue artificielle, à l'instar de l'espéranto, ne survit que par la force et le volontarisme institutionnels. – Langue franche : Il s'agit de langues «sans frontières» ayant une fonction de communication large et souvent spécialisée. Etant sans ancrage national, les langues franches, à l'instar de l'arabe, perdent leurs locuteurs natifs et voient leur statut social se muer en «langue d'appoint», voire «langue-béquille». – Langue sacrée : Une langue pour être sacrée ne peut s'apparenter aux idiomes humains. Une langue sacrée partage donc les traits d'une langue artificielle mais n'a que la fonction liturgique. – Linguistique : C'est la science du langage. Elle s'intéresse à tous les aspects de cette faculté humaine : l'acquisition, le développement, la syntaxe, la sémantique, la phonétique, la pragmatique. Science de terrain, la linguistique souffre, en Algérie, d'un manque tragique de formation. – Bilinguisme : Seule la situation où une langue native cohabite avec une deuxième langue (tout aussi native) est considérée comme bilingue. Le bilinguisme s'avère être la seule solution aux problèmes linguistiques de par le monde. En Algérie un bilinguisme sain se composerait de tamazight+le maghribi ; ou bien, le maghribi+tamazight ; ou bien le maghribi+l'arabe ; ou bien tamazight+l'arabe. – Multilinguisme : On parle de multilinguisme lorsque des langues différentes — qu'elles soient natives ou non — cohabitent dans un espace donné. – LES LANGUES – Arabe classique ou fosha : Ensemble de formes linguistiques recensées et normalisées, à partir du texte coranique, avec pour objectif essentiel, celui d'une lecture standardisée du Saint Coran. Son caractère non natif — et par conséquent non-humain est attesté jusqu'à nos jours, puisque aucun humain ne naît avec cette langue comme langue maternelle. Son utilisation par la Civilisation arabo-musulmane lui aura permis de se positionner en tant que langue franche qui ne soit pas parvenue à devenir native. – Arabe moderne : Forme bricolée, dès le XIXe siècle, de la fosha. Des «allègements» ont été introduits, souvent sur la base de calques anglo-saxons. De nos jours, elle partage, avec la fosha, la place de langue franche contemporaine non native. – Le berbère : Il s'agit d'un générique qui regroupe les idiomes natifs de locuteurs dont les parlers partagent le substrat libyque. – Le maghribi : Langue native des locuteurs non berbérophones du Maghreb. Elle a pour substrat le punique (langue de Carthage). Sa nature de langue sémitique la rapproche beaucoup de l'arabe, sans s'y substituer. Le nom de «maghribi» est utilisé par les chercheurs moyen-orientaux, mais également par des orientalistes (français et américains, en l'occurrence). – Daridja (derdja-derja) : Synonyme malheureux de «maghribi». En effet, la notion de «derdja» renferme l'idée de «dérivée» d'une langue de prestige. Ce qui la place en position d'infériorité, voire de subordination. Or, historiquement, le punique a été langue de prestige internationale avant même que l'arabe n'émerge. – Dialecte : Terme utilisé par des anthropologues de la colonisation pour décrire les «parlers» des indigènes. L'ethnologie le maintient pour parler de «dialectologie». Dans ses concepts fondateurs, la science linguistique ne retient pas ce terme car, à partir du moment où un idiome est socialisé, c'est qu'il est mu par un système, ce qui en fait une langue. – Esperanto : Code linguistique prétendant au statut de «langue de communication internationale», inventé par un Polonais (L. L. Zamenhof) en 1887. Il s'agit d'une forme linguistique hybride et une syntaxe simplifiée. Bien qu'utilisée par quelques millions de personnes à travers le monde, cette forme linguistique n'a jamais pu devenir une langue native ; d'où son succès mitigé. – Argot : Il s'agit d'un code partagé par un groupe restreint de personnes. Ses fonctions sont très limitées. A la limite, il fonctionne comme une langue de spécialité. Le bon sens populaire tend à minorer l'argot, mais il existe plusieurs sortes d'argots : celui des médecins, celui des hommes de lois, celui des trabendistes ! – Tamazight : Synonyme de «berbère». Terme imposé par les militants de la langue berbère. La Constitution algérienne l'a consacré bien qu'elle ne le restreigne pas à la langue seulement. – Tifinagh : Système alphabétique berbère adaptée du punique. Terme qui signifie, d'ailleurs «la (écriture) punique». – Libyque : Nom donné, par les Romains, à la langue qui se pratiquait au sud de l'actuelle Tunisie. C'est la forme antique du berbère. A ne pas confondre avec le punique, cette autre langue antique de l'Afrique du Nord. – Punique : Langue de la civilisation carthaginoise. Elle est attestée dans tout le Maghreb. Sa présence a été, au moins, millénaire. Elle a cohabité avec le libyque bien que Massinissa l'ait adoptée comme langue officielle. Elle constitue le soubassement du maghribi contemporain (plus de 50 % de survie). – Latin : Langue franche utilisée par la civilisation romaine. N'ayant pas eu de locuteurs natifs, le latin a fini par devenir une langue «morte» de nos jours.