Washington DC. De notre envoyée spéciale La sentence émane d'un important organisme américain : l'Algérie figure parmi les pays les moins libres économiquement. Les immixtions du gouvernement dans les affaires économiques sont de nature, d'après une étude réalisée par le Cato Institute, à retarder le développement du pays. Dans le volumineux rapport de l'année 2007 du Cato Institute, intitulé ” La liberté économique dans le monde “, l'Algérie occupe le bas du classement. L'indice de la liberté économique en Algérie est, sur une échelle de 0 à 10, de l'ordre de 4.6, un peu mieux que le Zimbabwe (2.8) et le Venezuela (4.4) mais bien loin du Tchad (5.2), le Pakistan (5.7) ou le Mexique (6.6). Les pays les plus ” libres ” économiquement sont, d'après le même rapport, Hong Kong (8.7), La Nouvelle Zélande (8.2) et les Etats-Unis (8.2). Le Cato Institute mesure le degré de la liberté économique selon une série de critères. Ses chercheurs calculent, à titre d'exemple, le budget de l'Etat alloué au secteur économique, les investissements du gouvernement, le degré d'indépendance de la justice, la protection de la propriété intellectuelle, le salaire minimum garanti… L'institut américain déduit, suite à l'addition de tous ces critères, que le poids du gouvernement algérien dans les décisions économiques reste important. Au tableau mesurant la liberté du commerce extérieur dans le monde, notre pays occupe la 116e place. Dans la case réservée à l'organisation des secteurs d'assurance et celui des affaires, l'Algérie est, une fois de plus, à la traîne avec sa 124e place. Dans le classement des pays exportateurs industriels, l'Algérie occupe encore le bas du tableau. Notre pays figure, en effet, à la 133e place après le Ghana, Niger, Cuba, Sénégal et le Paraguay. A l'évaluation de l'institution juridique algérienne, le Cato attribue une note de 3.1, reléguant l'Algérie à la 108e place. En gros, dans chaque classement réalisé par cet institut, l'Algérie dépasse systématiquement la 100e place. Il est vrai que de nombreux hommes d'affaires algériens s'étaient plaints du fait que l'Etat soit omniprésent dans la gestion des affaires économiques. L'exemple de la stratégie industrielle est l'un des plus édifiants. Certains patrons avaient, en effet, regretté le manque de concertation des pouvoirs publics avant l'élaboration d'une stratégie qui les concerne directement. Après les assisses sur la stratégie industrielle auxquelles ils ont pris part, ils doutaient que l'Etat prenne en compte leurs suggestions. «Laissez les marchés tranquilles !» Le ” think-tank ” ultra-libertarien Cato Institute bénéficie d'une audience importante parmi les conseillers de l'Administration Bush à Washington (une de ses membres, Gale Norton, a été nommée par George W. Bush à la tête du Département de l'Environnement). Il a néanmoins été le seul institut américain à dénoncer l'invasion américaine en Irak. Rencontré au siège de son organisation à Washington DC, M. Fadi Haddadin, membre du Cato Institute, a exposé sa vision du monde d'aujourd'hui. Son credo : ” Laisser les marchés tranquilles !”. ” Il ne faut surtout pas ligoter l'économie, les Etats-Unis se souviennent encore de la prohibition d'alcool qui a donné lieu à l'une des périodes les plus noires du pays. C'est les marchés qui doivent suivre leur voie “, tranche-t-il. Le Cato Institute, du nom de Caton le jeune (Cato en anglais), ce prince romain qui s'est rebellé contre son père, récuse la politique du Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. ” Nous plaidons pour la protection des petits pays contre le FMI et la Banque mondiale “, nous dit M. Haddadin. Libertarien, dans le langage de M. Haddadin, signifie le fait de ne pas mélanger économie et politique. Dans le dictionnaire, le libertarianisme est une philosophie politique prônant la liberté absolue des individus de faire ce que bon leur semble de leur personne et de leur propriété. ” En résumé, explique M. Haddadin, les libertariens en général et le Cato Institute en particulier, sont conservateurs économiquement mais libéraux politiquement “. Il se dit convaincu que ” le secteur privé est plus compétent que les gouvernements “. ” La démocratie ne garantit rien. La liberté économique, elle, résout beaucoup de problèmes. De plus, la démocratie ne peut venir qu'avec la liberté économique “, estime-t-il. Le Cato Institute ne cesse de vanter, chiffres à l'appui, les vertus d'un système économique libre. Le produit intérieur brut évolue, selon cet institut, de 24.402 dollars/personne pour les pays les plus libres, à 10.360 dollars/personne pour les pays moyennement libres jusqu'à 2998 dollars/personne pour les pays les moins libres. La croissance économique serait, d'après eux, de 2.1% dans les pays les plus libres à -0.2% dans les pays les moins libres. Le taux de chômage est, lui aussi, selon les membres du Cato lié au degré de liberté économique. Il serait, d'après eux, de 5.9% dans les pays les plus libres jusqu'à 12.7% pour les pays les moins libres économiquement. Le Cato pousse son analyse jusqu'à lier la liberté économique à la moyenne d'âge, la mortalité enfantine, le manque d'eau, les bas niveaux de salaires, les libertés politiques et civiles… Cela peut nous paraître ” exagéré “, mais pour les membres du Cato, la racine du mal est toujours liée au manque de liberté économique. D'après leurs analyses, la corruption est deux fois plus importante dans un pays qui n'est pas libre économiquement. ” Avec plus d'impôts et la levée des barrières douanières, la liberté économique réduit les chances de corruption chez les responsables du gouvernement. L'indice du niveau de corruption dans les pays les moins libres atteint près de 6.8 contre 3.0 dans les pays les plus libres “, lit-on sur le rapport. Le travail des enfants serait, d'après eux, de 0.3% dans les pays libres et de 19.3% dans les pays les moins libres économiquement. L'institut a, par ailleurs, des positions assez singulières. L'une des plus frappantes est le droit à la libre circulation des armes à feu aux Etats-Unis. Le Cato Institute soutient ainsi le NRA (la National Rifle Association), le lobby pro-armes le plus puissant des Etats-Unis, l'un des plus grands bailleurs de fonds de la dernière campagne électorale de George Bush.