Jamais autant que cette fois, à moins que les campagnes de proximité prônées par certains partis n'apportent des surprises, une campagne électorale n'a été aussi déprimante. Sans doute nourrie par des luttes internes sans aucune incidence sur la vie du citoyen, cette campagne, légèrement dominée par les péripéties des partis dits «poids lourds» de l'Alliance présidentielle, passe pour le moment presque inaperçue. La représentativité est pourtant un des éléments revendiqués. «Regardez toutes ces photos (affiches électorales), on ne trouve pas les notables de la ville», atteste un fonctionnaire qui explique ainsi son désintérêt avant de lancer : «Moi, le jour du scrutin, je travaillerai dans un bureau, mais je ne vais pas voter.» Celui-ci aurait voulu au moins que «l'ancienne génération cède la place aux jeunes». Le thème des élections, quand il est abordé par les intéressés, est développé beaucoup plus dans les cafés que dans les salles réquisitionnées, rarement accrochantes. Le contenu des débats est un autre des griefs retenus contre les politiques. «Il n'y a pas de vrai débat politique», confie un citoyen pourtant militant d'un parti politique. «La majorité des partis ne débattent pas de leur programme et tous ceux-là se réfèrent au président de la République», constate-t-il au détriment des siens. «L'argument de la période de transition est brandi à chaque fois, mais jusqu'à quand ?» s'interroge-t-il en attendant avec un grand intérêt la libération des énergies. Pourtant, potentiellement néanmoins, tous les ingrédients pour un débat contradictoire sont là. Hormis les luttes intestines qui minent le FLN, les 20 listes en compétition à Oran (aucune liste indépendante) brassent un large éventail idéologique. D'un côté, à la tendance nationaliste traditionnelle, avec ses variantes conservatrice et moderniste, est venue se greffer une multitude de petits partis aux contours flous, mais qui comptent bien mener une campagne souvent entachée de populisme et espérer. Des transfuges de formations diverses conduisent des listes au nom de partis qui ne refont surface qu'en ce genre de circonstances. C'est le cas du RA, mais aussi, pour le cas des transfuges, du FNA qui, à Oran, a drainé des dissidents du FLN mécontents de la tournure qu'a prise leur parti après le redressement, mais surtout après la confection de la liste électorale. Les islamistes autant de l'alliance que des partis qui ont subi des scissions, comme Ennahda, sont toujours là, mais avec un discours orienté plutôt vers le social que le religieux, comme ce fut le cas auparavant. L'ANR et le RCD représentent tout deux le camp des démocrates et espèrent réaliser un score honorable à Oran. En face, il y a une liste unique représentant une certaine gauche, celle du PT, qui s'exprime ouvertement contre le libéralisme. En général, la démobilisation des électeurs ne profitait pas, jusque-là, aux partis modernistes, perpétuant un système de gouvernance qui semble avoir encore de beaux jours devant lui. «C'est toujours la même chanson : les jeunes, le chômage, le logement… que promettent les prétendants à la députation, mais qui finissent toujours par s'évaporer après les élections», pense un fonctionnaire du secteur de la culture qui confie ne pas encore avoir pris de décision concernant le choix de la liste pour laquelle il va voter le 17 mai. Comme pour beaucoup de gens interrogés, le vote est aussi une formalité qu'on remplit sans grande conviction. «Dans le passé, je votais avec conviction, mais après j'ai déchanté et là je vais voter mais je ne vais même pas suivre la destinée de mon bulletin», confie un autre citoyen qui a pourtant fait remarquer que «maintenant, la politique est interdépendante avec le monde extérieur et c'est pour cela qu'on ne devrait pas rester à la traîne». La démobilisation vient aussi du milieu syndical. «Il n'y a visiblement pas d'espoir que cela change», atteste un militant syndical qui venait de sortir d'un conflit de travail avec sa direction.