Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur français, exaspéré par l'activisme et le dynamisme de la Cimade qui a réussi à faire relâcher de nombreux étrangers sans papiers, a mis fin au monopole de cette organisation. Il a ainsi décidé d'accorder l'agrément à six autres associations qui seront chargées de faire le même travail que celui qu'effectue depuis 1984 la Cimade. Officiellement, c'est pour accélérer le traitement des dossiers et désengorger les centres de rétention d'étrangers en situation irrégulière et officieusement, pour donner un coup d'arrêt au bon travail que fait la Cimade et accélérer la courbe des expulsions à l'approche des élections régionales prévues pour mars prochain. Faire preuve d'indépendance La Cimade a immédiatement contesté cette nouvelle décision, estimant que la seule « information » aux migrants sans-papiers ne suffisait pas à garantir leurs droits. Elle a plaidé pour un véritable accompagnement des étrangers risquant l'expulsion. Dans un communiqué rendu public, la Cimade a exprimé son inquiétude quant au rôle que devraient jouer les nouvelles associations agréées, parmi elles : l'Ordre de Malte, le Forum Réfugiés et l'ASFAM : « Nous espérons que ces associations sauront faire preuve d'indépendance et de détermination nécessaires pour mettre en œuvre une action de défense des droits des étrangers. » En effet, la Cimade craint que ces nouvelles associations ne manquent de pugnacité et de combativité lorsqu'il s'agira de défendre les droits des étrangers menacés d'expulsion devant les tribunaux de la République. Cependant, l'Ordre de Malte a voulu rassurer tout le monde, en expliquant qu'il ne compte pas laisser les droits des étrangers partir en fumée. Au contraire, il veut aller jusqu'au bout dans sa défense des futurs expulsés. « Nous chercherons à conduire les migrants vers une régularisation s'ils remplissent les conditions », a estimé le secrétaire général de l'association, Alain de Tonquedec. En revanche, ce responsable souhaite éviter les polémiques et les provocations stériles car, explique-t-il : « Notre but n'est pas de contester le droit ni faire de la politique, mais au contraire à veiller à son application. Notre vocation est humanitaire. » Forum Réfugiés, qui a commencé à activer depuis vendredi dernier, entend, de son côté, « travailler dans la continuité de ce qui a été fait » par la Cimade, afin de favoriser « l'exercice effectif du droit. Nous n'allons pas nous contenter de placarder des affiches ou de distribuer des prospectus, mais réaliser des diagnostics individuels », soutient le président de l'association. Comment seront traités dorénavant les dossiers des sans-papiers parqués dans les centres de rétention en instance d'expulsion ? Si pour le gouvernement français, le nouveau dispositif va permettre aux étrangers sans-papiers de faire valoir leurs droits jusqu'au bout et de fluidifier les procédures, la Cimade voit, quant à elle, le contraire de la démarche. Elle craint que des divisions apparaissent entre les nouvelles associations et influent négativement sur leur travail. De toute façon, le système actuel d'expulsion a montré ses limites. Un tiers seulement des personnes interpellées sont expulsées vers leurs pays d'origine. Les autres retournent dans la clandestinité. Il faut ajouter à cela le coût élevé de la procédure. L'étranger qui est arrêté et mis dans un centre de rétention en attente de son jugement coûte en moyenne 13 220 euros aux contribuables. De quoi faire tourner la tête à Brice Hortefeux et à tous ceux qui prônent la politique du tout sécuritaire.