Lors de ces conférences, auxquelles sont conviés des représentants de la société civile, des éducateurs et des parents d'élèves, il est question d'expliquer et de vulgariser l'arsenal juridique portant sur la protection de l'enfance en Algérie, à l'occasion du 1er juin, Journée mondiale de l'enfance, et du 16 juin, Journée de l'enfant africain. Si l'initiative est louable, elle reste incompatible avec la réalité amère de l'enfance en Algérie, confrontée non seulement à la misère, mais aussi à la déperdition scolaire et surtout à la violence. Les statistiques sont effarantes et montrent que cette frange vulnérable n'est pas suffisamment protégée par les textes. Une enquête récente du ministère de la Solidarité sur les maltraitances subies par les enfants a révélé que les violences physiques prédominent largement, suivies de la violence psychologique, associée à la maltraitance sexuelle et à la négligence. L'enquête a montré que les parents sont les premiers auteurs de maltraitance avec 76,82%. Dans cette catégorie, le père occupe la première position avec 40,9% suivi de la mère, 19,5%, puis les deux parents, 17,07%. Les autres membres de la famille se classent en deuxième position avec 17,07%, alors que les enseignants occupent la dernière position. Ces résultats se confirment pour toutes les violences, sauf celles dites sexuelles qui sont le fait des autres membres de la famille avec 55,55% des cas, et des pères avec 44,44%. La famille censée être le berceau de l'amour et de l'affection, peut s'avérer être un lieu de souffrance et de violence, protégé par la loi de l'omerta. Les textes juridiques restent insuffisants, du fait que le code de la famille appréhende encore la maltraitance physique des enfants au nom du respect dû aux parents et de la puissance paternelle. Idem pour le code pénal qui évoque, et donc admet, des violences légères. Pourtant, l'article 27 de la Convention internationale des droits de l'enfant fait obligation à tous les citoyens, notamment les enseignants, de signaler les cas de maltraitance. Malheureusement, cette culture reste exceptionnelle pour ne pas dire inexistante dans notre société faute d'un mouvement associatif offensif sur le terrain des droits de l'enfance. Même la législation reste très insuffisante en la matière puisque les services de l'action sociale, de la police ou de la gendarmerie ainsi que le procureur de la République sont les seuls habilités à recevoir une plainte sur le cas d'un enfant maltraité. Le code de déontologie médicale, quant à lui, fait obligation aux médecins, chirurgiens et dentistes d'informer les autorités en cas de constat d'un cas de maltraitance de mineurs. Le chaos de la délinquance Si la violence en milieu intra-familial fait des dégâts, celle de la rue à laquelle l'enfant est confronté, par la force des événements, engendre des conséquences désastreuses sur son équilibre moral et physique et le pousse à basculer dans le chaos de la délinquance. De ce fait, il se livre au pire des cas à la criminalité et dans le meilleur des cas au vagabondage et à la mendicité, en proie à toute forme de violence. Durant les quatre premiers mois de l'année en cours, la Gendarmerie nationale a fait état de 516 mineurs victimes de violences, dont 111 ont subi des coups et blessures volontaires, 115 ont été victimes de violences sexuelles, 12 ont été enlevés, 8 assassinés, 10 violés et 35 tués à la suite d'accidents de la circulation. En 2006, le bilan des mêmes services fait état de 1677 mineurs victimes de violences, parmi lesquels 433 ont subi des coups et blessures (dont 308 avec arme blanche et 3 avec arme à feu), 468 ont subi des violences sexuelles, 132 ont été violés, 137 ont été tués par des chauffards et 119 ont été utilisés par des proxénètes. Une autre enquête de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a montré que chaque année ce sont quelque 10 000 enfants qui souffrent de différentes formes de violence. Celles-ci peuvent être physiques, psychologiques ou passives comme l'exclusion ou la marginalisation. Durant l'année 2006, les services de police ont enregistré 5760 enfants victimes de violences. Parmi ces derniers, 2099 ont subi des violences physiques et 1440 ont été victimes de violences sexuelles. Si les garçons ont tendance à être majoritairement des victimes de violences physiques, les filles sont plutôt plus nombreuses à subir des agressions sexuelles. Durant la même période, 18 enfants ont été assassinés volontairement. Pour les enquêteurs, l'évolution de la criminalité est la conséquence de la décennie du terrorisme. Ils ont surtout déploré la passivité du citoyen qui, selon eux, manque de culture de signalement. Un constat qui mérite d'être, encore une fois, mis en exergue pour pousser les responsables du ministère de la Justice à une refonte du système juridique, afin de venir en aide à une enfance meurtrie qui cherche protection. Il y va de l'avenir de ce pays.