Le célèbre juge espagnol, Baltasar Garzon, accepte d'ouvrir une enquête pour déterminer si les autorités marocaines sont responsables d'un génocide et d'actes de tortures entre 1976 et 1987 au Sahara occidental. Il s'est déclaré, mardi, compétent pour prendre en charge la requête formulée en septembre 2006 par des associations de défense des droits de l'homme et des familles de victimes sahraouies. Faisant état de la disparition de plus de 500 Sahraouis à partir de 1975, la plainte a été attentée contre de hauts gradés de l'armée marocaine, dont le général Housni Benslimane, patron de la gendarmerie royale, le général Abdelaziz Bennani, inspecteur général des forces armées royales, le général Abdelhak Kadiri et le général Hamidou Laânigri, inspecteur général des forces auxiliaires. En tout, le juge Garzon enquêtera sur les responsabilités de 13 personnes soupçonnées de détentions illégales, d'enlèvements, de tortures et de disparitions. Le général Benslimane, présenté comme très proche du jeune roi Mohammed VI, est accusé d'être derrière la vague d'arrestations et de disparitions dans la ville de Smara (occupée par les forces marocaines) en 1976. Son nom figure également sur la liste de cinq Marocains visés par des mandats d'arrêt internationaux émis le 22 octobre par le juge français Patrick Ramaël, chargé de l'enquête sur la disparition, en 1965 à Paris, du leader de la gauche marocaine Mehdi Ben Barka. Abdelhafid Ben Hachem, officier supérieur de l'armée, est soupçonné d'être responsable des enlèvements à Layoune, en 1987, et d'avoir dirigé des interrogatoires sous la torture. Comme enquête préliminaire, Garzon a décidé par le biais d'une commission rogatoire au Maroc, de transmettre la plainte à ceux qui sont impliqués. Il a demandé à être avisé si ces incidents sont à l'étude et avec quelles conséquences, de même que s'il y avait une procédure pénale contre les auteurs présumés. Dans cette commission rogatoire, Garzon exige également au royaume marocain des données officielles sur l'identité des victimes et leur lieu de sépulture. L'affaire semble embarrasser aussi bien les autorités marocaines qu'espagnoles. Interrogé hier à Marrakech, où il s'entretenait avec son homologue marocain Tayeb Fassi-Fihri, le chef de la diplomatie espagnole, Miguel Angel Moratinos, s'est refusé à tout commentaire. « Je respecte la décision du ministère de la Justice et je n'ai pas de commentaire à faire », a-t-il déclaré. En avril dernier, l'ancien procureur espagnol, Carlos Jimenez Villarejo, a corroboré les affirmations des associations de défense des droits de l'homme. Il a même reconnu que le peuple sahraoui a été victime d'une politique de « génocide » pratiquée par les autorités marocaines. Cela, selon lui, a provoqué la fuite de 120 000 Sahraouis des territoires occupés du Sahara occidental. « Le génocide, perpétré par les autorités marocaines, s'inscrit dans le cadre d'un plan politique et d'un dessein parfaitement élaboré qui a toujours prétendu soumettre absolument la société sahraouie, éradiquer tout signe de résistance et l'exterminer en tant que groupe ethnique », avait-il attesté. Le témoignage de M. Jimenez Villarejo, fort et éloquent, a été capital dans la suite donnée à la plainte des Sahraouis. Qui est Baltasar Garzon ? Le magistrat de 50 ans, fils d'agriculteurs à la carrière météorique, appartient à cette caste de juges apparus entre la chute du mur de Berlin et l'effondrement des tours jumelles. Il était député du Parti socialiste ouvrier espagnol. C'est le juge qui a poursuivi en justice le général Pinochet pour génocide. Il a également pris en main des dossiers aussi complexes que difficiles que celui de l'organisation séparatiste ETA et celui d'Al Qaïda. Le juge Garzon s'est illustré par sa persévérance et sa lucidité dans le traitement des dossiers. Un véritable austère qui bosse. Reste à savoir si M. Garzon ira aussi loin qu'il l'a fait avec l'ETA et Pinochet.