Le Centre culturel français d'Alger a organisé un concert, mercredi dernier, à la salle Ibn Zeydoun de l'Office Riadh El Feth. L'invité de cette soirée était le chanteur camerounais Roland Tchakounté qui a fait toutes ses classes au Cameroun avant d'aller perfectionner son jeu à Boston, dans la lointaine Amérique. Il servira à son public du blues mêlé à d'autres sonorités afro-américaines. Quelques minutes seulement après le début du concert, il y a eu une coupure de courant électrique. Quoique cet impondérable n'ait guère dissuadé le trio de musiciens de continuer à jouer, le public venu nombreux n'a pas boudé son plaisir pour offrir au groupe une standing-ovation à tout rompre. Il a su apprécier les intonations nouvelles d'un chanteur qui évolue tout en gardant ses premières influences. S'y ajoute un jeu de guitare éblouissant et une mimique qui l'est tout aussi. L'identité est la même, faite d'un seul bloc, mais les appartenances de ce bluesman de talent sont variées, tellement différentes et « confuses » que la critique musicale en est parfois abasourdie. La voix chaude, « rockeuse » par moments, est là pour faire la différence avec les autres artistes de sa génération, de ceux qui crèvent l'écran mais sans vraiment apporter du nouveau. « Pour connaître l'âme d'un peuple, il faut écouter l'émotion qui se dégage à travers sa musique », dira Tchakounté. Et la musique qui nous a été servie jeudi laisse entrevoir l'âme du chanteur et celle du public. Véritable homme sans frontières, Tchakounté sait « prendre » des diverses cultures ce qu'elles produisent de mieux et en faire sa marque. Toute particulière. D'origine camerounaise, ce français fut révélé au grand public par le festival de blues de Chicago, et sera récompensé lors du Festival international de blues de Memphis. Influencé en premier par John Lee Hooker et Ali Farka Touré, ses maîtres, il essayera d'imiter leur manière de jouer qui leur est bien personnelle. Le musicien, qui interprète ses chansons « bamiléké », son dialecte local, sort en 1999 son premier album, Bred bouh shuga blues. L'autre opus, Abango est sorti en 2005. Trois ans après, il mettra dans les bacs Waka, toujours aussi inspiré et touffu. En plus des sonorités étonnantes, le musicien a les mots bien sentis. Il qualifiera d'ailleurs de « mélodie sauvage » sa musique. Sauvage mais appréciée des « gentilles personnes » que nous sommes.