Les USA sont-ils intouchables ? Voulant ouvrir une enquête sur la création de la prison de Guantanamo, le célèbre juge espagnol Baltasar Garzon a vu, contre toute attente, son initiative rejetée. Cette enquête qui vise directement des anciens responsables de l'Administration Bush a été rejetée par le parquet espagnol. « Le parquet de l'Audience nationale, haute instance pénale espagnole dont dépend le juge Garzon, a estimé que ce magistrat n'était pas compétent pour mener une telle enquête générale sur la prison et le système judiciaire décrié de Guantanamo », ont rapporté, hier, des agence de presse en citant des sources judiciaires espagnoles. Pour rappel, le juge d'instruction madrilène Baltasar Garzon, mondialement connu pour avoir fait arrêter l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet, à Londres en 1998, avait sollicité récemment l'avis du parquet sur la suite à donner à cette plainte déposée par des ONG espagnoles. Une plainte qui vise six anciens responsables américains – des membres du sous-secrétariat à la Défense, du parquet fédéral et des conseillers de George W. Bush –, dont l'ex-procureur général des Etats-Unis, Alberto Gonzales. L'Association pour la dignité des prisonniers et des prisonnières qui a déposé la plainte en question soutient que « l'équipe juridique de M. Bush a participé à l'élaboration, à l'approbation et à la mise en marche de l'échafaudage juridique de Guantanamo ». « La justice espagnole ne peut admettre ce qui serait une enquête générale contre la politique mise en place par l'antérieure Administration américaine », argumente le ministère public. Le parquet évoque aussi un argument de forme, à savoir que l'association plaignante n'a pas déposé préalablement de plainte aux Etats-Unis, ce qui invalide sa démarche en Espagne. « Une telle plainte n'est admissible que si le plaignant s'est déjà adressé en vain à la justice du pays concerné », estime-t-on encore. La justice espagnole se reconnaît, depuis 2005, une compétence universelle pour enquêter sur les crimes de masse commis dans le monde entier, même si les victimes ou les bourreaux ne sont pas espagnols. Mais le principe de juridiction universelle a valu récemment à l'Espagne une série de désagréments diplomatiques avec la Chine et Israël et le ministère public prône désormais une application juridique plus stricte de ce principe.